C'était la nuit. Le soleil venait juste de se coucher derrière les somptueuses tours du palais d'or de la cité royale, et l'agitation continuelle qu'on pouvait remarquer dans les rues pendant la journée s'était subitement effacée, tous les habitants de la ville étant rapidement rentrés chez eux dès qu'il avait commencé à faire sombre. Certains s'étaient réfugiés dans des tavernes, bien entendu, et y passeraient tout le reste de la nuit ; cela arrivait souvent dans n'importe quelle cité, et celle-ci ne faisait pas exception à la règle.
Dans le quartier le plus pauvre de la ville, celui où vivaient les gens qui n'avaient pas les talents nécessaires pour s'élever bien haut dans la société, plus aucune lumière ne brillait. Les habitants n'y avaient déjà pas assez d'argent pour s'acheter des sources lumineuses décentes pendant la journée, alors la nuit ! Le seul bâtiment encore éclairé malgré l'heure tardive était le petit orphelinat miteux du quartier. Le concierge, un vieil homme sec et grincheux, avait pour mission de surveiller l'entrée pour être certain qu'aucun pensionnaire n'essayerait de profiter du couvert de l'obscurité pour filer, comme cela arrivait assez souvent.
Mais comme les audacieux se faisaient toujours prendre et étaient alors sévèrement punis, rares étaient les orphelins qui tentaient encore leur chance.
Pourtant, et ce, malgré la vigilance du gardien, un jeune garçon parvint à se faufiler dehors par une fenêtre du premier étage. Il se laissa tomber agilement sur le perron sans faire le moindre bruit, tandis que les ronflements du concierge, qui n'avait pas tenu plus de deux heures avant de tomber dans les bras de Morphée, résonnaient dans tout l'orphelinat. Le gamin se figea, écoutant attentivement les bruits de la nuit comme pour vérifier que personne ne l'espionnait, avant de s'éloigner lentement du bâtiment, les mains dans les poches, en sifflotant, comme si ce qu'il faisait était parfaitement normal.
Après tout, il ne s'échappait pas vraiment, n'est-ce pas ? Il voulait simplement rendre visite à quelqu'un... chose toute aussi interdite pour les malheureux pensionnaires de l'orphelinat. D'où l'obligation qu'il avait à sortir en toute discrétion. Si jamais il se faisait pincer... Cela ne lui était jamais arrivé, pourtant, il faisait le même trajet à la même heure au moins une fois chaque semaine. Cependant, le plus gros risque qu'il prenait n'était pas vraiment de quitter l'orphelinat sans permission, mais plutôt d'adresser la parole à sa toute nouvelle amie, qui lui avait appris tant de choses depuis quelques mois.
Lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois, il s'était senti effrayé par la grâce menaçante de la créature, la puissance qui se dégageait de son corps musculeux et surtout ses yeux de braise, ses immenses yeux rouges qui semblaient pénétrer jusque dans son âme. Mais Sombrevent lui avait ouvert les yeux sur le monde injuste dans lequel il vivait. Elle lui avait prouvé que les Elementalistes, qui se croyaient tellement supérieurs à lui à cause de leurs pouvoirs que lui, ainsi que tous les autres habitants de son quartier, ne possédaient pas, ne méritaient pas les dons que la Nature leur avait accordé. Ils étaient cruels et sans pitié envers ceux qui n'avaient pas bénéficié des mêmes privilèges, et n'hésitaient pas à détruire ce qui ne correspondait pas à leurs idéaux et à leurs attentes ; mais grâce à Sombrevent, tout cela allait bientôt changer.
Alors qu'il tournait rapidement à l'angle d'une ruelle sombre et déserte qui se finissait en cul-de-sac et s'ouvrait sur une vieille grange désaffectée, une voix sifflante, provenant des profondeurs des ténèbres, le fit brutalement sursauter :
-Aramis ? C'est toi ?
Le jeune garçon se retourna lentement, croisant le regard de feu de son amie qui lui avait donné rendez-vous à cet endroit précis.
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AMIA WHITE - 2. L'île de la Lune
ParanormalAmia et ses amis sont désormais en sécurité, bien à l'abri dans un campement sur l'île de Ré, où vivent ceux que l'on surnomme les "Ingrats d'Intemporia", des jeunes Elementalistes qui ont préféré vivre par eux-mêmes plutôt que de s'en remettre à Mm...