Anesthésie

bouclettes

- Je l'ai amenée.

Un garçon avec des bouclettes se tenait juste à côté de l'entrée de la cuisine.
Le même garçon de l'arrêt de bus.

- Ah. Dommage. Je pensais qu'elle allait rester un peu plus longtemps que ça, répondit Luka en se levant de sa chaise. T'étais plus cool que les autres meufs qu'ils ramènent d'habitude, mais c'est la vie. Conseil, casse-toi le plus vite possible si tu veux pas qu'ils t'éjectent par la force. Ciao Mange-oeuf.

Il me fit un signe de la main et se prépara à sortir de la cuisine. Il se fit arrêter par la main du gars aux bouclettes avant de pouvoir partir.

- J'ai dit quelque chose qui fallait pas? rigola nerveusement Luka. Je crois que l'homme aux bouclettes l'intimide.

- Je ne crois pas que Loup l'ai baisée, nota Lucien qui semblait avoir compris un dixième de la situation.
- En effet, non, me permis-je de rajouter.

Toutes leurs têtes se retournèrent vers moi. Mon instinct me dit qu'il fallait que je sorte d'ici le plus vite possible, quelle est cette maison de fou?

- Mais d'où elle vient alors? intervint Laïko, apparement un peu paniqué.

Je m'apprêtais à lui raconter, mais le gars aux bouclettes - apparement Loup, me coupa.

- Je sais pas. Je l'ai juste pas laissée dormir dans un arrêt de bus alors qu'il pleuvait.

Ah. Donc c'est bien lui qui m'a ramené ici. J'aimerai le remercier, mais il a un air sur le visage trop arrogant pour que les mots sortent de ma bouche. Est-ce qu'il m'a porté tout le long du chemin?

Luka se retourna vers moi avec une petite bouche en o.

- Tu vis dans la rue Mange-Oeuf? souffla -t-il, comme si c'était quelque chose de tabou.

Je soupira et baissa les yeux.

- Non, j'ai un endroit pour dormir dans la ville.

Je ne voulais pas l'appeler maison. Ni m'en souvenir tout court en fait.

- Genre une maison close? rigola Luka.
- Tu veux rester dormir quelques nuits ici? coupa Lucien, avant que je puisse étrangler Luka. 
- Elle ne va pas rester.

C'était Loup qui parlait. Qu'est ce qu'il cherchait, lui? Je ne lui ai pas demandé qu'il me prenne comme bagage à ce que je sache. Ni à être dans cette maison beaucoup trop chère pour les gens qui vivait apparement dedans.

Les autres garçons le regardèrent, interrogateurs. Lui, me regardait, attendant ma réaction. Luka ignora ses propos.

- Tu veux dormir avec moi Mange-Oeuf? Mon lit est le plus confortable, et c'est le moins risqué. Les autres risqueraient de te violer dans ton sommeil, regarde toi petit coeur, une mini-bombe. Et puis c'est la plus propre, je ne te conseille surtout pas Lucien et Laïko, ils dorment ensemble alors méfie toi de l'odeur. Et puis la chambre de Loup-

Il fût coupé par un raclement de gorge de Lucien. Luka se rendit compte qu'il avait trop parlé et se tut. Il est adorable. On aurait dit un petit chiot qui jappe sans cesse.

Je me sentis en trop. C'est vrai, qu'est-ce que je faisais ici? N'avaient-ils pas mieux à faire que de s'occuper d'une fille comme une autre dans leur grande baraque?

- Je vais m'en aller, dis-je, désolée du dérangement.

Alors que je m'apprêtais à me lever, je sentis mes jambes flageoler. Je n'avais évidemment pas assez de force, et j'étais encore habillée dans des habits  humides.

- Te fous pas de notre gueule, t'as aucune force, rajouta Lucien. Tu restes ici ce soir jusqu'à que tu te sentes mieux. Tu n'as pas quelqu'un qui t'attend quelque part hein?
- Non, de ce côté là, aucun risque, répondais-je en essayant de sourire.

Je sentais le regard de Loup qui me brûlait le dos. Je me rasseya dans le siège.

- Tu es trempée, rajouta Lucien.
- Met ça.

Loup me balança un t-shirt - dieu sait d'où il le sortait. Je retira mon gros pull pour me retrouver en débardeur. J'enfila le t-shirt - un des Joy Division amen.

Les quatre garçons me reluquèrent de la tête aux pieds, amusés. Enfin, seulement trois d'entre eux. Luka tapait excessivement dans ses mains comme un chiot excité.

- Bienvenue chez nous Mange-oeuf, me sourit-il.