Chapitre 6

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-Je vais chercher l'extincteur ou c'est comme les crêpes de tatie Sonia : « l'odeur ne reflète en rien ma cuisine espèce de petite morveuse !» ? demandais-je à qui m'entendait en imitant ma tante quand elle me réprimandait sur mes remarques déplacées à propos de ses immondices.

-Tais-toi, insolente ! toussotait mon père en ouvrant les fenêtres du salon. Va ouvrir celle de la cuisine.

-Tu veux que je m'asphyxie ?! M'étranglais-je en voyant une épaisse fumée noire jaillir de la poêle et emplir l'espace cuisine.

-Tu ne ramènes pas d'fric à la maison, toi, rétorqua mon paternel en secouant la tête, l'air de dire « et toc ! ».

Alors là, j'l'avais pas vu venir celle-là !

Il a osé dire que je ne servais à rien dans cette maison, c'est un affront envers ma personne !

-Ça ne tardera pas !

-Aller, bouge de là, soupire-t-il en me poussant pour réparer les dégâts de sa création désastreuse.

Je rêve !

Dans tous les cas, bientôt je ferais des représentations autre part qu'à L'église ou dans les maisons de retraite -où je ne gagne rien puisque c'est considéré comme du bénévolat-. Et là ! Là, je gagnerai de l'argent parce qu'on me demandera partout dans le monde, on sollicitera ma présence et on payera pour m'écouter à l'oeuvre !

-Arrête de penser à voix haute et viens jeter ça.

Je pris la poêle qu'il me tendit et alla devant la maison pour la jeter en même temps que son contenu. À l'entente du bruit sourd de l'objet contre le fond du réceptacle en plastique, papa se précipita dans l'entrée. En ne voyant pas de poêle dans mes mains, il sortit pieds nus pour la récupérer tandis que je reposais les baskets que je lui avais emprunté sous le radiateur.

-Mince, c'que tes susceptible, toi, grommela-t-il en la posant dans l'évier.

Je me servis une tartine de Nutella et un verre de lait tout en souriant.

Il oublie souvent que je tiens de lui.

Maman nous rejoignit peu de temps après qu'il ait fini de laver le cramé sur la poêle et grimaça en sentant cette odeur tenace.

-T'en fais pas maman, j'ai sauvé la situation ! m'exclamais-je avec une pose de Super-Héros.

-Tu parles, murmura mon père en déposant un baiser sur ses lèvres en guise de bonjour.

-Maman ! ma soeur déboula les escaliers et entoura sa taille de ses bras fins alourdis par une ribambelle de bracelets trop colorés pour mes yeux. Wendy m'a encore interdit de prendre ses vêtements !

-Tu étais beaucoup trop jeune pour les trois quarts d'entre eux, petiote.

-Si tu veux de nouveaux vêtements tu n'as qu'à venir avec moi samedi au centre commercial, lui proposa maman en lui ébouriffant les cheveux.

Karene étudia la proposition avec grand soin puis, le plus naturellement de monde, secoua la main et lui répondit :

-Non, ça va aller, tu n'accepteras jamais.

Treize ans, purée. Treize !

-Tu n'as que treize ans, jeune fille ; fais attention à ce que tu comptes porter. T'envoyer à l'école en tenue de Nonne ne me fait ni chaud ni froid, fit papa d'une voix autoritaire.

-De toutes façons je vais grandir et avoir le même âge que Wendy et aussi le même corps !

-À ton âge mes obus étaient plus beaux, raillais-je en croquant dans ma tartine.

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