Partie 1, Chapitre 6 - Le Remord

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L'élan avançait lentement entre le arbres nus et décharnés de la forêt. Thranduil le guidait a peine, tant il était perdu dans les méandres de son esprit. Peu importe, car l'animal était doté d'une intelligence peu commune, et il avait fini par connaître le sentier qu'empruntait immanquablement son maître chaque fois qu'il dégageait une telle aura de mélancolie.

Ils arrivèrent bientôt à une petite clairière, qui semblait incroyablement incongrue au milieu de cette  sinistre forêt, tant il en émanait une atmosphère pure et paisible, tel un havre de sérénité. L'élan s'arrêta et s'ébroua doucement. Thranduil ouvrit les yeux, qu'il avait gardé mi-clos, et sembla comme sortir d'un rêve. Devant eux, au centre du petit espace verdoyant, se trouvait une magnifique stèle en nacre, gravée d'elfique. Juste à côté, une pierre de quartz délicatement taillée, plus petite que la première. Sur la grande, on pouvait lire :

Namaé Ian Morwën, Len gilsila lumenni Imav dúath quel kaima Lle naa vanithr minui Al.

( Dors en paix Reine Morwën, puisse ton chemin vers le monde des ténèbres se faire en paix, et puisses-tu l'éclairer de ta beauté solaire. )

Sur la suivante, on pouvait lire :

Aiya hirv Aerin methed Ennas stille fœste Eaër cuil nir cair Lim Wanath.

( A la Princesse Aerin, que ton repos éternel soit paisible, et que toi qui fut si vive dans la vie, puisse être aussi libre dans la mort. )

Thranduil se laissa doucement glisser à terre, et s'approcha doucement, presque avec hésitation, des pierre tombales. 

"- Il y a longtemps que ne vous est pas rendu visite, commença-t'il, incertain. Je suis perdu... J'aimerais tellement que vous soyez là, à mes côtés. Toi, ma douce, qui savait si bien apaiser mes tourments. Et toi, mon petit oiseau, mon rayon de soleil..."

Une unique larme dévala délicatement l'albâtre des joues du Roi. Il porta un main à son visage et y cueillit la goutte d'eau salée, qu'il considéra avec étonnement et frustration. Depuis que ses raisons d'être avaient quittées ce monde, Thrandhuil avait pris le parti de se forger une carapace, de se construire une forteresse de silence, d'indifférence et de solitude. D'un naturel déjà peu expansif, le Roi avait laissé sa colère, sa tristesse et sa culpabilité le consumer. Et l'éloigner de tout. De tous. Et surtout, surtout, de son fils. Cet enfant, qui lui ressemblait plus qu'il ne l'aurait voulu, et qui, torture suprême, possédait le même caractère que sa mère. 

"Je vous ai perdues, reprit-il difficilement, j'ai voulu vous éloigner pour mieux vous protéger, et..."

Une seconde larme coula. Les elfes pleurent rarement. Mais Thranduil lui, battait tout les records. Il n'avait pas versé une larme depuis l'enterrement de sa femme et de sa fille.

"Morwën... Pourras-tu me pardonner ? Je t'ai déçue, je t'ai trahie, et pire, je me rends compte à présent que je suis en train de détruire ce qui me reste. Mon propre fils. Je t'ai fait une promesse...  Et je la bafoue sans vergogne. Et toi ma lumière, ma fille.. Tu aurais dû pouvoir grandir, tu aurais 523 ans aujourd'hui... J'ai tout gâché !

A présent, c'était la colère qui envahissait Thranduil. Pour une fois, il se laissa submerger par ses sentiments, et hurla sa rage au ciel. Toute la forêt en vibra.

"Pourquoi ? Pourquoi ! Pourquoi je n'arrive pas à lâcher prise, à lui montrer mon amour !?"

Il tomba à genou devant les stèles, la tête remplie des réminiscences des plus mauvais moments de sa vie.

C'est ainsi que le trouva Legolas, quelques temps plus tard. Le Prince avait galopé longtemps, aveuglé par sa colère, laissant sa monture aller où bon lui semblait. Il s'était étonné du calme et de la luxuriance nouvelle de sa forêt, qui, après que la Reine fut décédée, avez perdu son éclat. 

En effet, le malheur et la tristesse, qui pesait comme une chape de plomb sur le cœur de tout les elfes sylvestres, et surtout, sur celui du Roi, s'était comme répandus dans cette magnifique forêt. Les beaux arbres verdoyants, les oiseaux chantants, les biches et autres animaux gambadants, tout ces êtres merveilleux, qui transmettaient leur pouvoir aux elfes, et qui avaient bercés l'enfance de Legolas, s'étaient tus. Alors, les araignées géantes et autres créatures néfastes avaient envahie la forêt, imposant leur loi, tuant les elfes, et avant tout, les coupant du monde. Cependant, ce qu'ignorait Legolas, c'est que durant sa convalescence, Tauriel avait tiré profit de la mélancolie de Thranduil, et, commandant à un petit groupe de gardes royaux, elle s'était rendue, en toute discrétion, au nid des araignées. Ce fut un massacre. Tout les œufs pulvérisés, les araignées présentes exterminées... Tout cela au prix, bien sur, de quelques blessures, mais il n'y avait fort heureusement aucun mort à déplorer. Pour finir correctement son œuvre, Tauriel, plaça des pièges ainsi que quelques archers sur place, ayant pour mission de finir ce qui avait était commencé, si d'autres araignées se rendaient au nid. Tauriel avait bien sur été lourdement réprimandée par Thranduil, mais finalement, celui-ci fut plutôt satisfait du résultat. Car le mal qui l'étouffait refluait progressivement de Mirkwood. Oh, bien sur, toute la forêt n'avait pas encore retrouvée sa splendeur passée, mais une certaine partie semblait à présent renaître. Malheureusement, l'hectare où se trouvait  la clairière était toujours sombre et malade...

Le cheval de Legolas emprunta tout naturellement le sentier creusé par les innombrables passages de Thranduil et de son élan. Arrivé à l'entrée de l'éclaircie, le cheval de Legolas renâcla puis s'arrêta. Celui-ci, qui avait fermé les yeux durant un bref instant, les rouvrit, et faillit tomber à terre...

Enfant du Mordor, Enfants MauditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant