oeuf au plat

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Je me réveilla enfin.
Combien de temps avais-je dormi? Je n'avais plus vraiment la notion du temps. Mes cheveux étaient redevenus bouclés par la pluie d'hier soir. Je les attacha en chignon vite fait.
Puis je remarqua que je n'étais plus sur mon banc d'arrêt de bus.

Non, j'étais assise sur un canapé - assez moelleux je dois avouer. Un peu paniquée, je me releva de mon dossier rapidement. Autour de moi, c'était une grande maison. J'étais dans ce qui s'apparentait à un salon. La cuisine se situait juste derrière. Comment m'étais-je retrouvée là ?

Je me leva, et me rendis compte rapidement que je n'avais plus de force. Avec papa à la maison, je ne mangeais déjà presque rien car il refusait de faire les courses où de m'envoyer les faire. La dépression et l'alcool le nourrissait. Et moi j'errais en espérant survivre.

Ça devait faire bientôt 1 jour entier que je n'avais rien avalé. La faim ne me dérange pas, c'est un des sentiments que je ressens mais auquel je ne prête pas attention. J'ai arrêté de m'occuper de ma santé depuis déjà longtemps.

Je décida alors de me diriger vers la cuisine. La question de mon arrivée ici fut remise à plus tard. Je cassa deux œufs - la seule chose qui avait l'air mangeable, qui vit ici? et les fit frire dans un poêle. Lorsque j'eus fini, je les déposa dans une assiette trouvée dans un placard. La cuisine était vraiment moderne. Qui peut se permettre une maison à ce luxe là?

Ne pensez pas que j'étais sereine face au fait que je n'étais pas à l'endroit où je m'étais endormie la veille, que ce n'était pas ma maison, et que je me faisais des œufs dès le matin - c'est vraiment peu appétissant.
Non, je m'inquiétais, mais en même temps je n'en avais plus rien à foutre. Qu'avais-je à perdre au final? Ce n'est pas comme si quelqu'un attendait mon retour à ma maison.

Et puis une voix m'arracha à mes pensées.

- Je peux vous aider mademoiselle ?

Je me retourna rapidement.
C'était un homme grand, assez fin. Ses yeux étaient d'un bleu océan et paraissaient amicaux. Il avait les cheveux blonds, presque platine, et je me surpris à me demander si c'était une teinture. Une teinture sérieusement ? Qui pense à ça dans un moment pareil ?

 Une teinture sérieusement ? Qui pense à ça dans un moment pareil ?

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- Mademoiselle ? il ajouta.

Je décrocha mon regard de ses cheveux pour me plonger dans ses yeux.

- Ah, euh, je suis désolée. Vous voulez des œufs ?

Un court silence. Je me rendais compte de la débilité de ma réplique, mais avant que je puisse rajouter quelque chose, il me coupa :

- Pourquoi pas, oui.

On se retrouva tous les deux, assis côte à côte sur les sièges en hauteurs du comptoir de la cuisine. On avait l'air con, et puis personne ne parlait. Et puis il demanda doucement :

- Qui t'as amenée ?

Je pensais que c'était lui, alors je le regardais interloquée. Il a sûrement dû remarquer ma surprise alors je devais trouver un truc à dire. Que j'étais apparue sur son canapé par magie? Que je n'étais pas folle mais qu'il pleuvait et que je me souviens plus? Si je commençais comme ça, mon billet pour le retour vers la maison en passant par le poste de police était déjà prévu.

- Tu veux encore un œuf ? demanda-t-il, remarquant que je ne savais pas quoi répondre.

Il ne paraissait vraiment pas méchant, juste fatigué. Quelle heure était-il en fait ? Il faisait jour dehors. Et il ne semblait pas du tout étonné de voir une fille en pull beaucoup trop large pour elle attendre dans son salon et manger dans son frigo.

- Non, merci, répondais-je.
- Tu es le coup d'un soir d'un gars d'ici ? Parce que si oui, on est pas trop dans le on-construit-une-relation-durable ici. Je te conseille de repartir assez vite si tu veux pas qu'il te jette dehors.

Je le regarda, mi-étonnée mi-interrogatrice.

- Tu ne vis pas seul ici? demandais-je, ignorant sa question.

- Non. Tu ne me reconnais pas?
- Non, répondais-je.
- Jamais entendu parler de notre réputation ?

Notre ?

- Non.
- Ah. Tant mieux.

Un silence.

- Je suis désolée, fis-je, je vais m'en aller. Je me suis perdue je crois. Merci pour les œufs. Je crois. Voilà.

Il me regarda inquiet, - ou peut être de la pitié, et soupira.

- Si tu n'as couché avec personne de nous quatre hier soir, j'aimerais savoir comment tu es rentrée. Simple question afin que je renforce les portes pour de ne plus me faire piquer mes œufs. J'aime bien les œufs. Et je veux les manger le matin.

Je le regardais, un peu amusée. La situation la plus improbable était en train de se dérouler sous mes yeux.

- Je ne sais pas.
- Comment ça tu ne sais pas?
- Je ne me souviens pas vraiment.
- J'espère que Lucien ne t'as pas droguée puis violée. Ça serait vraiment moche pour toi, tu a l'air si fragile.

Dans quelle maison suis-je tombée?

- C'est quoi ton nom ? demandais-je.

Il marqua une pause et me détailla le visage.

- Luka, il répondit. Luka Kyubi. Et toi?
- Sasha. Sasha tout court.

AnesthésieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant