— Ouiiiiii, cria-t-elle !
— Monsieur Julien Lajolo, voulez-vous prendre pour épouse Zoé Lambert ?
— Oui, dit-il assez fort pour que toute l'assemblée puisse l'entendre.
Ces instants allaient bientôt prendre une tout autre signification, nous étions le samedi 18 décembre 2004, à tout juste trente-deux ans, Zoé et Julien se disaient enfin oui, pour le meilleur et pour le pire. Ce n'était pas trop tôt, car leur idylle durait déjà depuis quatorze ans, sans parler des deux ans pendant lesquels ils s'étaient tournés autour !
La salle des mariages de la Mairie était comble, une dizaine d'invités avaient même dû rester debout sur le seuil de la porte. Le Maire honorait de sa personne cette cérémonie, car il appréciait beaucoup Julien, qui participait activement à l'animation de ce village situé quelques kilomètres au nord de Lyon. Zoé et Julien avaient craqué pour ce coin rural dans lequel ils avaient fait leur première acquisition, une jolie maison centenaire en pisé. Bien avant le mariage, c'était le grand saut, surtout pour Zoé qui avait peur de s'enfermer dans une vie de couple routinière. Symboliquement, elle reliait l'achat d'une maison à la fin de quelque chose, la peur de l'avenir sans doute ? Elle rêvait de passion, de folie, d'une histoire de couple comme celle que sublime Alexandre Jardin dans Le Zèbre. Vivre toujours au présent, se faire surprendre, elle attendait tellement de la vie, et surtout de Julien ! Tout cela faisait de Zoé une jeune femme très joyeuse dans sa vie avec les autres, mais très angoissée dès qu'elle se retrouvait dans son lit juste avant de s'endormir. Elle provoquait de longues discussions avec Julien sur le sens de la vie, la mort, les enfants... Julien la rassurait la plupart du temps, et c'était là certainement l'une des qualités qui l'attachait le plus à lui, elle ne voulait pas trop se l'avouer, car cette prise de conscience l'éloignait de ses élans de passion. Bien après, elle comprendrait ce qui la reliait indéfiniment à Julien, mais il serait trop tard.
Pour cette cérémonie, Zoé et Julien étaient entourés des gens qu'ils aimaient. Même s'ils avaient refusé de se marier à l'église, Zoé arborait une belle tenue de noces, pas l'une de ces robes qui font ressembler la mariée à une énorme meringue ! Non, pour elle, il fallait que ce jour soit le plus beau de sa vie ! Elle avait un goût parfait pour assortir ses tenues, pour sentir les tendances du moment, elle s'était trouvé une boutique qui lui avait proposé exactement ce qu'elle recherchait : une tenue classe et sobre qui la mettait superbement en valeur. Et effectivement, en ce jour si spécial, elle resplendissait, inondant toute l'assistance de sa beauté. Elle dégageait une puissance sensuelle qui ne laissait aucun homme indifférent ni les femmes d'ailleurs dont les sentiments oscillaient entre admiration et jalousie. Zoé portait un ensemble blanc avec un décolleté discret soulignant sa poitrine. Ces tons faisaient resplendir sa chevelure châtain et son visage, sublimant ses yeux couleur d'azur. Rares étaient les hommes qui soutenaient son regard. Julien souriait à ses côtés, ses cheveux bruns à la coupe parfaite, avec des yeux gris-vert mis en valeur par des sourcils épais. On aurait pu imaginer qu'il était slave, mais aussi loin que remontaient ses origines, il n'y avait pas trace d'ancêtres venus de l'un de ces pays de l'Est de l'Europe. Quelques années auparavant, Julien s'était lancé dans une quête personnelle pour retrouver ses ancêtres. Et quand il commençait à se passionner pour un sujet, il pouvait être inarrêtable, une force inouïe le poussait à agir, à surmonter tous les obstacles qui se dressaient devant lui. Il avait réussi à remonter à l'année 1655 sur son arbre généalogique, le menant jusqu'à Alessandria dans le Piémont en Italie. Il avait gardé comme unique trace de ses lointaines origines italiennes, son nom. Mais, ni il ne s'exprimait en italien ni il ne connaissait la moindre famille italienne. Pour faire ses recherches, il avait embarqué avec lui Alberto, son meilleur ami, dont les parents étaient natifs de Sicile. Son amitié avec Alberto datait de leurs exploits communs dans l'équipe de Hand-Ball du lycée qu'ils fréquentaient tous les deux. L'année de leur terminale, ils avaient réalisé un parcours exceptionnel les menant jusqu'à la finale du Championnat de France scolaire. Les nombreux déplacements en car ainsi que les nuits passées dans les dortoirs communs avaient scellé leur amitié pour de bon. Ils avaient poursuivi cette aventure sportive dans un club pendant deux ans après la terminale. Maintenant, ils étaient comme deux frères, Julien avait tout naturellement demandé à Alberto d'être son témoin. En dépit de ses ancêtres italiens, Julien était un vrai Lyonnais, né le 12 novembre 1972 à Lyon, il n'était jamais parti bien longtemps de cette ville. Il mentionnait toujours son origine avec fierté. Il supportait l'Olympique Lyonnais avec ferveur, il avait assisté à son premier match à l'âge de six ans accompagné de son père et de son voisin, un Lyon-Lille gagné 4-0, c'était le 8 septembre 1978, il se souvenait de la date, car il avait conservé le billet précieusement. Rien qu'en y repensant, l'atmosphère de ce premier match dans le virage nord remontait dans sa mémoire, comme on se souvient de ses premières fois. Il avait adoré cette sensation exaltante lorsque l'OL marquait, tous ces cris des supporters, les gens qui se serraient dans les bras, la joie sur les visages. Le comportement de son voisin l'avait marqué, cet homme plutôt discret en temps normal, s'était transformé en personnage vindicatif, injurieux et exubérant. Julien était à la fois choqué, car son éducation lui interdisait de tels débordements, et en même temps attiré par cette désinhibition où il lui semblait que tout était permis. Il avait apprécié la retenue de son père à ses côtés qui se contentait d'applaudir les belles actions et de crier de joie lorsque l'OL marquait. Il fallait profiter de ces joutes au plus haut niveau, car très bientôt, l'OL allait descendre en deuxième Division et y rester pour un long purgatoire. Tout au long de ces années durant lesquelles le stade de Gerland sonnait creux, Julien était resté un inconditionnel supporter de l'OL, espérant chaque année la remontée en première Division, qui n'arriverait qu'à ses 17 ans. Il considérait qu'un vrai supporter devait encourager son équipe en toute circonstance et encore aujourd'hui, il détestait quand le public se mettait à siffler les joueurs. Ces dernières saisons cela ne se produisait plus, car l'OL venait de gagner son troisième titre de rang, belle revanche sur ces années de vaches maigres, dans l'ombre de la réussite marseillaise ou de la gloire passée du voisin stéphanois.
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Deux secondes
AvventuraDeux secondes débute comme une romance avec Julien et Zoé s'aimant d'un amour pur et idyllique. Ils décident de se marier sur le tard après quatorze années de vie commune. Mais lors de leur voyage de noces en Asie, tout va s'accélérer et basculer en...