C'est une odeur sucrée, un peu agressive, acide et pétillante, qui frappe mes narines alors que je pousse la porte du tabac. Un étrange mélange, en fait, entre bonbons candides, cigarettes vicieuses et journaux sévères. J'avance dans ce petit paysage qui chatouille mes souvenirs et, en tendant la main, mes doigts effleurent le verre froid du comptoir pour atteindre les vives couleurs de l'étalage. Des caramels, des réglisses, des fraises tagada.
- Qu'est qu'il vous faut Monsieur ?
- Une sucette, Papa, je veux une sucette ! À la cerise !
Je peux sentir le sourire de mon père en même temps qu'il pose sa grosse main rugueuse sur ma tête.
- Le dernier numéro du Monde Diplomatique, s'il vous plaît.
- Papa ! S' il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît !
Le journal glisse sur le comptoir et la monnaie cliquette. L'homme en face de moi compte les sous - il y en a trop - les sourcils froncés. Je souris.
- Mettez-moi une sucette à la cerise en plus.
Alors que je sors du tabac, le sucre fond doucement sur ma langue comme quand j'avais huit ans.
Les yeux fermés, un sourire jusqu'aux oreilles, la main dans celle de mon père.
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Acte de vie
PoetryPetits paysages intérieurs, petites tranches de vie coupées dans la largeur et autres divagations de ma plume.