Chapitre 1 : La foule des vivants rit

77 2 7
                                    

/!\Certains mots sont susceptibles de choquer les plus jeunes d'entre nous.

Le petit bois de Condé-sur-Suippe avait vu tant de batailles et d'assauts depuis le début de cette guerre, qu'il était étonnant qu'il soit encore debout à seulement quelques kilomètres du front de Siegfried.
Ce front si bien protégé par les allemands.
Lorsque ces derniers avaient pressenti que le conflit ne tournait plus en leur faveur, ils avaient alors commencé à bâtir une ligne de fortification dans le nord de la France qui leur appartenait.
Elle réduisait considérablement leur territoire et la ligne de front, mais de cette manière, il y aurait une plus grande concentration de soldats par zone.
Ils avaient commencé à construire la ligne Hindenburg.
Les généraux français de l'époque et le président Raymond Poincaré, l'avaient vue s'ériger comme une marque de faiblesse de la part des allemands.
En réalité les allemands l'avaient construite comme une stratégie puissante et invincible.
Le temps les pressaient, ils n'avait pas pu bâtir de véritable fort, mais en revanche, des tranchées sur armées.
Avec un matériel de guerre sans précédant et une puissance de feu sans limite.
Les tranchées y avaient été aménagé pour le confort des soldats allemands.

Enfin à ce que l'on y racontait en France.

Cette ligne Hindenburg avait été divisée en cinq parties.
Celle qui passait tout près du bois de Condé-sur-Suippe, était la partie "Siegfried" soit la zone la plus fortifiée par les allemands et la plus meurtrière pour les Français, elle s'étendait de Lens à Reims.
En mars 1917, les allemands avaient été contraints de s'y réfugier.

Lorsque l'escadrille de Victor avait traversé ce bois pour se rendre au front, la forte odeur de moisissure qui émanait de leur habits couverts de boue, s'était amoindrie et avait même été remplacée par une douce et rassurante émanation d'humus et de champignon.

Victor, avait été heureux de savoir que la guerre n'avait pas détruit ce magnifique endroit, en trois ans et huit mois de pure folie.

Le jeune homme était un jeune bordelais bourgeois qui avait pu se payer de grandes études de lettres.
Il s'était fait connaître grâce à son premier livre "La vie des arbres" sorti en 1913.

Désespérant de grandir dans un monde de plus en plus violent, il avait alors écrit - avec tout son art et sa foi - un roman engagé pacifiquement.

À seulement 17 ans, Victor avait fait le tour de la France. Son livre avait été bien accueilli notamment chez les religieux.
Le gouvernement tout jeune de Raymond Poincaré, largement contesté en France, l'avait même rencontré.
C'était un livre très simple, mais du fait de son jeune âge, Victor Manignier avait été adulé par les français, il se voyait même entrer au gouvernement quand il serait adulte.
Sa grande et glorieuse carrière avait cependant été brutalement stoppée par un événement tout sauf pacifique.
La guerre avait été déclaré.
Son statut d'homme de lettre ne l'avait protégé que jusqu'en janvier 1915 où on l'avait envoyé sur le front.

Au début, ce n'était pas tant la violence des combats qui l'effrayait.
C'était plutôt le climat.
Lui qui venait de Bordeaux, et qui n'était jamais monté plus au nord que Paris lors de sa rencontre avec le président.
Dans l'enfer des tranchées, le froid était capable de s'installer, dès octobre, et ne quittait les poilus qu'en avril, voir début mai.

Sa réputation d'auteur lui avait tout de même offert un autre présent.
Il avait eu le droit, toutes les semaines, à une chambre, du papier et un repas chaud en plus de sa ration quotidienne pour qu'il puisse écrire d'autres romans.
À partir du moment où on lui avait annoncé cette nouvelle, Victor était devenu, soudainement, très populaire et s'était fait de nombreux amis qu'il amenait avec lui, dans ses appartements.

Dix-SeptOù les histoires vivent. Découvrez maintenant