Toi qui m'as donné la vie, qui m'as élevé, épaulé... Je te dois tout.
Tu sais, j'ai toujours considéré qu'une mère était une reine à part entière. Et toi, tu es ma reine, avec une beauté royale qui en fait perdre la tête.
Maman, ma p'tite maman, si tu savais comme je t'aime. Mon amour pour toi s'amplifie chaque fois que je te vois.
Je t'aime, mais je me dois de m'en aller. Je n'ai plus rien à faire dans ce monde de merde où l'on est jugés sur chaque acte que l'on commet. J'avais une mission à remplir, un but à accomplir, un objectif à atteindre ; mais ce serait comme quémander la paix dans le monde. En l'occurrence, c'est inimaginable. Impensable. Inconcevable.
Tu étais la seule qui me comprenais réellement, et qui ne me jugeais pas pour ce que je faisais ou pour ce que j'étais. Je savais que je pouvais te faire confiance ; c'est pour cette raison que j'ai laissé mon cœur te déballer tout ce qu'il avait encaissé, tout ce que ma conscience avait sur le dos. Ça a été dur, ô si tu savais ! Mais, dorénavant, je suis libéré, je suis libre de tous ces tourments incessants.
Tu as tellement bien réagi, maman. Tu savais que je ne voulais surtout pas que papa le sache ; alors tu m'as aidé à le lui cacher en jouant la comédie. Je ne peux que te remercier pour cela. Tellement de mères auraient refusé cette nouvelle, ou trahi la confiance de leur propre enfant. Mais, toi, tu es unique. Tu as su rester digne et rendre ma vie on ne peut plus simple pendant pas mal de temps.
Tu es la seule qui as compris que cette différence faisait de moi quelqu'un de plus fort, et de plus unique. Tu m'as soutenu du début à la fin ; mais, malheureusement, ça n'a pas suffi.
Malgré tous nos efforts considérables, les gens ne cessent de me dévisager lorsque j'ose enfin affirmer qui je suis. Et ça, maman, c'est atroce. C'est atroce de se dire que l'être humain, ce putain d'être cruel, juge quelqu'un avant même de le connaître ! Se permettre d'émettre un jugement sur une personne inconnue, un être humain à part entière, c'est complètement... absurde. Même impensable. Improbable.
Mais, s'ils cherchaient un peu plus loin, s'ils creusaient au fond de moi-même, ils trouveraient quelqu'un de bienveillant, qui ne souhaite le mal de personne. Mais pourquoi eux rêvent du mien ? Pourquoi souhaitent-ils à ce point que je crève ? Je n'arrive pas à comprendre, aide-moi !
Maman, j'ai essayé maintes et maintes fois de te décrire certaines situations que je vivais, certaines scènes qui me restaient en tête. J'ai essayé de te dire que l'on m'a humilié face à mon professeur en plein cours de français, et que ce dernier a osé me virer de cours. "Tu perturbes la classe et déconcentres tes camarades", crachait-il. Il m'a même déjà renvoyé trois jours pour avoir frappé une bande d'écervelés ! Mais, putain, ils m'ont cherché... J'ai simplement voulu me défendre, maman, je te le promets... Voilà ce à quoi ressemblait une journée type dans ma peau, une journée dans la peau d'un incompris.
Mais ce n'était pas de ma faute ! Comment veulent-ils que je me taise face aux boulettes de papiers que l'on me lance, aux injures et moqueries, aux regards dégoûtés et aux bousculades incessantes dans les couloirs ? Je ne suis pas un robot, je suis humain, comme tout le monde ! Moi aussi, je possède des sentiments : la peur, la honte, la gêne... Mais ça, ils ne s'en préoccupent pas.
Ça a été dur, maman, toutes ces années à devoir supporter ces regards insistants sur ma personne parce que j'étais fier de dévoiler mon secret au grand jour. Mais qu'ai-je fait de mal ? Qu'ai-je fait de déplacé ? Est-ce que quelqu'un est en mesure de me le dire, ou est-ce trop demander ?!
Je te l'avoue, il m'arrive parfois de me dire que c'est de ma faute. Que si je suis comme ça, c'est qu'il y a une bonne raison. Que je n'avais qu'à être comme tout le monde. Mais, tout de suite après, je me gifle intérieurement de penser cela. Parce que rien de tout ce bordel n'est de ma faute, ou même de la tienne. C'est simplement de la leur ! Ils ne savent pas regarder plus loin que l'extérieur, mais quel malheur !
C'est dans ces moments que je prends conscience de la bêtise humaine. Te rends-tu compte, en venir à me détester parce que je suis moi, c'est juste... monstrueux. Je n'ai même pas les mots pour te l'expliquer, maman. Les vingt-six lettres de l'alphabet ne suffisent tout simplement pas à compléter un mot aussi grand que la peur et la honte qu'ils font naître en moi !
J'ai essayé de me foutre du regard des gens, putain, j'ai essayé ! Mais que veux-tu que je fasse contre cinq, dix, vingt personnes alors que je suis quasiment seul ? Ils sont tous contre moi, maman, je ne peux plus rien faire ! Une seule victime contre un groupe entier, qui est-ce qui gagne, à ton avis ? La question ne se pose même pas, la réponse est évidente.
Si tu savais le nombre de fois où je m'imaginais avoir une vie simple, mais belle. Tu sais, être comme tout le monde : avoir une famille unie, des amis proches, une petite amie aimante, des bonnes notes à l'école... J'ai si souvent imploré les Dieux de m'offrir cette chance. Mais je crois qu'ils ne m'entendent pas, ils ne m'entendent plus. Peut-être ai-je commis trop de péchés pour mériter cela ? Pour mériter le bonheur ? Que de questions sans réponse...
Ils ont remporté la guerre, ils ont eu ce qu'ils voulaient. À présent, je m'en vais.
Non, ne sanglote pas, maman, c'est le mieux à faire. Il n'y a pas d'échappatoire. Une fois parti, tu auras un fardeau en moins à supporter dans ta vie, c'est mieux ainsi.
Ne culpabilise pas, ne t'en veux pas, car moi, jamais je ne t'en voudrai. Tu as fait tout ce qui était en ton possible en tant que mère, tu ne peux qu'en être fière !
Je t'aime, maman, comme je n'ai jamais aimé. Tu es tout ce que j'ai de plus cher au monde, un diamant parmi toutes ces futiles pierres sans brillance, sans importance.
J'ai beau avoir eu une vie plus que mouvementée, je suis tout de même émerveillé à l'idée de partir. Je laisse derrière moi tous ces maux à l'aide d'une multitude de mots, je suis délivré de tous problèmes. Sois heureuse pour moi, je t'en prie. Ne regrette pas les gestes du passé, ne te dis pas que tu aurais dû m'aider plus que ce que tu n'as fait, car tu as réussi à faire ton maximum, tout ce qui t'était possible de faire en tant que maman. Et rien que pour cela, je te dis merci.
Ne t'en fais pas, on se reverra, crois-moi. Quand ça ? Seul le temps nous le dira.
Surtout, n'oublie pas : quoi qu'il arrive, je serai près de toi.
Attristé mais apaisé, Leny
VOUS LISEZ
Mes derniers maux
Short StoryÀ vous, Vous qui m'aimez, Vous qui me comblez, Je vous adresse ces derniers mots sur ces feuilles de papier, Car vous vous devez de savoir Ce qui m'est arrivé, Avant que je ne parte Pour l'éternité. ______ Pour les personnes sensibles au thème du su...