Alexina mise une partie de son argent sur le 7 de la table de jeu de Syles. Elle se tourne ensuite vers Avril et lui explique son choix :
- C'est la date d'anniversaire de ma tante Charlotte. Elle était gentille avec moi et elle me préparait des petits gâteaux.
Syles sourit à Alexina, prend la petite boule, fait tourner la roulette et lança la boule.
- Les jeux sont faits. Rien ne va plus !
Avril regarde la petite boule tourner en rond. Elle ressent petit-à-petit le frisson du jeu monter en elle. Mais elle lève son regard vers Syles et se rappelle de la tombe de sa mère. Il faut qu'elle sache.
- Depuis quand connaissiez-vous Emilie Beauregard ?
En prononçant cette phrase, Avril vient d'attirer l'attention du croupier. Celui-ci regarde plus attentivement la jeune rousse qui lui faisait face. Elle lui rappelle de plus en plus quelqu'un.
- Qui vous a dit que je l'ai connue ?
- Je vous ai vu devant sa tombe ce matin.
Dans sa tête, Syles se demande s'il ne devrait pas s'inquiéter au sujet de cette petite curieuse.
- Vous m'espionnez ?
- Juste depuis ce matin. Alors, vous répondez à ma question ?
Le regard d'Alice est décidé. Bonne chance pour le croupier s'il veut détourner la conversation sur un autre sujet.
- J'ai rencontré Emilie il y a plus de vingt ans. Elle était une très belle femme à l'époque. Nous avons vécu des moments heureux, avant que... avant que nos chemins se séparent.
- Et qu'est-ce qui s'est passé ?
- Eh bien... Comme j'étais violoniste, j'ai voulu faire carrière dans la musique. Mais Emilie n'a pas voulu me suivre, et nous nous sommes disputés à ce sujet. Depuis, nous ne nous sommes plus jamais revus.
- Est-ce seulement à cause de votre carrière musicale ?
- Oui, répond Syles en haussant la voix.
L'attention des joueurs se tourne vers le croupier et la rousse qui est en train de lui parler. Personne ne remarque que la petite boule vient de tomber sur le chiffre 7.
- Ecoutez-moi bien, jeune fille, dit Syles à l'intention d'Avril. J'ignore qui vous êtes, mais si vous continuez comme ça, je ne répondrai plus à vos questions. D'ailleurs, tout ce qui concerne... concernait Emilie et moi ne vous regarde pas.
- Il se trouve que ça me concerne aussi, réplique la journaliste.
-Ah oui ? Dîtes-moi donc qui vous êtes, alors.
- Je suis...
Avril se tait, incertaine de ce qu'elle doit faire. Faut-il révéler à cet homme qu'elle est la fille d'Emilie Beauregard ? Quel pourrait être sa réaction ? Avril, par mesure de prudence, prend la décision de ne rien lui révéler. Pour le moment.
- Je suis une ancienne amie d'Emilie.
- Vous n'avez pourtant pas l'air d'une vieille dame.
Avril a soudain l'envie de donner une bonne claque à cet homme pour lui faire regretter ces paroles. Mais elle parvient à se retenir et elle dit le plus calmement possible :
- Ce que j'essaie de vous dire, c'est qu'il y a peut-être une autre raison à votre désaccord. Comme par exemple, la naissance d'un bébé.
Les yeux de Syles se mettent à flamboyer d'une lueur peu accueillante. Apparemment, Avril vient de mettre le doigt sur quelque chose de sensible. Le croupier s'apprête à répliquer quand son patron arrive et s'adresse à la jeune rousse :
- Dîtes, est-ce qu'on peut discuter un petit moment, entre nous seulement ?
Avril regarde l'homme au chapeau de cow-boy, puis Syles, et ensuite Alexina. Doit-elle suivre cet homme ou rester ici pour continuer son enquête personnelle ? Elle a envie d'en savoir plus sur sa mère, mais Croifer semble tenir à avoir une discussion avec elle. De toute façon, elle n'a pas le temps de répondre car Croifer la prend par le bras et l'entraîne dans la foule jusqu'à l'escalier. Ce n'est que là qu'Avril se dégage de la forte poigne de l'homme.
- Décidément, vous ne connaissez pas le tact, dit-elle avec ironie.
- Là n'est pas la question. J'ai absolument besoin de vous, mademoiselle...
Il est évident que Croifer ne se rappelle plus le nom de la jeune rousse. Celle-ci, le sourire aux lèvres, se permet de lui rafraîchir la mémoire :
- Avril. Alice Avril.
- Comme je viens de vous le dire, j'ai besoin de vous. Montez avec moi.
Croifer monte les marches, suivi par une Alice très curieuse. Il ouvre la trappe et la ferme derrière Avril, qui se retrouve face à deux femmes - dont l'une est celle qui était venue chercher Croifer tout-à-l'heure. La journaliste se retrouve inexplicablement intimidée par la présence de la dame en tailleur noir. L'homme au chapeau de cow-boy prend la parole :
- Mesdames, voici Alice Avril, ma nouvelle associée et votre nouvelle représentante.
Avril se tourne vers Croifer et s'apprête à lui demander de quoi il parle, mais il continue sur sa lancée :
- Vous verrez : avec elle, vous ne serez pas déçues. Alors, notre accord tient toujours ?
La femme en tailleur noir regarde attentivement Avril avec l'œil expert d'un boucher qui contemple un veau bien gras. Elle s'approche de la rousse, tourne autour d'elle et termine son examen en rendant son verdict :
- Elle a l'air bien pour le rôle. Croifer, je veux bien qu'on reparle de notre accord.
Le maître de la maisonnée laisse échapper un soupir de soulagement. Avril, qui commence à regretter d'être remontée au rez-de-chaussée, s'apprête à retourner discrètement dans la cave lorsque la femme aux lunettes rondes s'approche d'elle et lui murmure à l'oreille :
- Ne vous en faîtes pas, tout va bien se passer. Mlle Merchermette connaît très bien son travail.
Avril fait un sourire forcé et se dirige vers la trappe d'un pas rapide. Mais Mlle Merchermette la prend brusquement par le bras, l'arrêtant dans son élan, et la regarde avec une redoutable intensité. Sa voix se fait à la fois menaçante et déterminée quand elle demande à sa nouvelle représentante :
- Vous n'allez pas nous lâcher, j'espère ? Ce serait très désagréable... autant pour moi que pour vous.
La pression de la poigne augmente, à tel point qu'Avril ne peut pas s'empêcher de grimacer de douleur. Étrangement, cela semble procurer une joie mauvaise à Mlle Merchermette. De quoi inquiéter la plus intrépide des journalistes. Heureusement, le bras de celle-ci est libéré de la main de fer. Cette même main, comme le constate Avril, attire l'attention par un petit détail peu commun.
- C'est quoi, cette cicatrice sur le pouce ?
- Ce n'est rien. Absolument rien, répond Mlle Merchermette en cachant vivement la cicatrice en question.
Avril, perplexe, n'ose cependant pas en demander plus : après tout, elle ne tient pas à finir sa journée dans un cercueil. Elle préfère à la place suivre Croifer qui retourne dans la cave, un endroit bien plus rassurant qu'une tombe - même si les jeux d'argent y font la loi de la jungle.
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LPM - La mort a tourné
FanficAlice Avril va sur la tombe de sa mère lorsqu'elle s'aperçoit qu'un vieil homme se recueille sur cette même tombe. En le suivant et en se renseignant sur lui, elle découvre qu'il s'agit d'Alfred Syles, un ancien violoniste qui travaille en tant que...