Comme chaque matin, je suis réveillée avant 6 heures par le bruit des petits pieds de Camille dans le couloir. Du haut de ses quatre ans et demi, il vient s'immiscer dans le lit entre son père et moi. Il est en pleine période œdipienne. Si tu voyais ça ! Je dois avouer que je trouve ça adorable, Thomas un peu moins.
Notre fils se glisse sous les couvertures, se colle à moi et pousse son père en lui demandant d'aller dormir dans son petit lit pour lui laisser plus de place. Nous avons beau le réprimander gentiment, j'aime bien cette phase. Alors, nous le laissons faire tant que ça reste cantonné à un câlin à l'heure du réveil. Je suis certaine que tu te foutrais de moi en me traitant de maman poule ou je ne sais quoi. Aucun doute là-dessus !
Mais tu sais, il grandit trop vite, alors je veux en profiter un maximum avant que les filles lui tournent la tête et qu'il m'oublie. Comment ça, c'est déprimant ? Peut-être. Mais si tu te souviens bien, malgré le contexte, c'est toujours toi qui as été le plus optimiste de nous deux. Et quand je pense à ton adolescence, je me dis que j'ai du souci à me faire si mon fils tient de son oncle !
Quelques minutes après ce câlin matinal, les notes des violons métalliques du réveil vont crescendo. Comme tous les jours, Thomas m'embrasse, ébouriffe les cheveux de notre bout de chou et sort du lit avant nous. J'aime ce moment en tête-à-tête avec Camille. Le rituel est toujours le même. Il me demande de lui énoncer dans le détail le planning, pourtant invariable, de sa journée : l'école, la cantine, l'école encore, et pour finir la garderie du soir, en précisant qui de papa ou maman viendra le chercher. Il est comme toi et moi, il déteste les surprises et les imprévus.
Une fois le programme établi, nous sortons du lit pour préparer ses vêtements et lire le menu de la cantine. Camille n'est pas difficile, mais il aime savoir ce qu'il va manger. Je me douche et me prépare en vitesse avant que Thom s'en aille. Comme d'habitude, il est déjà focalisé sur son agenda et ses mails, mais il a pris le temps de préparer mon café et le chocolat au lait de notre fils. Il me sourit tandis que j'ajuste sa cravate avant qu'il parte. J'ai toujours aimé son sourire et sa barbe de trois jours ; néanmoins, je retombe amoureuse chaque matin lorsque je le vois dans son jean ajusté et son blazer.
Ça fait plusieurs années maintenant qu'il travaille ainsi, mais je crois que je ne m'en lasserai jamais. Je sais, c'est cliché mais je n'y peux rien. Tu le sais bien : au fond de moi, bien cachée tout au fond, il y a toujours une midinette qui sommeille ! Je t'entends encore rire lorsque tu racontais à qui voulait l'entendre ma passade prépubère en tant que groupie des premiers boys bands, que j'affichais sur tous les murs de ma chambre.
S'en suit le train-train habituel. Prendre mon petit déjeuner, préparer Camille, le déposer à l'école, échanger quelques banalités cordiales avec les autres parents qu'au fond je ne prendrai jamais vraiment le temps de connaître, puis mettre la musique qui reflète mon humeur du jour pour supporter les bouchons interminables sur la route du laboratoire.
Comme tu peux le constater, malgré les années qui passent, je suis toujours aussi peu sociable. Je n'ai jamais eu ton aisance pour discuter avec des étrangers. Et j'avoue que même si mon côté introverti me donne parfois l'impression d'être inutile ou stupide en société, j'aime assez me retrouver seule. Gérer le bazar dans mon crâne me demande déjà assez d'énergie !
Une fois au travail, je passerai ma journée à tenter de trouver comment sauver l'humanité. Ou au moins les quelques centaines de personnes qui portent le gène défectueux sur lequel je m'acharne depuis des années. Quand on y pense, c'est assez ironique, sachant que mon prénom se réfère à un processus biologique qui vise à détruire les cellules. Bien entendu, nos parents, à mille lieues de ce domaine, n'en avaient pas la moindre idée. D'autant plus que s'ils avaient pu savoir ce qui t'arriverait par la suite, ils auraient probablement fait un choix plus judicieux.
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Tout pour être heureux (Disponible en epub et broché !)
General FictionA-t-on le droit d'être triste si l'on a tout pour être heureux ? L'amitié qui va naître entre deux êtres tourmentés peut-elle les sauver ? Lyse et Jamie ne se connaissent pas. Et pour cause : ils évoluent dans deux mondes différents. Lui est...