Faithless, moonless nights

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Une matinée d'été, le soleil à peine levé, voilé par une pluie battante, qui déformait le paysage à sa fenêtre. Jungkook ne trouva rien d'exceptionnel à ce matin-là.

Il quitta l'appartement vers dix heures. La pluie avait cessé, pour un moment. Il savait qu'il allait pleuvoir de nouveau, dans peu de temps. Elle ne partait jamais pour longtemps.

Il avait le bas du pantalon trempé, les chaussures et les chaussettes imbibées d'eau. Ce sentiment désagréable d'humidité grimpant le tissu, se collant un peu plus à sa peau au fil de son ascension. Il haïssait la pluie. Il la haïssait, mais il ne pouvait rien faire pour l'arrêter. Plus maintenant.

Les bouches d'égout dégueulaient d'eau sur les trottoirs. Assis à même le sol, trois enfants infectés se traînaient pour s'en écarter. Ils étaient trempés, et crasseux. Ils s'abreuvaient en récupérant la pluie qui s'écoulait des gouttières, dans leurs mains sales et écorchées. Ils étaient probablement orphelins depuis un bout de temps.

Ils se jetèrent à ses pieds en le voyant passer. Il les esquiva sans leur accorder un seul regard. Il les entendit supplier, mais ne fit pas demi-tour.

C'était comme ça. Il ne fallait jamais s'arrêter. Il ne fallait jamais faire demi-tour.

Les mains dans les poches, il poursuivit sa route. Quand quelques gouttes tombèrent dans ses cheveux, il dressa sa capuche sur sa tête. Il tourna au coin de la rue principale du quartier. Là, par terre, sur les routes, contre les bâtiments, allongés sur le béton, il y avait d'autres gosses. Des adultes, des animaux et des déchets aussi. De la misère étalée sur le bitume. Il ne cessa pas d'avancer. Tous se lamentèrent sur son passage, s'agrippant faiblement à son pantalon. Ils ne le retenaient jamais longtemps. Ils étaient bien trop faibles.

Alors qu'il était forcé de ralentir, la foule d'infectés s'amassant auprès de son corps sain, il leva les yeux, le regard au loin.

Au bout de la rue qui descendait, le Centre, le quartier riche. Bâtiments blancs, rues propres, aristocrates faisant du lèche vitrines. Jungkook n'eut plus la force de les mépriser. Il aurait bien voulu les ignorer, aussi bien qu'eux ignoraient ce qu'il se passait là, mais il ne put détacher ses pupilles du luxe de leur vie quotidienne.

Il eut un léger rictus. Une fois infectés, ils finiraient tous ici. Ils seraient rejetés et isolés dans les quartiers pourris entourant le Centre, comme tous les autres avant eux.

C'était comme ça. Ce monde, aussi injuste pouvait-il être, suivait avant tout la loi du plus sain.

Un cri retentit entre les immeubles délabrés. Jungkook se tourna dans sa direction, une brise glaciale hérissant le duvet de sa nuque alors qu'une jeune femme se tordait au sol, un peu plus loin. Il se dégagea rapidement des mains qui le retenaient. Il ne fallait pas rester ici plus longtemps.

Il quitta la rue. Les hurlements de la jeune femme se firent de plus en plus lointains. S'il y avait bien quelque chose qu'il fallait fuir, c'était ça. Le second stade après l'infection.

Une période d'incubation de quelques jours, pas plus d'une semaine, avant de passer au premier stade de la maladie : on l'appelait le Répit. La trop courte période avant le début du martyr ; ce moment où l'infecté sait qu'il est touché, et que le pire est à venir.

Jungkook baissa les yeux sur ses chaussures trempées. Il préférait ne pas y penser. Il avait depuis longtemps décidé qu'il valait mieux ignorer tout ça.

Il pénétra son lieu de travail. Une vieille boutique, l'une des seules qui n'avait pas été fermées, qui fonctionnait toujours. Avant que le monde change, c'était un petit tabac, où les gens achetaient leurs cigarettes et repartaient en général avec un ticket de loto à gratter, en espérant peut-être avoir un peu de chance, pour une fois. Désormais, tout était vide de cigarettes et de tickets malchanceux.

slowly dying sunsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant