Bisou magique

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« Putain, ça fait mal », m'écriais-je alors que Jordan examinait sous toutes les coutures mon nez.

Après avoir récupéré mon sac dans le couloir, il m'avait conduis jusqu'à ma maison, vide, et essayait maintenant de me soigner. J'étais assis sur le comptoir de mon lavabo dans la salle de bain pendant qu'il évaluait les dommages.

« Désolé », marmonna-t-il en me tendant un chiffon humide pour que j'essuie le sang sur mes lèvres.

Je le fis, doucement, avant de reposer le chiffon dans le lavabo. Jordan me regarda et, une expression désolé sur le visage, m'annonça :

« Je pense qu'il est cassé.

- Mon nez ou mon moral ? demandais-je avec nonchalance.

- Ton nez, ria doucement Jordan, mais son air désolé ne quitta pas son visage.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? dis-je en plissant les yeux, suspicieux.

- Je dois le remettre en place », répondit-il en passant une main dans son cou et en me lançant un regard empli d'excuses.

Mes yeux s'écarquillèrent quand je réalisais que cela signifiait que j'allais sûrement souffrir encore plus. Je descendis du comptoir et je m'éloignais de lui, las.

« Il en est hors de question, le prévins-je en pointant mon index vers lui alors qu'il s'approchait de moi.

- Eli, dit-il, perdant patience.

- Non. Personne, mis à part un professionnel, touchera mon nez. Je jure devant Dieu, Jordan. Si tu me touches, je te tue.

- J'ai déjà réparé plein de nez, se justifia-t-il. Je sais ce que je fais.

- Non.

- Eli...

- Non.

- Tu n'auras qu'à expliquer à tes parents comment tu t'es cassé le nez, alors », me dit-il en croisant les bras, un sourire narquois aux lèvres.

Je lui jetais un regard noir en imitant sa posture. Après quelques secondes de débat intense dans ma tête, je fronçais les sourcils puis capitulais.

« OK. »

Jordan réduit la distance entre nous et posa délicatement ses pouces de chaque côté de mon nez.

« À trois », me dit-il en me regardant dans les yeux.

J'attrapais ses poignées pour l'arrêter et lui lançais un nouveau regard noir.

« Si tu fais ce truc de décompte que font les connards, je te tue.

- De quoi est-ce que tu parles ? Quel truc de connard ? » me demanda-t-il en feignant l'innocence.

Je plissais les yeux et lui dis :

« Tu sais, quand tu comptes un, deux... »

CRAC.

Douleur. Une douleur cuisante et indescriptible se répandit dans mon visage et je m'arrachais à la prise de Jordan. Je pris mon nez entre les mains et le massais en essayant d'atténuer la douleur. Je dis crier tous les jurons que je connaissais en une inspiration.

« Comme neuf, ria légèrement Jordan en s'accroupissant à mes côtés.

- Va te faire foutre, lui criais-je alors que je le frappais sur le torse avec mon poing.

- Tu veux un bisou magique ? me dit-il en gazouillant, comme s'il s'adressait à un enfant.

- Va te faire voir, Jordan », lui répondis-je en m'éloignant de lui et en me redressant.

Observant mon reflet dans le miroir au-dessus du lavabo, je touchais doucement mon nez et je grimaçais devant la souplesse nouvelle de celui-ci.

« Tu vas devoir mettre de la glace dessus, m'informa Jordan en apparaissant derrière moi.

- Sans blague, Sherlock », répondis-je avec sarcasme sans même lui jeter un coup d'œil.

Il ne méritait pas mon attention après ce coup bas.

« Ça va tes bleus ?

- Douloureux à en chier », grommelais-je en ouvrant l'armoire à côté de moi et en sortant une boîte d'ibuprofène.

Renonçant à trouver quelque chose pour m'aider à les avaler, je jetais la tête en arrière et les gobais.

« Je suis désolé », murmura Jordan.

Quand je le regardais de nouveau, il avait les mains dans les poches et regardait ses chaussures.

« De quoi es-tu désolé ? lui demandais-je en levant les sourcils.

- De tout. Tout ce qu'il s'est passé. C'est à cause de moi qu'ils t'ont frappé, remarqua-t-il, misérable.

- Non, c'est faux, le contredis-je immédiatement. C'est de la faute de Morgan, Nate et Cole. Ce sont des enculés de moralisateurs incapables de se contrôler. En plus, ils me frappaient bien avant que l'on se rencontre.

- Mais, aujourd'hui, c'était pire car ils pensaient que tu étais gay.

- Qui sont-ils pour me juger comme ça ? Même si c'était vrai, chacun à le droit d'aimer qui il veut, non ? Pourquoi ce serait eux qui décideraient ce qui est bien ou mal ? C'est juste une bande de connards aux préjugés douteux qui font des présomptions là où il n'y a pas lieu d'en avoir ! »

Jordan releva enfin la tête et me regarda avec ses yeux bleus-verts.

« Tu penses vraiment tout cela ?

- Oui, mais cela importe peu. Je ne suis pas gay, et toi non plus, donc... »

Je fus coupé par des lèvres chaudes qui vinrent se presser contre les miennes. Elles étaient délicates et en même temps fermes, et elles semblaient avoir été conçues pour moi. Mes yeux se fermèrent instinctivement et mon cœur se mit à battre plus vite alors qu'un sentiment d'euphorie me traversait le corps. Je faillis lâcher un gémissement mais, au moment où je sentis des bras se fermer autour de ma taille, mon cerveau se remit en marche.

Oh mon Dieu ! Je suis en train d'embrasser un gars ! Pas n'importe quel gars ! Je suis en train d'embrasser Jordan Hughes, putain ! C'est quoi ce bordel ?

Dans un mouvement de panique, je rouvris rapidement les yeux et le repoussait. Nos lèvres se séparèrent et je gémis presque devant la soudaine froideur qui s'emparait de moi.

Le dévisageant avec de grands yeux, je le regardais me lancer un petit sourire et remettre les mains dans les poches de son jean. Il n'osait pas croiser mon regard lorsqu'il prit la parole :

« Je devrais rentrer chez moi. Ma mère se demande sûrement où je suis. Repose-toi bien, Elliot. »

Il partit, et je restais je ne sais combien de temps, figé au même endroit, fixant la porte de la salle de bain qu'il avait refermé derrière lui. Les minutes passèrent, puis les heures, et avant que je ne le sache, j'entendis mes parents rentrer du travail.

Ce fut suffisant pour que je retourne dans ma chambre, même si je ne fis que me rouler sous la couette de mon lit, et fixer la peinture bleue du mur devant moi.

Il m'a embrassé.

Jordan Hughes m'a embrassé.

Lab Partners [BXB] [FRENCH VERSION] [COMPLETED]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant