Chapitre 2

104 7 0
                                    

  Dans le commissariat de Lille, Marlène est en train de taper à la machine quand Tricard entre dans le bureau du commissaire Laurence. Le commissaire-divisionnaire se tourne ensuite vers la secrétaire et lui demande :

- Où est Laurence ?

- Je ne sais pas. Il a reçu un appel téléphonique, et il est parti aussitôt, sans rien me dire.

- Et il ne vous a rien dit ?

- Non.

- Alors là, c'est très curieux. Il ne peut pas s'agir d'une enquête puisqu'il n'a pas fait appel à toute l'équipe. Je suis prêt à payer cher pour savoir de quoi il en retourne.

  On frappe à la porte à ce moment-là. Tricard dit bien fort :

- Entrez !

  La porte s'ouvre, et Alexina, la mère du commissaire, entre dans le bureau de son fils.

- Bonjour, dit-elle à l'intention de Tricard et de Marlène. Est-ce que mon fils est là ?

- Désolé, madame, mais il est absent pour le moment.

- Rien de grave, j'espère. Je lui avais téléphoné pour lui dire que je venais lui rendre visite ici, ajoute la vieille dame.

- Je suis sûre qu'il ne va pas tarder à revenir, la rassure Marlène.

- J'ai bien peur de ne pas avoir le temps : j'ai un rendez-vous dans un endroit particuliers.

- Il ne vaut donc pas mieux être en retard.

- Certes. Eh bien, vous direz à mon fils que sa mère est passée le voir.

  Une fois Alexina sortie du bureau, Marlène ne peut pas s'empêcher de faire une réflexion :

- C'est quand même étrange que le commissaire soit parti juste avant l'arrivée de sa mère.

- Oui. C'est une sacrée coïncidence, dit Tricard non sans ironie.

  Ne comprenant pas le sens ironique de cette phrase, Marlène continue à taper à la machine.

***

  Alors qu'Alexina Laurence sort du commissariat, Alice Avril arrive sur son scooter. La journaliste enlève son casque et voit la mère du commissaire.

- Salut, Alexina.

- Bonjour, Alice. Vous n'avez pas changé depuis notre dernière rencontre. Enfin... à part vos cheveux, bien entendu.

- Vous venez voir votre fils ?

- Il s'est absenté. Dîtes, je dois aller quelque part au plus vite. Seriez-vous assez gentille de m'y emmener.

- D'habitude, je ne fais pas le taxi, mais là, je veux bien.

  Alexina prend le casque que lui tend Avril, l'enfile et s'installe derrière la jeune femme.

- Alors, où est-ce qu'on va ?

- Au 6, rue des Gémeaux.

  Ces quelques mots ont l'effet d'un coup de poing sur Alice Avril. Cette adresse... C'est celle de la maison dans laquelle l'homme du cimetière était entré tout-à-l'heure !

- Qui y habite ? demande la journaliste.

- Benoît Croifer, un homme qui aime se faire passer pour un Américain. Il a de belles tapisseries, mais ce n'est pas ça le plus intéressant.

- Ah ouais ? C'est quoi, alors ?

  Alexina regarde autour d'elle comme pour vérifier que personne ne risque de les écouter, puis se penche vers Avril et lui demande à voix basse :

- Vous me promettez que ça restera entre nous ?

- Promis. Si je mens, je vais en enfer.

- Eh bien, murmure Alexina, il se trouve qu'il m'arrive de jouer de temps en temps. Mais attention, je ne vais pas chez ce Croifer uniquement pour ça. Il y a d'autres choses qui méritent l'attention...

  Avril a à peu près compris le sous-entendu. Elle ne perd cependant pas de vue son objectif.

- Et comment est-ce qu'on peut y entrer ? Il doit y avoir un code, ou un truc de ce genre, non ?

- Vous êtes perspicace, ma chère. Il y a un gorille qui surveille l'entrée, et pour qu'il vous laisse passer, il faut lui dire le mot de passe.

- Et c'est quoi, ce mot de passe ?

- Je suis désolée, mais je n'ai pas le droit de vous le dire. Seuls les membres dignes de confiance peuvent l'avoir.

- Et comment peut-on l'avoir ? La confiance, je veux dire.

- Pour ça, il faut s'adresser à Croifer. C'est lui le patron, c'est donc lui qui décide qui entre et qui n'entre pas chez lui.

- Est-ce que je peux avoir un petit coup de pouce ?

- Bien sûr, ça me ferait très plaisir de vous aider. Par contre, pouvez-vous arrêter avec les questions ? À force, je risque d'avoir un mal de crâne.

  Alice ne peut pas s'empêcher de rire et met en route son scooter.

***

  Le commissaire Laurence s'approche d'un kiosque de journaux et regarde les gros titres, plus précisément ceux de La Voix du Nord. Il veut savoir ce qu'a écrit cette insupportable Alice Avril au sujet du jugement de Sébastien Roiroi. La journaliste, comme d'autres idiotes dans son genre, avait été charmée par ce cambrioleur très habile - enfin, pas assez habile pour le commissaire. Et connaissant Avril, cette dernière a certainement pris la défense de Roiroi.

Un cambrioleur pas si malin que ça, par Robert Jourdeuil

  Ah ! Apparemment, le rédacteur en chef du journal a pris en charge l'article à la place d'Avril. Reste à savoir pourquoi. Quoiqu'il en soit, personne ne fera changer l'avis du commissaire à propos des journalistes : ce ne sont rien d'autre que des nuisibles qui passent leur temps à fouiner dans les affaires des autres.

  Le bruit pétardant d'un scooter attire l'attention de Laurence. Quand il voit qu'il s'agit du petit véhicule d'Avril qui roule, il s'attend à une petite discussion avec elle. Mais lorsqu'il voit qui est avec elle sur le scooter, il s'empresse d'acheter n'importe quel journal et de se cacher derrière pour éviter que sa mère le voie. À quoi ça aurait servi, sinon, de quitter le commissariat avant l'arrivée de sa mère ? Mais, heureusement pour lui, les deux femmes en scooter passent sans même le remarquer. Laurence jette tout de même un coup d'œil pour s'en assurer. Quelque chose lui dit que les ennuis ne vont pas tarder à commencer.

LPM - La mort a tournéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant