DRINK

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« We drink the fatal dropThen love until we bleedThen fall apart in parts »

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« We drink the fatal drop
Then love until we bleed
Then fall apart in parts »

La musique est assourdissante, ma tête tourne et mes mouvements sont engourdis mais ça ne m'empêche pas de continuer à me dandiner sur la piste, de me coller à quelques gars et sûrement quelques filles, d'éclater de rire sans aucune raison et de me mettre à crier les paroles de la chanson qui passe.

D'embrasser des inconnus et d'avancer avec mal vers la sortie par besoin d'air frais. De renverser plus de la moitié de mon verre sur un inconnu au sol que je n'avais pas vu, de croiser son regard inondé de larmes et de croire entendre un sanglot sentir d'entre ses lèvres suivit d'un "connard”. De me faire pousser par les personnes dansantes, les gens un peu trop bourrés. De tomber sur lui en renversant cette fois-ci la totalité de mon verre sur lui.

De mettre quelques instants avant de comprendre que mon corps a directement été repoussé avec mal et de voir l'inconnu aux yeux océans partir, s'échapper, courir loin, fuir. Quelques instants pour me mettre à réaliser que mon verre est totalement foutu, que l'inconnu pleurait et quelques instants avant de penser à une rupture amoureuse.

Puis hausser les épaules, geindre et peiner à se relever puis sortir une bonne fois pour toute. Frissonner et s'habituer au changement soudain d'ambiance, de température. S'avancer, observer, puis s'asseoir. Sortir une cigarette, l'allumer, commencer à fumer.

Puis revoir l'inconnu aux yeux couleur cieux, couleur mer et liberté. En plein milieu de la rue, le corps tremblant, les joues inondées et le souffle un peu trop rapide pour être normal. Éteindre ma cigarette, râler et me dire qu'il m'en doit une, m'approcher et poser ma main sur son épaule.

Le voir se retourner et paniquer d'autant plus, pleurer encore plus fort, presque violemment. Puis putain de merde, réaliser être totalement débile et avoir envie de se gifler.

- Hey, mec, ça va ?

... S'insulter et se haïr encore plus fort car : putain, Ariel, il a l'air d'aller bien ? Simuler un rire gêné et secouer la tête, l'air de dire de laisser tomber.

- Question débile, désolé... T'as froid ?

Le voir me sonder du regard, l'air de peser le pour du contre et c'est à son tour de secouer la tête. Je fais si peur que ça ? Bien sûr que oui, il a froid, il est en simple t-shirt, il fait nuit, j'ai l'impression qu'il fait -10°C avec mon sweat, alors lui, j'imagine pas.

Il semble que l'alcool ait complètement quitté mes veines et c'est à mon tour de me mettre à paniquer : je suis censé appeler les pompiers ? Il n'a vraiment pas l'air bien et lorsque je le vois se reculer terrifié lorsque je tente une approche, je commence à me poser des questions. Je me pose des questions et ce n'est pas le moment car il pleure de plus en plus et je ne sais pas quoi faire pour essayer de lui changer les idées, pas quoi dire. Alors je dis le premier truc qui me passe par l'esprit.

- Tu me dois une clope, mec.

“Tu me dois une clope, mec”. Que quelqu'un me tue, pitié, je suis ridicule et je suis égoïstement rassuré qu'il ne soit pas d'humeur à se foutre de ma gueule. Je ne peux pas l'approcher, ne sait pas quoi dire et ne peut pas non plus le laisser, je suis censé faire quoi ?

Alors je ne dis plus rien, je reste muet et lorsqu'il s'assoit sur un banc, je m'assois à côté de lui. Je le laisse pleurer, l'écoute aussi sans doute et le regarde trembler. Je reste simplement là, avec l'impression qu'il va mourir à force de chercher que sa respiration se calme. Je vois ses yeux se fermer, ses poings se serrer et ses pleurs redoubler. Je le vois détruit et pour une première rencontre, ça me surprend.

Je recommence à paniquer : je ne sais pas réconforter les gens tristes, même si j'essaie, alors les gens détruits ? Je ne sais même pas ce qu'il a, pourquoi il est dans cet état, pourquoi il meurt à côté de moi.

- Te suicide pas ce soir, s'il te plaît, ça me mettrait mal à l'aise de faire de la “non assistance à personne en danger”.

Car je ne suis pas censé laisser quelqu'un dans cet état seul sachant qu'il y a plus de chances qu'il lâche prise à la place de tenir bon, surtout que l'alcool dans ses veines n'a pas pût disparaître d'un seul coup. Est-ce qu'il a l'alcool triste ? Je pense pas, sinon il ne serait pas venu ici et ne serait pas rester jusqu'à deux heures du matin.

Je le vois m'observer, lâcher un rire ressemblant davantage à un douloureux gémissement, hocher la tête et se remettre à fixer un point invisible.

Je suis autant angoissé que rassuré ; cette situation me mets vraiment mal à l'aise et je ne sais pas quoi faire, mais je l'ai fait rire. Je crois, je sais pas trop, au faite.

Alors je reste là une heure puis une deuxième, je meurs littéralement de froid et lui en veut presque de ne pas la remarquer, cette température méprisable. Je reste là longtemps à l'écouter, et lorsqu'il se calme, qu'il ne pleure plus ou du moins pleure à l'intérieur, je l'observe.

Je ne sais pas si je dois entamer la discussion en premier, mais comme il n'a pas l'air décidé à le faire, alors je me lance.

« - Ariel.

Son regard me sonde, il m'observe, détaille mes traits et renifle, essuie ses larmes et hésite.

- Éden. »

Je pense halluciner mais non, il m'a vraiment répondu. Sa voix aigu me surprend aussi, elle est tremblante, hésitante et brisée, il s'est nommé dans une murmure à la limite de l'inaudible mais je l'ai entendu.

- Tu me dois une clope et deux heures de ta vie, mec, oublie pas.

Je tente l'humour et il se contente de forcer un sourire, l'air de sombrer devant moi. Alors je me tais, me lève et le regarde, sans vraiment savoir quoi faire. La musique de la discothèque retentit jusqu'ici et je me mets à danser. Ne me demandez pas pourquoi, je me mets à danser, à chanter et je le vois m'observer. L'alcool n'a peut-être pas tant quitté mes veines que ça, je crois. Il m'observe longuement, ne comprend rien et je m'en fiche.

Je me fiche de ne pas si bien savoir danser que ça, je me fiche du fait qu'il ne comprenne pas, car je ne l'ai pas compris deux heures. Je m'en fiche car je ne le reverrai sûrement jamais et que j'ai perdu une cigarette et deux heures de ma vie où j'aurai pu danser, m'envoyer en l'air et dormir. Je m'en fiche car je rattrape le temps comme je veux ; je me remets à danser, chanter les paroles de la chanson qui passe comme si elle passait dans la rue et je me fiche qu'il doit sans doute me juger, qu'il doit sûrement se foutre intérieurement de ma gueule mais qu'il doit se retenir car j'aurai aussi pût le faire.

Je mets tout sur le compte de l'alcool qui en réalité n'est plus là, de la fatigue qui commence à se manifester et du froid, je dirai que j'avais besoin de me réchauffer.

Éden ne se met pas à danser avec moi, mais je m'en fous, de toute façon, il n'a pas l'air d'avoir le moral pour danser. Puis, je danse trop bien pour qu'il me vole la vedette (c'est faux, je danse bien lorsqu'il y a du monde, là, j'ai l'air d'un gros débile).

Je danse et Éden n'a pas son mot à dire.

Je danse et Éden me dois une cigarette, deux heures de sa vie et une danse, lui aussi.

Until We BleedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant