L'Élu des Dieux

8 - Départ

                    Nathrod

          Nous étions sur le départ, chacun portant un sac avec le peu de matériel qu'on avait réussi à réunir, c'est-à-dire un semblant de matelas et trois rations par personne. Au final, je partais avec Maël, Mike et Mia, qui, contre toute attente, avait accepté de nous accompagner.

Pendant notre absence, j'avais convenu avec Caïn et Abel qu'ils maintiendraient l'ordre dans la ville basse. Sauver le monde, c'était bien, mais maintenir une paix durement acquise en même temps, c'était mieux. Nous avons passé deux jours à tout préparer, deux long jours durant lesquels des innocents ont perdu la vie dans cette guerre. J'espère pouvoir me rattraper en en sauvant bien plus.

« Comment ça se présente ? demandai-je à Taima.

- Plutôt bien, le ciel est clair et on peut voir facilement au loin. Le temps est clément, ça sera simple d'avancer. »

          C'est comme si les Dieux désiraient que je remplisse mon objectif. Je prévins le groupe des nouvelles apportées par Taima, toujours en repérage. Mia, ne comprenait pas comment je pouvais savoir cela alors que Taima n'était pas avec nous et qu'elle ne parlait pas, question courante. Je lui répondis que rare étaient les Wyverns pouvant parler avec les autres mortels, mais qu'elles avaient toutes la capacité de communiquer via télépathie avec leur prétendant.

On avait décidé de partir à pieds. Marcher allait être long, mais nous ne pouvions pas obtenir de cheval ou de charrue, et deux d'entre-nous ne pouvaient pas voler, Taima ne pouvant porter qu'une seule personne.

« Tout est prêt, m'appris Mike.

- Parfait. Sur ce, à bientôt, saluai-je Caïn et Abel, venu nous dire au revoir.

- Prenez soin de vous.

- Revenez vite, sains et saufs.

- T'en fait pas, j'y compte bien, déclara Maël, on ne peut plus sérieux.

- Je reviendrai au plus vite. »

Et nous voilà partit.

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On était parti aux premières lueurs du jour, et nous n'avions presque pas fait de pause depuis. Il était midi passé et la fatigue commençait à se faire sentir. On décida de s'arrêter sous l'ombre d'un arbre. Mike repéra un lièvre et l'abattit d'un lancer de dague précis. Mia alluma un feu avec ses pouvoirs naissant et nous mangeâmes, si nous n'avions pas une mission à accomplir, on pourrait croire que nous partions à l'aventure.

« Au fait, où allons-nous ? demanda Mike.

- L'idéal serait d'aller d'abord à un endroit où l'on a des connaissances, afin de faciliter le contact.

- Oublie, j'ai tout perdu quand je suis parti d'Algarond, déclara Mike.

- Il me reste bien des connaissances dans Rhûn, mais je pense que les qualifier d'ennemis est un euphémisme, continua Maël.

- Quant à moi, mon village a sans doute été détruit depuis longtemps, finit Mia. »

« Tu comptes faire quoi, Nath ? Retourner là-bas alors qu'ils t'ont banni ?

- Ai-je vraiment le choix ? De plus, mon titre d'élu devrait me protéger contre leur déferlement de haine.

- Si tu le dis... »

Je poussa un long soupir après cette conversation muette avec Taima, puis releva mon regard vers mes camarades.

« On ira à ma terre natale, Riverdale, berceau des Kobolds. »

          Après nous être reposés un moment, nous continuâmes de marcher vers le Nord-Est, direction les marécages qu'étaient Riverdale, et plus précisément sa capitale, Yagd. Cela devait bien faire quinze ans que je n'y étais pas retourné.

« Tu pourrais nous décrire un peu comment c'est, qu'on ne soit pas surpris en arrivant ? demanda Maël, curieux.

- Avant que je ne parte, c'était un endroit paisible, où les traditions priorisaient sur le reste. Nous vivions de chasse et de cueillette, faisions de temps à autre des tournois afin de montrer notre maîtrise de la magie et des armes, confiées par notre Dieu créateur, Larcet. A cette époque, notre clan était dirigé par Lissal, la plus brave des Kobolds. Notre clan est sans doute l'un des seuls à être dirigé seulement par des femmes, à l'instar des Elfes.

Sous la politique de Lissal, nos conditions de vie se sont bien améliorées. Nos maisons, parfois pas assez solide ou étanche, ont vu leur durabilité s'accroitre, et nos méthodes de chasse rapportèrent bien plus qu'avant. Je pense que tous seraient d'accord pour dire qu'elle a été la meilleur chef depuis longtemps.

Cependant, la guerre commença à menacer notre clan, et Lissal due faire un choix difficile : ne rien faire en espérant ne pas être touchée ou aller se battre, au mépris de certaines de nos traditions. C'est ce qu'elle choisit, et l'allié qu'elle prit fut le chef des Taurens, Brakû. Ensemble, ils préparèrent les plans d'une attaque éclair, censée servir d'avertissement. Tout ne se passa pas comme prévu, Lissal perdit la vie et les Humains commencèrent à nous attaquer, pour se venger de cette attaque.

Selon nos traditions, une nouvelle chef fut élue, Hasa. Elle choisit de maintenir l'alliance avec les Taurens, par respect envers Lissal. J'ai montré mon mécontentement par rapport à ce choix, un peu trop souvent, et j'ai été banni pour non-respect de nos traditions, second crime le plus grave après le 'crime consanguin' (viol ou meurtre d'un autre Kobold). »

          Personne ne parla. Comment pourrait-il, après une histoire pareille ? Surtout qu'ils avaient tous refusé de retourner dans leur pays natal car rien ne les y attendait, mais que j'avais proposé de les emmener dans le mien alors que ma situation n'était pas meilleure que la leur.

« Dans combien de temps arriverons-nous à ce rythme ?

- Tu es bien pressé d'arriver Nath.

- Je veux finir ça au plus vite, Taima, rien de plus. Du coup ?

- A ce rythme ? Six jours, si rien ne vient vous gêner. »

Dans six jours au plus tôt, je devrais réaffronter mon clan. Je découvris un sentiment que je n'avais jusqu'alors, un mélange de peur et d'excitation. La peur de leur réaction et la joie de retourner chez moi après quinze longues années.