ZODIACS (en pause)

CHAPITRE UN

Le serpent écarlate

— NOOOOON ! Maman, papa !

Dans un soubresaut hâtif, Maïwen se redressa de son lit. La respiration haletante, des sueurs froides sur le visage, elle venait encore une fois de revivre ce funeste accident dans ses cauchemars. Les années avaient beau s'écouler, ce sinistre souvenir était toujours autant ancré dans sa mémoire comme si tout s'était passé la veille au soir. Le cœur battant à tout rompre, il lui avait fallu plusieurs centaine de minutes avant de pouvoir correctement se reconnecter à la réalité.

— Tout va bien Maïwen. Ce n'était qu'un mauvais rêve.

Elle en soupira de soulagement et laissa lourdement son corps retomber sur son matelas. Elle n'était plus dans les ruines de son ancienne maison. Elle n'était plus la cible de ces créatures. Elle était en sécurité. Seule et isolée dans les ténèbres de ce cellier qui lui servait d'intimité.

Elle referma lentement ses yeux et pria pour que Morphée ne réitère son accolade enchanté. Bercée par les aiguilles de son horloge murale qui tournaient, elle attendait. Mais rien n'y faisait. Il l'avait abandonné. Le sommeil l'avait bel et bien quitté. L'insomnie était sa nouvelle alliée. Elle aurait dû s'en douter. La même rengaine, encore se répétait. Cédant à sa volonté, elle bondit hors de son lit décidée à profiter de son Agrypnie passagère pour continuer ses recherches. Elle enfila à la hâte sa cape qui trainait non loin sur une chaise, préparée à affronter les innombrables brises nocturnes du printemps qui rendaient les nuits bien fraîches dans la région.

Munit d'une vieille lanterne à huile, elle quitta sa chambrée et se mit à arpenter les longs couloirs de l'orphelinat. Comme à l'accoutumée, chacun de ses pas relatait en elle des souvenirs d'une enfance inopinée. Dieu savait qu'elle détestait cet établissement, mais paradoxalement c'était le seul qu'elle reconnaissait comme son foyer. Nombreuses avaient été les brimades qu'on lui avait infligé, dès l'instant même où elle avait mis les pieds dans ces corridors délabrés. Des injures incessantes, hostiles et mesquines. Une étiquette de déséquilibré qu'elle n'avait réussi à arracher. Ses compagnons d'infortune avaient été bien cruels envers elle pour des vérités qu'ils jugeaient inventés. Les adultes pour la plupart, étaient même pires que ces enfants à la langue sournoisement acérée. Chaque fois qu'elle avait le malheur de parler de ces créatures ailées, ils sévissaient. Des corvées de nettoyages, des lignes à recopier, des privations de mets, des permissions de sorties annulées... Ils ne manquaient jamais d'inventivité pour faire taire ce qu'ils jugeaient d'affabulations persistantes.

Dans son malheur, Maïwen avait tout de même eu de bien sympathiques rencontres. Mais les meilleurs partaient toujours les premiers. Le peu d'amitiés qu'elle avait pu tisser s'étaient terminées dès l'adoption confirmée. Non pas qu'ils ne le désiraient, mais maintenir le contact était peu aisé quand la distance s'interposait. Toujours invaincue, elle triomphait. Eloignant les êtres appréciés d'une Maïwen heureuse et attristée. Oui, elle était heureuse pour ces derniers. Heureuse, parce qu'ils méritaient d'être chéris par une famille désespérée de concevoir un nouveau-né. Un nouveau départ qu'à son tour, elle patientait de recevoir. Hélas, il n'arriva jamais. Le temps avait fini par peu à peu effriter toutes ses chances de liberté. Elle était condamnée à rester et ce même sa majorité passée. Tel était le jugement de la Destiné.

Sa longue traversée se termina devant deux grandes portes fermées. Sans s'attarder, elle glissa l'une de ses mains dans la poche de sa cape pour en sortir une clé. L'accès à présent déverrouillé, elle pénétra dans la pièce. La bibliothèque bien que petite et simplifiée était son lieu attitré à Sainte Catherine. Peu appréciée des autres enfants qui ne juraient que par un écran de télévision, elle était pour Maïwen son jardin secret.