Acte I, Scène 4

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SCENE IV

Corey est seul à la fenêtre. Dans le fond, un bruit de pendule à coucou.

COREY

Oiseau de malheur ! Il me tourmente, sans cesse. Est-ce que ça l'amuse ? Est-ce là sa fonction ? Qui est-il, d'où vient-il ? Aurais-je enfanté ce démon sans le savoir, ou ce démon est-il celui qui m'a construit ? Il me tourmente. Le jour, la nuit. D'ailleurs, jour et nuit, en voilà de bien étranges mots. Le jour pour vivre, quand le monde habille sa robe de clarté. La nuit pour dormir, quand le monde habille son cotume de ténèbres. Mais, ah ! Mon monde est toujours sombre, et je ne dors jamais. Suis-je condamné encore à errer entre deux, hors des codes de mon temps ? Qu'on ne m'en veuille pas, si je passe mes jours dans mon lit ! Tandis qu'on me hante, tandis qu'on me torture, tandis qu'on me tourmente, qu'on me traque, qu'on me tracasse, qu'on me t-...
(ils'arrête et monte à la fenêtre. Corey s'assoit sur le toit et balance les jambes)
Qu'on me tue ? Non, pas encore. Hélas. Qu'on me tue ! Ou ce coucou le fera. Carnassier du bonheur, charognard de mon âme ! Lorsque je reste près de lui, transi d'angoisse et tremblant de peine, je l'entends. Mais lorsque je m'éloigne, il a imprimé sa fatale aiguille dans ma tête. Mon cœur palpite au rythme de ses allées et venues. Que dis-je ? Il est toujours là de toute façon, et je suis sa pendule ! Sous son joug, je m'allonge tout le jour durant et je ne fais rien. Je l'écoute murmurer son infamie à mon oreille, et la répète à mon cœur trop prêt à l'accueillir. Je ne suis plus qu'une loque, une coquille vide, une apparence, un corps. Et encore ! Est-il mien, ce corps ? Le soir, dans les moments de fatigue ; le jour, dans les moments d'angoisse, je le quitte. Ou bien c'est lui qui me quitte, parce que tous les deux avons trop mal. La réalité se déforme. Comme si elle n'était pas déjà assez laide ! La capacité de la vie à produire toujours plus laid me surprendra éternellement. Quelle drôle d'idée ! Tiens d'ailleurs, quelle drôle d'idée que la vie en soi. J'ai jamais demandé ça, moi. À quoi mes parents pensaient-ils quand ils m'ont mis au monde ? Que ce serait un cadeau ? Un privilège ? Que je prendrais soin de cette vie, peut-être. Et bien voilà comme j'en prends soin : en haïssant ma personne, en haïssant les autres sans vouloir qu'ils me quittent. En abîmant mon corps, en abîmant mon temps par l'alcool et les larmes. La vie n'est pas un cadeau. Elle est un fardeau. Je suis un fardeau.

Le Coucou du couloirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant