Partie 8

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Louis entra à pas de loup dans la grande salle aménagée en dojo à l'arrière de la chapelle. Il adorait observer Harry en pleine séance de Tai Chi. Les yeux fermés, il avait l'air si concentré. Son corps bougeait avec grâce et légèreté. Il insufflait le respect et l'admiration. Son torse, légèrement musclé, imberbe et nu, brillait sous les rayons de lune. Les paumes de ses mains et ses poignets étaient enveloppés par une bande blanche. Ses longues jambes, recouvertes d'un simple pantalon noir en lin large, étaient écartées, ses genoux à moitié pliés. Harry ne montra aucun signe de déséquilibre. Il maniait l'art à la perfection.
Viens, se manifesta Harry alors qu'il maintenait sa position, surprenant son élève. Et enlève tes chaussures sur le tatami ! ordonna-t-il.
Louis fut sidéré mais ne put s'empêcher de rire discrètement, alors qu'il s'apprêtait à avancer sur le tapis, les vans aux pieds bien sûr. Son nouveau professeur avait l'ouïe aussi fine qu'un félin et sentait sa présence même les yeux fermés.

Le jeune homme enleva ses chaussures et sa veste et pris place aux côtés d'Harry qui se plaça finalement juste derrière lui. Louis pouvait déjà sentir le souffle d'Harry se perde dans le creux de son cou. Il lui prit le bras et le guida pendant plusieurs mouvements.
Le combat c'est important mais il faut aussi apprendre à canaliser son énergie, sa colère, apprendre à respirer, énonça doucement Harry, le souffle aussi léger qu'une plume.
Pourquoi tu ne m'enseignes ça que maintenant ?
Il y a un temps pour tout, Louis. Je te l'ai dit, le combat ne se résume pas à des prises, c'est aussi une maîtrise de soi, et de son adversaire. Comprendre son environnement, anticiper les gestes de l'autre, c'est un tout, murmura-t-il.

Pendant une heure, il lui enseigna quelques mouvements de cette gymnastique corporelle très charnelle. Ils se touchèrent, se carressèrent au rythme lent et sensuel que leur exigeait cette discipline. Louis aimait le contact qu'elle imposait. Il se sentit flotter. La main d'Harry vint doucement se poser sur la sienne et c'est à ce moment qu'il la vit pour la première fois. La bande blanche autour de sa main s'était légèrement défaite, révélant ainsi un bout de peau flétrie à l'orée de son pouce. C'est aussi à ce moment que Louis comprit une chose : Harry avait encore des secrets. Leur relation reposait sur une confiance bien trop aveugle. Louis avait l'impression parfois d'être le seul à se dévoiler et il ignorait encore tant de choses sur l'homme pour lequel son coeur s'emballait.
Tu t'es brûlé ? tenta alors craintivement le jeune homme.
Harry retira aussitôt sa main, se redressant et s'éloignant du corps de Louis.
Harry, oublie, je ne voulais pas te contrarier, c'est juste... hésita Louis
Ce dernier regretta tout de suite ses mots, sentant tout à coup une légère brise s'immiscer entre eux. Le regard d'Harry se ferma, laissant place à un visage plus sombre et plus froid.
Non tu sais quoi, Harry, ça me saoule ! perda tout à coup patience Louis. On est une équipe, non ? Tu sais tout de moi, mais moi, je ne sais pratiquement rien de toi ! Tu caches tes mains, tout le temps, je n'avais jamais vraiment réalisé jusqu'à aujourd'hui. Et puis, c'est con de me garder un tel secret !

Harry reprit son calme et réalisa la portée de son geste. A trop vouloir garder ses distances, il savait qu'il risquait d'éloigner Louis. Mais il voulait le protéger. Si Louis apprenait la vérité, il savait qu'il le perdrait. Et pourtant, il voulait le garder près de lui, plus que tout. Pas seulement pour le préparer au pire, pas seulement pour l'entraîner, pas seulement jusqu'à la nuit de la prophétie. Non, Harry aurait souhaité que Louis reste avec lui pour la vie.
Désolé, souffla-t-il. Oui, je me suis brûlé la main, il y a quelques années... C'était pas vraiment un secret, Louis, juste un stupide complexe, chercha-t-il à rassurer le jeune homme. Mais tu veux connaitre mon vrai secret ? se rapprocha-t-il dangereusement du corps de Louis.

Harry balaya de sa main à moitié dissimulée sous le chiffon blanc la mèche rebelle de Louis qui cachait une partie de son visage, replongeant ses yeux dans les siens. Harold se détesta de devoir manipuler son élève pour garder son pire secret mais il estimait que Louis n'était pas prêt. C'était aussi sa façon de détournait le sujet. Et l'envie prit le dessus. Il se dégageait dans l'air quelques chose de plus fiévreux ce soir. Sans doute la pleine lune. Sans doute le temps passé ensemble durant tout l'été qui les rapprochait malgré eux.
La deuxième raison pour laquelle je voulais t'apprendre le Tai Chi... c'est parce que je savais que tu m'observais quand je le pratiquais. Je sentais que ça te plaisait et j'aimais sentir ton regard sur moi, susurra-t-il soudainement, son corps enflammé par le contact soudainement trop intense avec celui de Louis.
Tu... tu savais ?
Je sens toujours ta présence, Louis. Toujours...
J'adore te regarder. Tu... Tu es beau, osa alors prononcer Louis, tremblant de tout son corps.

Les mots sortirent tout seul.

Des semaines qu'ils se côtoyaient, que la passion les dévorait mais jamais Harry ne franchissait le pas. Jamais Harry ne succombait. Louis devenait fou. Mais ce soir, Harry aussi, et il craqua. Sa main vint se réfugier sur la nuque chaude de Louis. Les yeux verts et pénétrants de Harry s'accrochèrent aux iris bleues du chasseur. Ils dégageaient trop de choses, autant de mystère que de sensualité et Louis perdit pied. Il ne savait plus comment défaire son regard de cette beauté ténébreuse et charismatique.

Louis franchit alors les derniers centimètres qui le séparaient des lèvres tant convoitées de son professeur. Harry répondit au baiser avec ferveur, effaçant tous les interdits. Il oublia les barrières qu'il essayait d'ériger entre lui et Louis. Il savait qu'entre eux c'était impossible et pourtant, il chavira. Il ne voulait plus quitter la chaleur de la bouche de son protégé. Sa langue se fraya un chemin, rencontrant celle de Louis. Le baiser devint plus ardent, plus entreprenant. Les doigts de Louis glissèrent sur le torse d'Harry, puis sur son dos, sur ses hanches, parcourant et découvrant la douceur de sa peau. La bouche d'Harry se perdit dans le cou du jeune chasseur, laissant une traînée de baisers devenant de plus en plus brûlants alors qu'il fut happé par un souvenir lointain et dévorant. La soif de sentir le liquide chaud le déchirait. Il luttait intérieurement pour ne pas rompre l'épiderme. Il devait se contenter de la goûter, juste avec ses lèvres, juste avec sa langue.

Tout s'intensifia.

La chaleur, les baisers, les caresses.

Plus rien ne comptait.

Ici ou... dans ta chambre ? proposa Louis entre deux baisers, haletant.
Un vent de panique s'empara alors d'Harry. Il observa Louis, dont le coeur battait à tout rompre, prêt à se donner et prit conscience du danger.

Il paniqua et s'enfuit.

Euh... nulle part alors, marmonna le jeune chasseur, plus pour lui-même, complétement abasourdi.

Ils avaient dépassé une limite que Harry refusait de franchir. Ce soir-là, il se promit de ne plus recommencer.

Blood MoonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant