Les yeux de Grégoire étaient injectés de sang. Il articula bien en regardant Audrey droit dans ses yeux verts :
_ Que viens-tu de dire ?
L'adolescente se défit de l'étreinte de son père et se posta devant lui. Elle ne bougeait plus, tétanisée par la peur. Les colères de son père étaient terribles, redoutables. Dans un excès de rage, il pouvait donner des gifles qui auraient fait valser même le plus grand gaillard.
Cependant, il fallait qu'elle dise ce qu'elle ressentait, qu'elle déverrouille son cœur, qu'elle parle à ses parents. Chose qu'elle n'avait jamais faite. Il fallait qu'elle prenne tout son courage, qu'elle laisse le raz-de-marée de paroles sortir d'elle et qu'elle se jette à l'eau, quitte à se noyer.
_ Je ne veux pas reprendre la librairie, révéla-t-elle. Je... je veux suivre ma propre voie, être ce que je veux être et pas ce que vous m'imposez d'être. Je n'ai pas l'écriture dans le sang. Je ne peux pas écrire comme vous et créer des histoires. Ce n'est pas moi et cela ne le serra jamais... je suis réellement désolée et navrée de ne pas être ce que vous attendez de moi... mais je ne peux pas mentir sur ce que je suis. Tout ça pour vous dire que je ne veux pas reprendre la librairie, je ne le peux pas...
Myriam regardait Audrey avec de grands yeux ronds. Grégoire, quant à lui, avait son visage qui s'était radouci, ce qui rassura sa fille. Après tout, peut-être qu'il a bien pris la chose, que ses confidences lui a ouvert les yeux. Il se rendrait alors compte de qui était sa fille. Elle serait libre de vivre sa vie.
Grégoire afficha un rictus avant d'annoncer :
_ Mais tu n'as pas le choix.
Le sourire d'Audrey s'effaça. Une vague de peur la submergea, elle recula d'un pas et son dos se voûta. Il n'avait pas compris et il ne comprendrait jamais. Sa respiration s'accéléra. Les yeux de Grégoire se rivèrent au sien. Ils étaient remplis de colère. Cependant, au lieu d'impressionner sa fille, cela ne fit que lui procurer du courage. Elle devait affirmer qui elle était, quoi qu'il lui en coûte. Elle se redressa et s'avança pour n'être qu'à quelques centimètres de lui.
_ Je ne veux pas être libraire.
_ Je ne te demande pas ton avis et je ne supporte pas que tu me tiennes tête !! vociféra-t-il.
Il lui asséna une gifle si violente que son corps fut envoyé par terre. Sa joue rebondie était écarlate et lui brûlait atrocement. Elle recouvrit d'une main tremblante la zone qui la lançait. Elle éclata en sanglots. Les larmes coulèrent sur ses pommettes en feu. Elle voulut trouver de soutien auprès de Myriam, ne serait-ce qu'un regard réconfort et maternel. Mais au lieu de cela, sa mère s'était repliée sur elle-même, tête baissée et dos voûté, et détourna les yeux, craignant de subir le même sort que sa fille. Audrey se sentit trahie. Elle regarda une à une chaque personne qui l'entourait. Malgré la foule, personne n'allait être de son côté. Elle était seule et incomprise une fois de plus. C'était le vilain petit canard.
Elle recula lentement d'abord, souhaitant mettre de la distance entre elle et eux puis, comme son père tendait sa main pour lui attraper le bras, elle fit volte face et se mit à courir, échappant aux griffes cruelles des autres se moquant d'elle. Elle se sentait triste, honteuse et humiliée. Elle galopa dans les étroites rues pour se retrouver de la périphérie du village. Alors, comme elle dépassait la dernière maison, elle arrêta de courir , marcha quelques mètres jusqu'à un arbre où elle s'adossa, puis, lentement elle se laissa glisser le long de l'écorce rugueuse. Elle ramena ses jambes près de son visage et enfouit sa tête dedans. Comment Grégoire pouvait-il l'obliger à faire quelque chose qu'elle ne voulait pas ? Elle en était convaincue : sa place n'était pas là. Elle se sentait si seule...
Elle renifla puis leva la tête pour voir le ciel. On y voyait les trois astres : le soleil juste couché qui laissait derrière lui un magnifique dégradé se reflétait sur les toits du village ; la lune s'élevait fièrement et éclairait d'un merveilleux éclat bleuté ; les étoiles brillaient d'une lumière incroyablement dorée et céleste. « C'est tellement magnifique, pensa Audrey, les joues ruisselant de larmes. » Il était tellement splendide que une idée folle germa dans la tête de l'adolescente : que tous ses problèmes allaient se régler.
Tandis que cette folle résolution se propageait dans son être et l'aider à recouvrer son calme, elle sentit son attention faiblir et le sommeil la gagner. Elle s'adossa au tronc d'arbre et se laissa aller au sommeil quand une main se posa furtivement sur sa bouche, l'empêchant de hurler. Audrey se débattit, mais malgré ses efforts, son agresseur la leva et l'entraîna dans la sombre forêt. Elle essayait de voir qui il était, de distinguer ses traits, ses vêtements mais elle n'arrivait pas à se retourner. Elle tenta de crier mais cela ne servit qu'à renforcer l'appui que la main avait sur sa fine bouche. Elle agita ses bras tandis que son assaillant la fit basculer sur son épaule. Elle se mit à secouer ses jambes jusqu'à ce qu'elle le frappe au tibia ce qui amena son agresseur à relâcher son emprise. Elle en profita pour s'échapper de son emprise tandis que son ravisseur jura. C'était une voix d'homme... elle se mit à courir. Malgré la douleur des bleus qu'il lui avait faits, elle se faufila entre les arbres. Des ronces empoisonnées déchiraient sa robe, elle trébuchait sur des racines qui lui écorchaient ses chevilles. Une branche d'arbre vint l'amocher au visage, la blessant et la faisant sacrément saigner. Des larmes vinrent se mélanger au sang qui dégoulinait sur sa peau de pêche. Ses bras meurtris se cognaient aux troncs des arbres sombres. Des feuilles mortes noires tombaient et venaient se nicher dans ses longs cheveux châtains. Audrey s'arrêta, haletante. Elle se cacha derrière un énorme buisson et s'accroupit. Elle essayait de se souvenir des moindres détails sur le physique de son attaquant (celui-ci était imposant et très musclé et faisait une tête de plus qu'elle, ce qui étaient les seules choses qu'elle était parvenue à voir) au cas où elle le verrait au village... à cet instant, une pensée l'envahit et lui serra douloureusement le cœur. Et si elle ne revenait jamais dans son village ? Et si elle ne voyait plus jamais ses parents ? Ses parents avec qui elle s'est disputée juste avant son enlèvement... elle sanglota. Même si elle avait toujours voulu partir, elle ne pouvait pas se résigner à ne pas éprouver de la peine.
Elle ne les reverrait plus jamais.
Plus jamais...
Les choses sérieuses commencent pour Audrey! J'espère sincèrement que cette histoire vous plaît! N'oubliez pas de voter et de commenter!
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Audrey et les trois écoles
ParanormalAudrey est une jeune adolescente, rêveuse. Elle pense qu'elle n'a pas sa place dans son village. Elle n'est pas heureuse ici... C'est lors de la célèbre fête du village, que la petite brune va se faire enlever et elle va atterrir dans une école...