Chapitre IX

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"Quand les démons veulent produire les forfaits les plus noirs, ils les présentent d'abord sous des dehors célestes"_ W. Shakespeare


Une brume épaisse recouvrait le sol, lui laissant l'étrange impression de marcher sur un nuage. L'endroit était illuminé par une mystérieuse clarté, plongeant le lieu dans une auréole de blancheur et d'or. Des lucioles volaient près d'elle, mêlant leur lumière bleue à l'espace qui s'étendait autour d'elle. La jeune fille tendit un doigt et l'une d'entre elle vint s'y poser, tout naturellement, comme si elle ne se sentait pas en danger. Gardant la luciole sur son doigt, elle s'avança doucement, menant ses pas vers l'inconnu. Trouvant étrange de ne rien sentir sur son corps, elle baissa la tête vers celui-ci. En effet, elle était nue des pieds à la tête. Vérifiant qu'il n'y avait personne d'autre ici, à part elle et les lucioles, elle continua, libérée de toute entrave vestimentaire. L'air sereine, malgré le fait qu'elle ne savait pas quel était cet endroit, ni comment elle s'était retrouvée là, elle observa la brume se disperser au fil de son avancée, lui traçant un chemin vers ce qui l'attendait plus loin.

... sis !

La jeune fille fronça les sourcils. Un bourdonnement désagréable lui avait envahi les oreilles. Elle secoua la tête, comme pour éloigner une quelconque bestiole, puis reprit sa marche. Au bout d'un moment, elle fut devant un miroir. Curieuse, elle s'approcha. La silhouette devant elle l'imita. C'était une jeune fille, exactement de la même taille qu'elle, qui la regardait fixement, ses yeux lui renvoyant son regard scrutateur. De longs cheveux blancs argentés lui tombaient en cascade jusqu'aux reins, sa peau était dorée, ses yeux étaient vairons, l'un bleu et l'autre ambré, remplis de malice et... de haine. Son reflet était en tout point identique à elle, mais il y avait une lueur nouvelle dans ses yeux. Ses traits étaient tirés en une expression froide et maléfique, ses yeux renfermant une haine si encrée, si profonde qu'elle en fut ébranlée. Elle ne s'était jamais vu comme ça. C'était comme si elle faisait face à une autre version d'elle, plus démoniaque, plus sanguinaire.

... mésis !

Le son réapparut, tel un murmure persistant qui venait d'une autre dimension, et dont elle était la seule à entendre. Evidemment puisqu'elle était seule ici. La luciole posée sur sa main s'envola lorsqu'elle tendit l'autre main vers le miroir. Voulant toucher la surface translucide, elle ne trouva cependant aucune résistance, la paroi la laissant passer comme si ce n'était que de l'eau. Elle comprit alors que le miroir était en fait un mur liquide, comme une couche diaphane qui se tenait à la verticale, et qui la séparait de l'autre côté. Ce dernier semblait être plongé dans l'obscurité, sans aucune forme de vie ou de lumière. C'était le Néant. Son reflet semblait être la seule chose qu'elle fut capable de discerner.

Némésis !

Quelle était cette voix ? Qu'est-ce qu'elle disait ? Elle ne connaissait pas ce mot. Les yeux toujours rivés sur son double, elle ignora une fois de plus cette étrange voix, et caressa la surface du miroir. Son reflet suivait son mouvement, en osmose avec elle. Puis soudain, son double démoniaque sourit, d'un sourire cruel et glacial, et prit brusquement sa main pour la tirer vers elle.

NEMESIS !!

Elle ouvrit brutalement les yeux, se redressa en sursaut, couverte de sueur. Elle tremblait de partout, son cœur battant à mille à l'heure. Une douleur sourde la frappa à la tête et elle gémit en se la tenant à deux mains. Lorsqu'elle partit enfin, Némésis leva la tête et vit Daemon penché sur elle, le visage paniqué et inquiet. En tournant la tête, elle vit Mika et Ace, eux aussi penché près du lit où elle se tenait, les yeux plissés d'inquiétude. Tous les trois avaient une respiration saccadée, comme s'ils venaient de parcourir à fond la caisse trois fois le continent d'Assiah, territoire de l'Empire d'Asril, à pied. Il faut dire que même pour les elfes, ce serait un exploit épuisant, voir presque impossible. Assiah était l'un des plus grands continents d'Aldris, avec Yggdrasil et Orion. Un ronronnement tout proche d'elle la fit prendre conscience de la présence de ses Es'rahels, allongés sur le lit avec elle, qui frottaient leurs têtes contre ses bras. Elle soupira, relâchant la tension de ses épaules, et caressa avec tendresse son loup et ses tigres. Son faucon se tenait sur le rebord d'un magnifique fauteuil fait de velours pourpre et bois sculpté, la fixant de ses yeux perçants remplis d'amour.

Némésis Reveria - L'Éveil du Sang [ Réécriture ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant