Chapitre 31 : De toit en toit, de proche en proche

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"Allez, debout !"

Elle tremblait, tout son corps la faisait souffrir et elle haletait, à quatre pattes dans une eau limpide. Elle essaya de se relever mais le poids de son sabre en bois, gorgé d'eau, la fit retomber à genoux. Elle sentit une lame froide se poser contre sa gorge et la menacer.

"Relève-toi, ce n'est pas encore terminé ! Continua de grogner l'homme qui la maintenait en jour."

Se relever ? Elle n'était plus sûre d'en avoir la force ni le courage. Cela ne faisait que quelques heures qu'elle s'entrainait mais il lui semblait que cela faisait des jours. Des heures durant laquelle elle s'était faite attaquer, assaillir de tous côtés par le dieu qui ne semblait même pas être essouflé. La jeune femme releva lentement ses yeux vers le ciel.

Il était clair et aucun nuage ne se profilait à l'horizon. Le soleil scintillait sur la mer plate.

Pouvait-elle laisser là ? Après tout ce qu'elle avait subi, après tout ce qu'elle avait vécu, ne pouvait-elle simplement pas dire stop ?

"Bon alors ? T'as fini de réfléchir ? C'est bien ce que je pensais tu es faible..."

Un courant d'air souleva ses cheveux perlants d'eau et la voix railleuse du dieu la ramena à la réalité. Elle resserra sa prise sur son arme et prit une poignée de sable de son autre main. Elle la jeta au visage de son opposant qui s'écarta rapidement, ce qui laissa l'occasion à la jeune femme de se relever.

Un seul coup, un seul et tout prendrait fin.

Les deux combattants s'étaient fixé comme seule et unique règle de ne pas utiliser leur pouvoir. Mais cela n'empêchait pas d'utiliser le terrain environnant à leur guise. Audra savait qu'elle ne pourrait jamais vaincre le dieu près de la mer, son terrain de prédilection. Envoyant une autre gerbe d'eau et une poignée de sable, elle détala rapidement vers les terres. Le sable était mou mais son poids léger lui permettait d'avancer rapidement sur la plage et de prendre une légère avance, mais suffisante pour échafauder un plan.

Elle s'arrêta un instant et se cacha derrière un arbre. Elle prit une branche assez basse et suffisamment longue et souple pour la tordre et la ramener contre elle. Une fois qu'elle vit le dieu de profil, elle relâcha la pression. Takeru se prit la branche en plein visage et sentir quelques pousses griffer sa peau. Il dut reculer pour se frotter un instant ses joues endoloris.

"On a pas le droit de faire cela ! Gronda-t-il. Je te jure que si je te retrouve, je te le fais payer cher, très cher."

Il repartit à la poursuite de sa proie qui avait pris plus d'avance et avait totalement disparu dans son champ de vision. La jeune humaine en avait profité pour récupérer une corde qu'elle avait préalablement caché, au cas où. Munie d'un grappin, elle le lança dans un arbre le plus haut possible et, une fois qu'elle fut certaine de sa résistance, se mit à grimper. L'arbre qu'elle avait choisi était très grand et les premières branches se situaient à une dizaine de mètre du sol. Elle était protégée tout en ayant un champ de vision à 360°. Malheureusement, lorsque se stabilisa, une branche céda et tomba au sol, attirant l'attention du dieu.

Celui-ci arriva rapidement et scruta minutieusement les alentours, sans rien voir de suspect. La jeune femme retenait sa respiration et souffla de nouveau lorsqu'elle le vit s'avancer de quelques pas. Son plan était particulièrement risqué, sachant que le risque de mortalité était élevé et qu'elle n'avait jamais eu le courage d'aller jusqu'au bout. Mais là, elle n'avait plus le choix, elle devait surmonter cette peur, pour prouver qu'elle avait gagné en maturité. Une dizaine de mètres, moins de hauteur mais moins de temps.

Elle accrocha la grappin fermement le grappin autour du tronc et enroula l'extrémité de la corde autour de son bras. Une chance, une ouverture. Pas d'hésitation. Elle se lança. Habilement, elle se jeta du coté opposé du dieu et, d'un mouvement de hanche, se balança de l'autre côté. Une unique fois, elle prit appui sur le tronc et arriva droit sur le dieu. Le choc avec le sol fut rude mais elle arriva sans trop de mal à garder son équilibre et dégaina son sabre alors que le dieu venait de se retourner.

Il haussa un sourcil en voyant la jeune guerrière, les cheveux en bataille, la tenue déchirée mais une lueur sauvage indescriptible dans les yeux, tenir un sabre sous son menton.

"Enfin ! Soupira la dieu, un petit sourire satisfait au coin de ses lèvres."

Comment avait-il réussi ? Comment etait-ce arrivé ? Normalement, constamment sur ses gardes, rien ne pouvait lui arriver. Un instant de relâchement, de détente, qui lui aura coûté. Il était juste devant elle, hilare, les yeux pétillants de malice. D'habitude, c'était elle qui rigolait, seuls les dieux savent à quel point elle adorait taquiner les gens. Visiblement, elle avait trouvé une personne à sa hauteur.

" Ca va Ida, plaisanta le dieu toujours souriant. Tu as l'air toute pâle..."

Pâle ? Oui elle l'était surement mais elle cherchait plutôt à savoir comment cela avait pu se produire. Elle s'était entrainée plusieurs heures avec les soldats puis elle avait retrouvé Mathilda pour discuter un peu et Stella s'était jointe à elles.

Les jeunes femmes n'avaient même pas fait un pas à l'extérieur du château qu'un monticule de farine était tombé sur elles, sur Idaline plus précisément. Elles virent le dieu de la malice, plié de rire, sauter de son perchoir pour atterrir devant elles, gardant une distance raisonnable.

Des soldats qui passaient par là, en voyant le jeune femme recouverte de farine, toussèrent pour garder leur sang-froid et disparurent rapidement à un tournant. Les deux autres humaines, elles aussi, tentaient de se retenir mais la renarde les voyait trembler de tout leur être.

Finalement, à la grande surprise du dieu, elle se mit à rigoler de bon cœur à son tour et sourit.

"- Pas mal, on me l'avait jamais faite celle-là, c'est une grande première ! Commença la jeune femme entre deux hoquets.

- Tu... Tu n'es pas fâché ? Fit le dieu, choqué.

- Moi, fâchée ? C'est mal me connaitre, mon cher Loki. Cela fait des années que j'embête les gens mais, bizarrement, personne ne me fait rien en retour ! Tu es le premier alors, merci !"

Elle sourit chaleureusement et le dieu fut déstabilisé. Son sourire était franc et honnete, rien de comparable aux sourires hypocrites de ceux et celles qu'il avait l'habitude de voir. En un sens, il était soulagé et content qu'elle ne le déteste. Tout comme Elle, autrefois.

" Malheureusement pour toi, je ne compte pas ne rien faire... J'espère que tu t'es bien échauffé, mon grand, parce que je ne vais pas y aller de main morte."

Le sourire du dieu s'élargit et les yeux de l'humaine brillèrent d'une lueur malicieuse. Elle se baissa et saisit une poignée de neige molle dans sa main. Elle se débarrassa de son manteau, laissant apparaitre sa queue et ses oreille. Elle prit appui sur ses jambes et sauta haut dans le ciel, accompagnée par le dieu qui avait fait de même. Dans les airs, elle lança sa boule de neige et le dieu l'esquiva facilement.

Ils retombèrent sur le toit d'une maison, face à face, et commencèrent à reformer des projectiles et à les envoyer sur l'autre. Ils esquivaient et sautaient de toit en toit pour se rapprocher ou s'éloigner. Ils disparaissaient et réapparaissaient souvent du champ de vision des deux jeunes femmes restées spectatrices. Stella rigolait joyeusement en les voyant se chamailler.

"Ah là là, ces deux-là... Commenta Mathilda. Espérons qu'il n'y en ait pas trop des gens comme eux..."

En se concentrant, elle put regarder le fond de leur âme. Ils étaient tous deux en paix. C'est tout ce qui importait à la jeune femme.

Soudain, elle se sentit étouffer. Elle posa ses mains sur sa gorge, sentant de l'eau glisser dans sa trachée et lui brûler les poumons. Mais il n'y avait que de l'air. Elle s'appuya sur Stella, qui avait vu son étrange comportement.

"Maman ! Maman ! Qu'est-ce qui t'arrive ?"

Les yeux de Mathilda se révulsèrent. Colère, haine, rancoeur ... Tout se confondait en une masse informe et grossissait, tandis que du sang coulait en abondance et que des hurlements lui vrillaient les tympans. Elle se raccrocha à sa fille comme à une bouée de sauvetage.

"- Maman ? Demanda prudemment Stella.

- S'il...s'il te plait... Souffla la concernée. Amène-moi à Heimdal. Quelque chose de grave vient d'arriver."

La plus jeune aquiesca, voyant que l'heure n'était pas aux questions. Elle passa le bras de sa mère sur ses épaules et la porta à moitié jusqu'à la destination.

Plus loin, à l'extérieur du château, une faille profonde était apparue.

La Tresse du destin-Kamigami no asobiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant