Chapitre 6, regard livide

9 2 0
                                    

Son regard vient se poser sur moi, il me tends la main, mon corps se crispe, regard livide. Je me mets a genoux, je ne veux pas de lui, de son aide, je veux me lever, mais je me bloque, comme si, a la seule force de son regard dévastateur, il me forçait a rester a terre. Mes genoux sont éraflés, je saigne, le contre-jour m'empêche de voir son regard, sûrement narquois. Je me lève difficilement, ignorant sa main, il fait une tête de plus que moi.

Je ne t'ai pas vu au lycée, ça va ?
Il me regarde de ses yeux noirs, éclaircis par la lumière du jour.
Pourquoi me pose-t-il cette question? Qu'est-ce qu'il en a à foutre de moi?
"Tapette" "PD" résonnent dans mon crâne.
Je me suis fait violé psychologiquement aux vestiaires, j'ai assisté a une manifestation homophobe alors que moi même je suis gay, je me suis fait virer de ma propre maison, de chez moi, par mes propres parents, ma famille.
Je suis a la rue, j'ai pas mangé et j'ai qu'une seule bouteille d'eau mais ça va super ! Merci Dylan de m'avoir mis dans cette superbe situation !
Ma tête tourne, "PD" "Tapette" "T'aime ça hein ?!" "tu bandes ?"
Je tremble,
Je l'aime de tout mon être, mon coeur avait-il vraiment besoin d'être jeté comme ça ?
Une larme s'est glissée au coin de mon œil, il me regardait avec pitié, je déteste qu'on me regarde avec pitié, qu'on fasse les choses pour moi uniquement pour que ça me rende heureux.
Je tourne les talons et m'apprétait à partir, partir où ? Entre deux poubelles ? Sous un pont ? Les pensées tourbillonent dans l'entièreté de mon corps, une main m'attrape le poignet et me tire violemment vers elle. On dirait ma mère, la claque, "vas-t'en" la porte se refermer, puis la rue, le froid, la lune.
Je suis désormais face a face avec Tyler, il me regarde, il ouvre sa bouche, rien ne sors, il hésite.
Je.. Ça... Ça se fait pas trop mais je te dois bien ça, ça te dirais de venir chez moi ? J'ai des habits propres et tu pourras prendre si il ne me mens pas ? Est-ce un pari ?
Pourtant, dans ses yeux, on peut se dire qu'il reste peut être une once d'humanité ? Sa pupille se dilate, la chance pourrait-t-elle lui être accordé ? À la fois je n'ai nul part ou aller.
D'accord.
Il me souris. Je fuis son regard, j'ai peur. J'ai envie de lui demander, pourquoi fais-tu ça ? Mais je me tais, garde le silence, c'est mieux, comme toujours, si t'avait fermé ta gueule t'en serais pas là, a suivre Tyler dans les ruelles sombres et noircies par la poussière, à continuer a frotter tes mains moites contre ton pantalon, a cacher tes cicatrices sous ce pull large, Alors ferme bien ta gueule Élie.
Donc je le suis, de quelques pas seulement, je regarde le sol, le seul endroit qui ne me donne pas l'impression de me dévisager, ou de me juger. Alors je le suis, enfin, je suis ses pieds, des Vans roses. Mes parents n'auraient pas aimé. Le rose est pour les filles, la claque, la porte.
Ses chaussettes de sport sont remontées par dessous les ourlets de son bermuda jaune moutarde. Il s'arrête devant un appartement grand d'une dizaine d'étages.
Il tape un code:
- 615A
615A, 615A, 615A, je le répète dans ma tête, il ouvre la porte, me laisse entrer, on monte, une marche, deux marches et ainsi de suite. Les marches sont en marbre. Il s'arrête devant une porte en sorbier, il ouvre la porte.
- C'est qui ?
J'entre dans un magnifique loft, une salle plutôt lumineuse qui sers de salon, tout en blanc, un canapé, grand et spacieux, des peintures, des photos de famille. Je regarde Tyler.
Il ne réponds pas, un homme sors d'une salle au fond du salon, il est brun, grand, il a une mâchoire carrée, il me fixe, ses yeux sont ronds, il porte un t-shirt et un jean foncé, le classique de l'homme. Il me fait penser a mon père. Il me manque..
Je chasse son visage de mon esprit et me  reconcentre sur l'homme qui me fixe.
Salut papa ! C'est un pote, je.. Je peux te parler en privé deux minutes s'il te plait ?
Le père intrigué acquiesce et repars de la salle ou il était.
Élie, tu n'as qu'a allumer la télé j'arrive.
Pourquoi Tyler est-il si gentil ? Je ne voulais pas regarder la télé, je savais ce qu'il lui disait, que je restait que quelques jours, que tout allait rentrer dans l'ordre et que mes parents iraient me chercher pour me dire qu'ils m'aiment fort et que mon orientation sexuelle n'a pas d'importance et qu'on irait manger des crêpes a la première crêperie qui passerait sous nos yeux. Mais ça n'est pas vrai, dure vérité, ils m'ont abandonné.
Ce mot résonne dans ma tête, je le dis comme si celui si ne décrivait pas ma situation familiale, comme si tout allait bien et que le soir je rentrerait chez moi, comme tout le monde.
Alors j'attends, je regarde, les tableaux, les photos,
Tyler et une feuille de ses résultat du brevet.
Une photo de classe.
Un chien.
Mais une photo m'interpelle,
C'est une photo de mariage, rien d'intéressant jusque là me direz vous.
Mais c'est deux hommes, et un ressemble comme deux goutes d'eau au sois disant " père de Tyler ".
L'autre est brun, plus rond et a les yeux plissés, il souris, ils sont tout les deux en costard.
Ils s'embrassent.

ainsi soit-ilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant