Corps Etrangers

Mais à qui la faute ?

Il l'avait détruite. En l'abandonnant au milieu de rien, en la laissant seule avec elle-même.

Il l'avait détruite. En lui faisant parcourir toute la France, en lui faisant une promesse qu'il ne pouvait pas tenir.

Il l'avait détruite. En taisant les sentiments qu'il avait pour elle.

Il l'avait détruite. Mais à qui la faute ? 

Il ne comprenait pas, l'Insatisfait, toutes ces émotions contradictoires qui s'accrochaient à lui pour le broyer, le noyer dans un tumulte de douleur. Il avait mal, il avait peur. Il avait tout fait pour faire taire cette petite voix oppressante qui lui écrasait le cœur à grands coups de non-dits. Peut-être s'était-il trompé en voulant retenir ce qui devait s'échapper ?

Il ne comprenait plus, l'Insatisfait, la noirceur de son regard, la rancœur de ses déboires. Il ne la voyait plus, cette fille souriante, agaçante, enivrante, qui marchait à côté de lui, ses doigts frôlant les siens lors de ses insomnies. Il ne restait plus que l'horrible colère qui tordait son visage et la désillusion ordinaire d'un amour en naufrage. Peut-être lui avait-il fait de la peine en voulant taire ce qui devait être dit ?

Il n'avait jamais compris, l'Insatisfait, cette envie de vengeance qui la parcourait depuis qu'ils se connaissaient. Il était resté aveugle à la grandeur de ses espoirs, à la beauté de son histoire, quand elle s'ouvrait à lui pour lui offrir un peu de chaleur, il avait brisé son cœur. Il s'était mentit en croyant pouvoir ignorer les débris d'une vie malmenée. Peut-être avait-il été sot d'avoir tendu la main à cet être meurtrie qui ne demandait qu'à être laissé de côté ?

Il ne pouvait comprendre. Mais à qui la faute ? 

C'était elle qui était montée dans l'ambulance, qui s'était penchée au-dessus de lui pour combler ses rêves de silence.

C'était elle qui était venue le voir dans cette chambre si blanche, qui était restée à ses côtés durant des heures d'absence.

C'était elle qui lui avait demandé de l'attendre, qui était montée dans la voiture sans jamais en descendre.

C'était elle qui l'avait regardé avec douceur, qui avait incendié son cœur.

C'était elle qui l'avait poussé à l'erreur, qui l'avait laissé en pleurs. 

C'était elle ... ou lui. Mais à qui la faute ?