Et donc me voilà au sortir de cet entretien, confuse et troublée, me demandant ce qui ce serait passé si je m'étais laissée faire, faible et vulnérable.Et pourtant j'ai besoin de ce stage pour valider ma licence. Vu la notoriété de cette entreprise et l'arrogance de cet homme dont je viens d'atteindre l'ego, mes chances d'obtenir un stage sont très réduites. C'est un milieu d'hommes, restreint où les informations circulent. C'est sur cette pensée pessimiste que je me décidais à enfin rentrer chez moi.
Mon quartier, pour le décrire, se situerait entre le centre ville et la banlieue au sens courant du terme. D'une maison à une autre, les inégalités sociales contrastent expressément. Notre maison était bâtie sur deux étages et juste en face un autre foyer familial habitait dans des baraques rafistolées. Cette situation me mettait bien mal à l'aise, mais je n'y pouvais pas grand chose, ou du moins pas encore.Toutefois malgré cet écart social, nous entretenions de bonnes relations entre voisins.
Une fois arrivée,avant d'entrer chez moi comme à mon habitude, je passais voir mes voisines d'en face, Mbayang et Aïssata. Mbayang, a à peine un an de plus que moi, elle a très jeune était entraînée dans un mariage, sans avoir pu poursuivre ses études. Mbayang a rejoint le domicile conjugal dans ces baraques en face de chez moi et au fil du temps on s'est beaucoup rapprochée. Son mari s'est très vite retrouvé au chômage et elle, à son tour courageuse et débrouillarde, s'est lancée dans les petits boulots pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle est mère de deux filles et est actuellement en état de grossesse avancée. Entre blanchissage et commerce à l'étalage, elle tente tant bien que mal de joindre les deux bouts. Son mari quant à lui voyant que sa femme semble s'en sortir, à abandonner toute démarche pour travailler à nouveau et reste au crochet de Mbayang.
Je la trouve assise face à ses bassines de linge entourées de ses filles. Après les salutations d'usage, je prit un pagne que je m'attachais autour des reins, sous les protestations de Mbayang. Ensuite je tirais un banc et me mettais à ses cotés devant une bassine pour l'aider dans sa tâche. Je lui racontais ma journée y compris l'incident survenu lors de mon entretien. Mbayang semblait surprise, elle ne s'imaginait pas que même dans un milieu professionnel, qui se veut civilisé et intègre, ce genre d'attitude puisse être cautionné. Elle me confia avoir plusieurs fois été confrontée à des propositions indécentes lorsqu'elle cherchait du travail avant de lancer son commerce. Et à chaque fois elle se contentait de fuir, traumatisée et impuissante. Encore une fois je me reposais ces mêmes questions : Quand trouverons-nous enfin notre place dans cette société misogyne ? N'ont-ils pas de mère, de sœurs ?
Au même moment,Aïssata entra dans la couren trombe , lança son sac et se mit à faire les cent pas devant nosregards à moi et à Mbayang pleins d'interrogations. Je me levais etlui tenais les mains pour la calmer. Je prit un banc et lui fits'asseoir. Elle avait les yeux imbibés de larmes de désespoir et decolère. Entre deux sanglots elle nous conta sa dernièremésaventure. Aïssata setrouve être la belle-sœur de Mbayang. On se connaît depuisl'enfance. Après le décès de ses parents, il ne lui restait queson frère, le mari de Mbayang. Elle a du arrêter ses études ettravailler comme femme de ménage. Et comme moi aujourd'hui etMbayang dans le temps, à plusieurs reprises elle a du faire face àdes injustices fondées sur le genre. Et c'est encore ce qui s'estproduit aujourd'hui. Son travail consiste à aller tous les jours deboutique en boutique faire le ménage. L'un de ses employeurs a uneattitude assez machiste dont elle s'est plainte mainte fois. Ils'amuse à dégrader derrière elle, lorsqu'elle effectue sa tachel'obligeant à toujours repasser. Entre ceci et les accusations devol injustifiées, les regards malsains, elle se sent constammenthumiliée et rabaissée. Ces agissements démontrent un manque derespect et de considération flagrant uniquement du fait qu'elle soitdu sexe «faible» dit-on. Et pour couronner le tout, son travailn'est jamais rétribué à sa juste valeur, et impuissante elle sevoit contraint d'accepter ce médiocre salaire. Ensemble nous nouscomprenions et c'est dans cette ambiance désolée que nous avonsterminer le linge. J'ai ensuite pris congé d'elles et suis rentréechez moi.
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MAMA
General Fiction4 femmes, un seul cri "DOYNA". Entre courage et détermination, leur avenir, leur appartiendra.... Une histoire inspirée du film MAMA par Mame Mor Faye et Luss Amadeus.