Partie 4

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Avant que la nuit ne tombe et avant d'entamer leur ronde, Niall et Louis venaient souvent au Bronze, une vieille usine transformée en bar près du campus. L'ambiance industrielle et très rock était sympa et les groupes de musiques qui y jouaient cartonnaient. C'était leur façon de décompresser avant d'enfiler leur identité secrète de chasseur.

Harold le savait puisqu'il connaissait presque tous les petits rituels de l'étudiant. En quinze ans, il en avait appris des choses. Il avait vu le petit garçon souffrir de la perte de sa mère, il l'avait vu grandir. Il avait suivi l'adolescent devenir chasseur. Mais surtout, il avait assisté à la naissance d'un beau jeune homme, fort, malin et terriblement séduisant. Dans le fond, c'était ça que Harold redoutait le plus. L'âme bienfaitrice et raisonnée de cet ange-gardien mystérieux savait qu'il fallait juste protéger le chasseur mais l'homme, lui, était poussé par des envies bien plus charnelles et dangereuses. Plus les années passaient, plus il lui était difficile de résister. Et depuis qu'il avait pu approcher son protégé, depuis qu'il avait pu le toucher, Harold ne pensait qu'à une chose : recommencer.

Louis posa son verre de soda sur la table et son regard dévia. Juste un instant. Mais assez pour se perdre dans ce vert vibrant qui l'observait. A l'instant même, où le jeune homme avait repéré ses yeux, l'homme mystérieux prit la fuite. Mais Louis savait que c'était le moment d'agir, l'occasion rêvée. Sans plus réfléchir, il se leva et se précipita vers la sortie de secours empruntée par son guetteur. La rue était vide. Pourtant, le chasseur aurait juré l'avoir vu sortir à peine quelques secondes plus tôt.
Et merde ! râla louis, en regardant à droite et à gauche de la ruelle, ne comprenant pas comment l'étranger avait pu lui échapper si rapidement.

Puis, la porte claqua derrière son dos le faisant faire un bond. Louis se retourna et tomba nez à nez avec deux émeraudes.
Tu devrais renforcer ta garde, asséna l'inconnu d'une voix rauque.

Le voir de plus près était déjà très perturbant mais l'entendre était encore plus déroutant. Sa voix de velours contrasta avec le ton sec employé. Louis n'avait pas peur mais ne devait en aucun cas laisser transparaître son malaise. Il ne comprenait pas pourquoi cet inconnu, plus que n'importe qui d'autre, le déstabilisait à ce point. Au-delà de son charisme et du mystère qui planait autour de lui, c'était aussi sa beauté que Louis voulait fuir. Ses lèvres délicates et rosées, la forme régulière de sa mâchoire, sa carrure, sa peau assez pâle et pourtant parfaite. Oui, cet inconnu était définitivement un très bel homme. Mais le jeune homme devait garder son sang-froid et montrer qu'il ne se laisserait pas impressionner si facilement.
Pourquoi tu me suis ? le menaça-t-il en gardant la tête haute.
C'est plutôt toi qui m'as suivi, rétorqua l'inconnu, laissant échapper un sourire moqueur incontrôlable sur le coin de ses lèvres.

Louis aperçut pour la première fois une fossette au creux de la joue de son vis-à-vis. Comment un visage aussi doux et angélique pouvait envoyer une aura aussi puissante et presque obscure ?
Je te reconnais. C'est toi qui m'as aidé l'autre soir au parc. Et c'est aussi toi qui m'as aidé à la soirée des Kappa Sigma, n'est-ce pas ?
Vu ton état, je ne pensais pas que tu aurais le moindre souvenir.
Tes yeux... Ce sont tes yeux qui t'ont trahi, avoua Louis. Un regard comme le tien ne s'oublie pas, ajouta-t-il d'une voix plus légère et hésitante.

Cette fois-ci, ce furent les paroles de Louis qui déstabilisèrent Harold. La chaleur qu'il avait ressenti en s'occupant du jeune homme refit surface. Leurs regards ne se quittèrent pas. Ils s'examinaient, s'affrontaient. Louis cherchait à savoir s'il pouvait faire confiance à cette ombre qui le suivait d'aussi loin qu'il se souvenait. Harold, lui, essayait de communiquer au jeune homme sa volonté de l'aider.
Observateur, finit-il par rompre le silence. Je reconnais bien là une marque digne d'un bon... chasseur.
Sa remarque laissa Louis pantois, les yeux écarquillés, ne sachant plus quoi répondre. Habituellement beaucoup plus mordant, Louis était bien connu pour ses sarcasmes et son répondant.

Comment l'inconnu savait-il ?

Comment se portent les Enfants d'Abel ? renchérit le bel inconnu.

La situation était bien pire que ce que le jeune chasseur pensait. Non seulement l'inconnu connaissait son statut mais il connaissait aussi le nom de l'ordre pourtant si secrètement bien gardé depuis des générations. La phrase qu'il venait de prononcer ne laissa pas une minute de plus à Louis de rêvasser sur l'apollon qui se tenait devant lui.

D'un geste furibond, Louis le plaqua violemment contre le mur de briques.
T'es qui toi ? hurla-t-il.
Je suis un allié.
Comment tu sais pour...
Je sais beaucoup de choses... Sur toi, sur l'ordre, sur la lune de sang, énuméra Harold en gardant un calme olympien malgré la prise de Louis sur le col de son manteau. Liam est sur le point de faire un carnage...
Liam ? C'est qui ce putain de Liam ? questionna Louis, impatient.
Vous vous dites ordre de défense tout puissant contre les forces obscures mais vous ignorez encore tellement de choses... Un peu d'aide ne serait pas de trop, j'imagine.
Pas tant que tu ne m'auras pas dit qui tu es, bon sang ! dit Louis en secouant davantage l'inconnu.
Tu le sauras bien assez vite...
Et comme si la force de Louis n'avait aucune emprise sur lui, Harold se défit de la poigne de son attaquant. Louis fut de nouveau hypnotisé, les yeux plongés dans ce vert incandescent.
Je ne serai jamais très loin. A bientôt... Louis, salua l'homme mystérieux avant de disparaître.

Comment connaissait-il le prénom du jeune chasseur ?

Qui était-il ?

Louis resta sidéré, engourdi par toutes les questions qui lui passaient par la tête. Mais une chose était sûre, une connexion étrange et indescriptible le liait à ce bel inconnu et Louis avait le sentiment que sa vie venait de prendre un nouveau tournant.

Blood MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant