Prologue

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29 décembre 2001

« L'effectif de volontaires à l'essai du nouveau traitement pour l'huscose est en baisse depuis quelques années, Charlie. »

Ma montre indique minuit sept. Mes paupières tombent, lourdes comme des massues. Mais l'heure n'est pas au repos, le temps est compté. Pour la première fois depuis le début de ma carrière de scientifique, je n'ai jamais été réellement arrêté par un tel mur. Même si je le voulais, dormir m'est impossible. Les idées s'entrechoquent, tout autant que mon angoisse et mon appréhension. Depuis peu, je me mets à douter de mes capacités et de mon soi-disant « génie » si inspirant.

Mais, si je ne réussis pas à trouver une solution, je ne pourrais ni me qualifier de génie, ni même de scientifique. L'échec ne fait pas parti de mon vocabulaire, et je refuse qu'il le devienne un jour.

L'huscose. Ce virus sur lequel nous travaillions depuis quelques années. Si nous en croyons nos recherches et nos découvertes, cette maladie est bien plus violente que n'importe quelle autre que nous avons rencontrée jusqu'à présent. Et notre inquiétude ne fait que croître. Les volontaires —tous d'âge mûr, par logique, diminuent fortement depuis quelques mois. Le tout se compte à 57 volontaires en deux ans, et le résultat est de 56 morts, le dernier étant déjà en état critique à l'hôpital.

Je me gratte la nuque, anxieux. Le crayon avec lequel je travaille est déjà trop mâchouillé, il suffit d'un dernier coup et il se coupe en deux.

Mes yeux dérivent sur toutes les feuilles étalées sur mon bureau. Feuilles de mes recherches, et feuilles des victimes tuées par nos tests. Je cherche depuis des années des liens avec les différents cobayes jusqu'à aujourd'hui sans reprendre mon souffle. Les symptômes de l'huscose étant différents pour chaque victime, je tente de trouver une explication valable.

— Charlie ?

La porte de mon bureau s'ouvre. De mon humeur habituelle, je l'aurais repris une nouvelle fois sur le règlement de la vie privé, mais je suis bien trop fatiguée pour user mon reste d'énergie à une bêtise qui n'en vaut pas la peine.

Alors, je ne prend pas la peine de répondre, sachant très bien que quoi que je dise James ne m'écoutera pas. De plus mon état joue sur mes nerfs, et ce n'est pas le moment de venir m'embêter.

— Tu trouves quelque chose ? Enchaîne-t'il.

— Cela fait plus de deux ans que l'on travaille dessus, et on a toujours rien trouvé ! Qu'est-ce que tu veux que je trouve en quelques heures, James !

Son corps se tend. Je suis de nature calme, et ça doit être la première fois qu'il m'entend m'exprimer sur ce ton là, mais je suis à bout. Nous avons trouvé un antidote qui, d'après les recherches, doit marcher.

Le seul bémol, c'est que les volontaires qui sont déjà assez âgés n'ont pas eu la dose suffisante du médicament dans le sang, faute de temps. Pour qu'il ait une chance de faire effet, l'utilisation doit être d'environ quinze ans sans sauter un traitement. Ce qui veux dire quinze ans avec une piqûre toutes les semaines pour renouveler l'antidote.

Et je ne connais pas une personne qui s'engagerait dans cet enfer. Pas même moi.

— Excuse-moi, James, je souffle. C'est juste que ça va faire presque deux jours que je n'ai pas dormi, je prends des cachets et ça me met de mauvais poil... Qu'est ce que tu veux ?

Un sourire en coin s'acquiesce sur sa barbe de trois jours.

— Tu vas pouvoir dormir mon grand, s'exclame-t'il. On a trouvé une solution, et on a l'accord du gouvernement !

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