« À quoi sert d'être en vie si on a pas de raison de l'être »

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L'heure tournait et Mavy cumulait de plus en plus de retard. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner faisant monter en elle la pression. Monsieur Stark allait sûrement lui faire la remarque et l'idée de l'entendre râler comme il avait l'habitude de le faire l'ennuyait déjà grandement. Sa voiture en bas l'attendait et le chauffeur s'impatientait. Elle claqua alors la porte derrière elle et sauta presque dans la voiture qui ne tarda pas à démarrer. Ces rendez-vous hebdomadaires l'agaçaient grandement mais elle n'avait pas le choix, tous les mardis à neuf heures depuis deux ans, une voiture l'attendait en bas de chez elle pour l'amener directement chez Stark et tous les mardis à neuf heures depuis deux ans, elle n'avait jamais réussi à être à l'heure.

       Elle courait aussi vite qu'elle le pouvait dans ce couloir sombre qu'elle détestait tant. Une fois arrivée devant la porte du laboratoire, elle souffla un grand coup et l'ouvrit d'un geste peu assuré.

-Dix minutes de plus que la semaine dernière. Souffla Stark.
-Je sais.
-Je me demande comment mon père vous supportait.
-Si vous voulez tout savoir, mon cher Tony, Howard et moi avons noué des liens très forts depuis... S'arrêta Mavy, la gorge serrée.
-Depuis la mort de James Barnes. Allez jusqu'au bout de vos phrases.

       Mavy se redressa subitement pour faire face au fils d'Howard et retira violemment son bras de son emprise. Son deuil était toujours d'actualité et ce depuis que Steve lui avait annoncé la triste nouvelle par télégramme.

-Vous méprisez votre père mais il était bien plus bienveillant que vous ne le serez jamais. Dit-elle en se rhabillant. J'arrête les rendez-vous, ça fait plus de soixante-dix ans que rien ne s'est déclaré.
-Mon père n'a jamais fait attention à personne et vous prenez le risque de mettre des milliers de vies en danger en voulant...
-Au revoir Tony.

       Quelque temps après la mort de Bucky et la disparition de Steve, Mavy avait beaucoup insisté pour joindre Howard Stark dans ses fouilles visant à retrouver les deux hommes de sa vie que la guerre lui avait arrachés de sang froid. Peu importait les risques, elle voulait retrouver les corps de ses deux amis coûte que coûte. Après d'infructueuses recherches dans les bois, Howard et elle durent se résigner à l'idée de ne plus jamais retrouver James. Les recherches pour Steve ne furent pas plus concluantes, les risques furent de plus en plus grands et Mavy finit par tomber gravement malade. Howard s'était engagé à prendre soin d'elle, Rogers lui parlait tellement souvent d'elle qu'il avait l'impression de la connaître depuis toujours. Il se sentait responsable de ce qu'il lui était arrivé et vouait des jours entiers à la recherche d'un traitement.

       C'est au court d'une piste pour retrouver James que tout s'est déroulé. Howard avait relevé des traces de radiations très élevées qui pouvaient provenir d'un laboratoire secret soviétique. Mavy avait lourdement insisté pour le suivre jusqu'au bout de cette fameuse piste. La neige tombait encore beaucoup et le vent était plus glaciale que jamais, Howard ne se leurrait pas, si le corps du sergent Barnes gisait toujours à l'extérieur, il avait sûrement aider à la survie des animaux qui habitaient la forêt. Cependant, l'idée de faire plus de mal à la jeune fille qui le suivait en lui révélant la vérité l'effrayait, il préférait garder le silence et faire de son mieux pour l'aider.

       Le laboratoire avait été déserté depuis plusieurs jours déjà car la poussière commençait à s'accumuler un peu partout. Pendant qu'Howard farfouillait les quelques dossiers laissés à l'abandons, Mavy passait de pièce en pièce à la recherche de James. Aucun indice, aucun objet lui appartenant ne laissait présager qu'il avait été amené ici. Elle ne croyait pas à sa mort, pas une seule seconde, elle croyait dur comme fer qu'il était toujours vivant quelque part. Le traumatisme était tellement grand qu'elle ne voulait pas voir la vérité en face. L'enclenchement des lumières la firent sursauter, Howard avait dû trouver un générateur de secours. Elle continua son inspection, le corps frissonnant. Les locaux étaient aussi froids que le temps dehors et l'atmosphère macabre la mettait mal à l'aise.

       Une pièce à l'écart des autres attira son attention, contrairement aux autres, elle n'était pas éclairée, pas complètement mais une petite source de lumière pointait sur un écrin fait de verre. La porte claqua brutalement derrière elle la faisant hurler de surprise, Howard se précipita dans ce couloir sans fin et tenta d'ouvrir la porte en vain. Mavy était tellement absorbée par l'objet protégé par cet enveloppe de verre qu'elle n'entendait pas les coups que donnait Howard sur la porte en lui demandant de ne toucher à rien. Mais l'attraction était trop forte. C'est comme si l'objet l'appelait. Il y avait comme un son qui sifflait dans ses oreilles et son pouls s'accélérait à mesure qu'elle approchait. Lorsqu'elle le saisit, tout devint calme, le sifflement s'était arrêté et un lourd silence pesa, c'est à peine si elle pouvait discerner sa propre respiration. Elle tenait dans sa main une sorte de médaillon assez lourd, orné d'inscriptions dans une langue inconnue. Pourquoi gardaient-ils ça aussi précieusement ? Il n'avait pas l'air d'avoir grande utilité ni grande valeur. C'est alors qu'une vive douleur la prit à la gorge et se répandit dans tout son corps, elle était incapable de respirer. Sa vue se brouillait, son corps se refroidissait et elle perdit instantanément connaissance. Le dernier souvenir qu'elle gardait de cette journée, était celui d'Howard, défonçant la porte à coup d'épaule pour se diriger vers elle. Les jours qui suivirent furent calmes puis un matin, Mavy fut prise d'une forte fièvre et de convulsions violentes qui la maintinrent au lit pendant plus d'un mois.

-Mavy, je ne peux pas vous laisser partir. Renchérît Tony. Mon père m'a laissé de nombreuses notes sur vous et...
-Et quoi ?
-On me met le couteau sous la gorge pour surveiller votre état.
-C'est qui « On »? Souffla-t-elle.
-Je ne peux pas risquer de vous le dire... Sachez seulement que ces rendez-vous sont nécessaires.
-C'est qui « On » ?! Répéta-t-elle plus fortement.
-Asseyez-vous. Dit-il en la poussant doucement vers un fauteuil.

       Stark s'appuya négligemment contre son bureau, les bras croisés, cherchant comment lui annoncer la « grande nouvelle ». Il ne l'appréciait pas tellement mais il se doutait que lorsqu'elle l'apprendrait ça lui ferait très certainement un choque. L'annonce d'une telle nouvelle pouvait sans doute engendrer une mauvaise réaction de sa part et c'est ce qu'il redoutait le plus. Mavy le regardait calmement, les jambes croisées, les mains jointes sur ses genoux et patientait sagement que Tony daigne lui expliquer.

-Il va falloir rester calme mademoiselle Nikolah.
-Mademoiselle Nikolah, vraiment ? Demanda-t-elle un sourcil arqué.
-Steve Rogers a été retrouvé il y a quelques années avant vous. Il a été en quelque sorte « congelé » dans l'Arctique.
-Quoi ?! Son souffle se coupa. Il est vivant ?!
-Il est bien vivant et a participé à votre « réveil ».
-Et Bucky ?!
-Bucky ? Répéta le grand Iron Man en guise d'incompréhension.
-James Barnes, vous l'avez retrouvé ?
-Mon père vous a ménagé pendant des années mais vous devez vous rendre à l'évidence. Le sergent Barnes est mort en 1944 pendant une mission.

       Les yeux noisettes de la jeune fille fixèrent le vide pendant plusieurs secondes, c'est une réalité qu'elle ne voulait absolument pas s'avouer. Le déni est une protection puissante contre la dure vérité. Mais elle le savait au fond d'elle qu'il ne reviendrait plus jamais, le dernier souvenir qui subsistait de lui était le baiser qu'il lui avait donné la veille de son départ.

-Steve est ma seule famille, je veux le voir.
-Il va falloir attendre.
-J'ai attendu soixante dix ans.
-Alors quelques jours de plus ne devraient pas poser de problème.
-Howard était beaucoup plus conciliant.
-Je ne suis pas mon père.
-C'est bien dommage. Pesta Mavy.
-Je commence à comprendre ce lien entre Rogers et vous.

       Le ton qu'il employait était lourd de sens, on devinait très clairement que leur collaboration n'était pas basée sur l'amitié. Steve n'avait pas que des amis, son sens du patriotisme et de la justice en énervait souvent plus d'un et Tony paraissait être l'exacte contraire du Captain devenu si légendaire.

About Time - James "Bucky" BarnesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant