Chapitre troisième, Parce que la nature nous a créés comme ça.

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06h26, ça fait 34 minutes que je suis réveillé, mon regard se pose sur chaque étoile fluorescente collée a mon plafond, de sorte a ce qu'aucune sois mise de coté, si seulement ça avait été ça dans la société. Je sors de mon lit, je ne prends même pas la peine de déjeuner, je reste dans ma chambre, je mets un pantalon large, je mets un tee-shirt rose en le rentrant dans mon pantalon, Je m'installe devant mon miroir et sors une boite en bois de la commode placée sous le miroir. 

Je le cache de mes parents, mais je me maquille, pas grand chose hein, je fait mes sourcils c'est tout. Je prends soin de les tracer soigneusement, de couper et de brosser les extrémités, je me regarde. Pourquoi suis-je né ? Serais-je un jour heureux ? trouverais-je un jour, dans le regard de mes parents, de la compréhension ? Les questions tournent dans ma tête,  oreilles bourdonnent. Je revois Tyler, les garçons. Suis-je vraiment une erreur ? Tout le monde est-il si cruel ?

Je me décide a descendre, ma mère buvait un café, elle était déjà préparée, 

Ca va ? Tu as bien dormi ? Je la regarde dans le fond de ses yeux gris. Elle n'a pas l'air d'avoir dormi longtemps. 

Oui, merci! en réalité, je n'ai presque pas fermé l'œil de la nuit, tourmenté par mes cauchemars, mes pensées tournaient en boucle dans mon esprit.

elle me tends un jus d'orange, Fait avec amour ! 

Je n'en ai bu qu'une petit gorgée, le verre était fellé, il formait un trait continuellement sur la longueur du verre, je me demande comment la fellure a été faite, est-il tombé ? a-t-il eu mal?...

 mes questions sont ridicules, un verre n'a pas d'émotions, il ne ressens pas de douleur qu'elle soit physique ou émotionnelle..... J'ai très vite regretté ma pensée. Tyler m'a-t-il pris pour un verre? A-t-il regretté ? Je dépose le verre sur la table, il est 8h moins 24

Élie on y va, tu viens ?Ton père est déja là bas, il est allé retrouver des amis.

Je la suis, de toute façon, je n'en ai pas vraiment le choix, je marche, comme un automate, les dalles en béton du jardin touchent mes pieds sans vraiment les toucher, je ne comprends pas vraiment ce qui se passe, je suis mes parents a une manif homophobe alors que MOI MÊME je suis homosexuel. Ce n'est pas moi, le fantôme de l'homme idéal, qui suis ses parents dans l'entrée de l'appartement, enfile son blouson et regarde sa mère épingler dessus une cocarde rose et bleu.

Pourquoi rose et bleu ?

Ma mère me regarde, comme si elle aurait préféré quelque chose de totalement stupide.

Bleu pour les garçons et rose pour les filles, précise-t-elle du ton qu'elle aurait employé pour expliquer le mécanisme des feux de signalisation à un attardé mental. Parce que la nature nous a créés comme ça.

Et puis ce sont des couleurs apaisantes, explique mon père. Nous ne sommes pas du genre a brandir le drapeau rouge et a tout casser.

Je devrais me mettre en colère. Je devrais lui hurler dessus que ce ne sont que des amalgames débiles, des idées toutes faites, et que s'il se donnait la peine d'y réfléchir 5 minutes, il comprendrait. Mais je n'y arrive pas, je me demande comment mes jambes font pour tenir encore debout. La seule chose que j'arrive a dire fut:

Je suis un garçon et pourtant, j'adore le rose

Ma mère lève les yeux au plafond et ne se donne même pas la peine de répondre

Mon père déverrouille la porte et une bouffée d'air froid vient secouer mes cheveux en pagaille.  Trop tard.

Dans la rue, je marche vite, je regarde mes pieds. Deux trois pas devant mes parents qui me crient de ralentir. Ce que je ne fait absolument pas.

A gauche Élie ! Et la deuxième rue a droite, a coté de la station de métro... Qu'est-ce qui te prends aujourd'hui ?

C'est sa première manif. Répondit mon père, il stresse, c'est normal.

A dire vrai, je n'imaginais même pas la suite.

La suite c'est ça : des familles, des enfants portant a bout de bras des grappes de ballons - roses pour les filles, bleus pour les garçons... Les visages souriant, mêmes sympathiques, de gens que je pourrait croiser a la boulangerie, ou a la bibliothèque.
Des banderoles, « Papa + Maman, y'a pas mieux pour un enfant », « Ma mère s'apelle Robert ?!!! », « Le genre c'est pas mon genre »... Des drapeaux qui s'agitent, et des écharpes, et toujours ces mêmes couleurs. Et pendant quelques secondes, quelques secondes atroces, j'ai envie de leurs ressembler, de rire, crier, chanter avec eux. De lire dans leurs yeux l'amitié et l'accueil. Ma mère me pousse, un char passe a coté de nous, des fillettes dansent en agitant fièrement des drapeaux, avec quatre petits personnages, un papa, une maman, un garçon et une fille - la famille parfaite. A dix ans j'aurait fait pareil, mais peut être que l'une d'entre elles découvrira un jour qu'elle est attirée par le même sexe.
Et puis, tout a coup, je les vois : deux hommes qui se tiennent par la main, debout sur un balcon, au premier étage. Entre eux, une pancarte sur laquelle ont peut déchiffrer sans mal une inscription tracée au marqueur, aux traits repassés plusieurs fois pour en grossir les traits, en s'appliquant, en riant peut être, leur deux têtes rapprochées.
Alors que sous leur balcon passe lentement la foule rose et bleue, cette foule qui manifeste pour que tout le monde n'ait pas les mêmes droits, pour que certains amours demeurent cachées, en marge. Sur la pancarte, on lit :
« TROP TARD »
Autour de moi, des sifflets, des cris de protestations, des insultes fusent. J'ai envie de me boucher les oreilles, je suis de nouveau le garçon dans la file piétinant devant le gymnase, épinglé, rejeté, sauf que la, les mots ne me visent pas, je suis en sécurité, entre mon père et ma mère, parmi ces gens qui me croient parmi eux.
Et pourtant ils me déchirent.

Sur le balcon, les hommes brandissent toujours leur pancarte, avec fierté, avec défi. L'un des garçon passe son bras autour de l'autre, et attire son visage vers lui.
Et l'embrasse.
Ces gamins sont fous !
La voix de ma mère. Stupéfaite, Indignée, Réprobatrice.
J'ai mal, j'ai mal. J'ai honte. Honte de moi.
Pas parce que je suis comme eux. Parce que je suis là. Parce que je n'ai pas leur courage.
Je reste debout, net, le regard levé.
Élie ? Élie ! Enfin, bouge ! On va pas rester là.
Ma mère s'impatiente. Lentement, mon regard redescend vers la rue rose et bleue.
Ce que j'ai a affronter, aujourd'hui, c'est une foule, des milliers d'êtres humains parcourus,  comme moi, de peurs, d'espoirs, de joies, des êtres capables d'amour et de haine, des êtres dont je ne me suis jamais méfié.
Ils sont ensemble, ils sont forts. Et moi, je suis faible.
Ce baiser va-t-il me donner la force dont j'ai besoin ?
Non, on ne va pas rester là.

Alors viens.

Non.
Je suis toujours immobile, les pieds ancrés dans le sol. Peut être a-t-il fondu, le bitume, m'engluant jusqu'aux chevilles. Mes oreilles bourdonnent. Mon sang pulse à mes tempes, je suffoque, j'ai trop chaud. Pourtant, je répète :
Non, je suis du coté de ces gamins, des ces fous, comme vous dites. Pas du vôtre.
     

ainsi soit-ilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant