[Hyun]Château ambulant

Chapitre quatrième :

J'ai la chance de ne pas avoir cours le vendredi. Aussi, je décidais cette semaine de prendre le bus du jeudi soir pour aller rendre visite à ma famille, dans une petite campagne avoisinant la ville. Mes parents s'enquirent de mon épanouissement à la fac, ils me demandèrent si je travaillais sérieusement, si je m'intégrais bien. Evidemment, j'eu également droit à la question fatidique du petit copain. Je passais un moment assez joyeux dans ce petit cocon qui m'avait bien manqué.

J'ai toujours préféré la campagne à la ville, je suis une adepte des longues ballades en forêt, des soirées fraîches en plein été et des champs à perte de vue. J'aime me sentir submergée par la nature, la voir à son aise dans son royaume de faune et de flore. Dans ses moments là, elle me semble comme une seconde mère, une mère artiste, une mère créatrice qui veille sur ses œuvres comme sur ses propres enfants, qui sans pitié est capable d'effacer ce qu'elle a fait pour redessiner quelque chose de meilleur et qui peut aussi développer à l'infini, avec les seules limites de son imagination tout le monde merveilleux qui nous entoure. C'est à la campagne que j'en ais le plus conscience. L'humain n'est maître de rien ici, il vaut autant que tous les autres et pourtant il n'est pas exclu de la matrice. Il fait partie intégrante d'un équilibre parfait que son arrogance le pousse parfois à tenter de bouleverser. Ca, c'est ce que je remarque lorsque je suis de retour en ville.

Vendredi après midi, je reçu la visite d'une personne que je n'avais pas vu depuis très longtemps. Des cheveux cendrés et bouclés, un mètre cinquante quatre de générosité et de beauté, des yeux noirs intenses qui feraient pâlir n'importe qui, des tâches de rousseurs adorables qui ressortent sur sa peau de porcelaine et certainement la personne que j'admire le plus : ma sœur de cœur Maya. De deux ans ma cadette, cette jeune demoiselle de dix-neuf ans n'est plus scolarisée, bien que nous nous soyons rencontrées au lycée, du temps où elle suivait encore des cours.

Nous n'avons pas tardé à lier une profonde amitié, à tel point que nous sommes parties ensemble en voyage humanitaire en Afrique durant un mois entier. C'était certainement l'expérience la plus belle et la plus grandiose que j'ai pu vivre. Nous sommes parties à l'aventure, aidant les villages dans lesquels l'ong avec laquelle nous avons organisé le voyage était en contact, nous avons vu des léopards et des éléphants, nous avons chanté, creusé des puits, eu peur parfois des insectes qui nous pourchassaient la nuit et des serpents qui nous toisaient, mais nous avons vécus tout cela ensemble.

Priya est ma meilleure amie et rien ne saurait ébranler l'estime que j'ai pour elle. Ma relation avec Maya n'est pas comparable. Notre amitié se rapproche plutôt de la fraternité, même si physiquement nous n'avons rien en commun. Je la dépasse d'une bonne quinzaine de centimètres, mes cheveux sont plus longs, mes yeux plus clairs, ma bouche un peu moins pulpeuse et ma peau plus mâte. Pourtant à l'intérieur, c'est comme si le même cœur de deux jumelles battait à l'unisson.

« Alors, le retour à la fac, c'est comment ? » Me demanda-t-elle avec un clin d'œil complice.

Nous étions toutes les deux dans ma chambre, assise contre mon lit, deux tasses de thé entre nos deux corps.

« Reposant, avouais-je. Intéressant aussi, j'arrive à m'épanouir plus que je ne le pensais.

_J'en suis ravie pour toi ma petite Thalie ! S'exclama-t-elle en m'offrant un grand sourire.

_Et toi ? Qu'est-ce que tu fais en ce moment ?

_Mmh...Mes parents me prennent la tête pour que je reprenne les études, soupira-t-elle. Moi je n'ai qu'une envie, repartir. Ca ne te tenterait pas toi ?

_On organisera sûrement quelque chose avant la fin de l'année nous connaissant. Mais en ce moment je dois me poser, c'est ça qui me fait du bien. »

Maya m'observa d'un air à la fois curieux et enjoué. Elle bu une gorgé de son thé, sa frimousse trembla, surprise par la chaleur de l'eau. Puis elle reprit un air plus sérieux.

« Quelque chose a changé chez toi depuis la dernière fois. Je te trouve un peu à l'ouest, c'est mignon mais ça m'inquiète, tu es amoureuse ? »

Curieusement, je mis un moment avant de répondre. Je déglutis avec difficulté. Je sentis de légers papillons virevolter dans mon ventre, une étrange chaleur entoura mon poignet, là où Hyun l'avait touché. Je sentis le rouge me monter aux joues et poussais un rire nerveux.

« Je...je ne sais pas, bégayais-je très sincèrement.

_C'est pas un Nathaniel bis, rassure-moi ?

_Aha non, aucun risque ! Riais-je, il est beaucoup plus doux. On ne se connait pas beaucoup en fait, mais on se croise de plus en plus souvent et on parle. Il m'a même poussée à m'inscrire à un concours de dessin, il a remarqué que je dessinais.

_Je vois. Est-ce qu'il te plait ? Demanda-t-elle d'un ton presque sévère.

_Comment ça ?

_Tu ne développes pas de sentiments sous prétexte qu'il t'apporte de l'attention ? »

Ma réponse instinctive, presque défensive, me fit prendre conscience de ce que je ressentais pour le jeune serveur.

« Non, il dégage vraiment une aura particulière. Il est peut-être moins imposant, moins viril que Nath', mais il a une lueur dans les yeux...On dirait que tout l'intéresse. Il est profondément bienveillant aussi et puis...il est sacrément mignon. »

Maya sembla rassurée. En remarquant ses yeux malicieux, j'eus presque la sensation qu'elle se moquait de moi. Néanmoins, je la savais sincèrement à l'écoute et heureuse pour moi.

« Dans ce cas, ne te pose pas de question Thalie, fonce. Je suis sûre que tu peux vivre une très belle expérience et s'il est aussi bien qu'il en a l'air, il réparera certainement pas mal de tes blessures. »

J'acquiesçais, Maya avait entièrement raison. Il fallait que je prenne mon courage à deux mains ; cela faisait déjà quelques temps que j'avais rencontré Hyun, je pouvais faire monter le niveau d'un cran et...voir ce qu'il adviendrait. Je devais me faire confiance, de nouveau faire confiance à un homme, avancer.

Le reste du week-end se termina tranquillement, mais je du rentrer samedi soir car aucun bus ne circulait le dimanche. Sur le chemin du retour, les écouteurs branchés dans mes oreilles, je laissais les mélodies de Woodkid résonner dans ma tête en laissant doucement mes paupières se fermer.

L'arrêt se trouvait à une quinzaine de minutes à pieds de mon appartement, il fallait traverser une rue pleine de bars pour y parvenir. Elle était plus agitée que d'accoutumée. Je me souvins du concert de Crowstorm, il semblait que le groupe avait fait fureur ce soir. Je pressais le pas, j'étais fatiguée. Alors que je progressais dans l'allée de me détachais peu à peu de la foule, une voix familière retint mon attention :

« Le bisous magique, tu connais ? »

Surprise, je tournais la tête et sentis mon cœur se serrer. Hyun tenait le visage de Lynn entre ses mains et, avec une douceur infinie, il embrassait son front. La jeune fille semblait empreinte à la bouderie, elle ne paru pas déceler l'émotion de serveur à la chemise anis lorsqu'il s'éloigna d'elle. Je les vis partir en direction du campus, tous les deux.

J'avais mal au cœur, mal à l'estomac, mal à la tête. Je n'étais pas en colère, j'étais déçue. Cette défaite ne me semblait pas loyale, je n'avais même pas eu l'occasion de lui faire comprendre...je l'ai vu et une autre s'est servie, sans faire attention à moi. J'avais déjà du mal à cerner Lynn auparavant, mais une jalousie mal placée me faisait lui donner un air antipathique, presque démoniaque. Pourtant elle n'avait rien fait de mal. Personne n'avait rien fait de mal, ce n'était de la faute de personne. Mais cela n'empêchait pas mon cœur de se serrer un peu plus fort à chaque fois que la voix de Hyun susurrait dans ma tête : « Le bisous magique, tu connais ? » Non, je ne connaissais pas, mais j'aurais aimé que des lèvres douces viennent humecter l'intérieur de mes sentiments, les rendent un peu moins secs, les fassent plus légers.