"Calme, immobile,
Dans le petit pré tranquille, au long de la ligne,
C’est une vache qui rumine.
Pour tant de vaches qui regardèrent
Passer des chemins de fer,
Il convient aussi qu’on le sache,
Il y a des locomotives qui regardent les vaches.
Et c’est avec des yeux d’envie,
Leurs gros yeux rouges,
Qu’elles contemplent les prairies,
Où, paresseuses, l’on se couche,
Et l’on flâne en se divertissant au vol des mouches...
Laisser monter en soi le vin de la paresse,
Suivant le mot
D’Arthur Rimbaud !...
Mais, quand on est locomotive, il faut
Qu’on parte, et reparte, et se presse.
(Car ce n’est pas à dix-huit, ni à seize,
C’est à dix-sept,
Qu’inéluctable est la correspondance de l’express
Avec le rapide Bordeaux-Cette.) —
Ah ! la préoccupation de l’horaire,
Quand il ferait si bon s’étendre
Sur l’herbe tendre,
Dans le pré vert !...
Mais il faut poursuivre la tâche,
En marche ! en marche !
Sans relâche...
Et c’est avec des soupirs de regret,
Que passe la locomotive au long des prés,
Où sont immobiles les vaches,
Et songe en regardant les veaux
Batifoler près de leur mère,
Songe à l’impossible chimère,
Et se détourne le cœur gros, —
Jouir en paix de la nature,
Avec une progéniture
De petits locomotiveaux..."Franc Nohain, Les chansons des trains et des gares, 1900
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