Chapitre 4 : Farah

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Ce qui était bien avec la rentrée, c'était que Farah organisait toujours une soirée chez elle le week-end même. De toute façon, selon Farah, toute occasion était bonne pour organiser quelque chose.

Farah ne vivait que de fêtes et de rires. Elle voyait la vie traditionnellement comme un long fleuve auquel elle voulait ajouter des remous. Elle détestait rester à ne rien faire et avait toujours envie d'aller virevolter à droite ou à gauche. Elle était persuadée que la vie était un cadeau, à la fois insensé et précieux, dont chaque seconde devait être rentabilisée.

Farah décida de se faire belle pour ce soir. Léo venait à sa soirée, et elle voulait simplement qu'il la trouve jolie. Alors elle remonta ses longs cheveux tressés en un énorme chignon pour découvrir son visage, qu'elle rehaussa d'un rouge à lèvres écarlate. Elle s'observa dans le miroir avec un petit sourire. Farah se trouvait belle. Ce soir allait être une bonne soirée.

Ses amis commencèrent à arriver petit à petit. Farah avait l'habitude d'organiser des soirées dans sa maison ; en fait, elles se passaient quasiment toujours chez elle. En plus, elle avait une piscine et ses parents n'étaient pas souvent là, un grand avantage. Farah s'était toujours sentie indépendante et était très bien comme ça.

Sa meilleure amie Anna arriva, toujours aussi belle. Elle était venue sans sa copine Zoé, qui n'appréciait pas trop les soirées. Farah lui sourit et comme à leur habitude, elles réorganisèrent à deux rapidement quelques éléments de la maison. La maison finit par être remplie par une vingtaine de personnes enjouées de se retrouver et Farah se sentit enfin à sa place, entourée de ceux qu'elles appréciaient. Farah étaient de ces personnes qui avaient besoin d'être entourées pour être heureuses. Car à ses yeux, le bonheur n'avait pas de sens s'il n'était pas partagé. Elle était de ceux qui rêvaient d'une société moins individualiste où le bonheur du groupe primerait sur celui de l'individu.

Léo était parmi la foule et Farah n'attendit pas un instant pour aller le rejoindre. Cela faisait plusieurs mois qu'ils se tournaient autour, sans que leur relation ne dépasse l'amitié. Alors que Farah craquait pour Léo, lui semblait la voir seulement comme la pote à qui il racontait ses éternelles conquêtes. Farah attendait donc avec espoir que le vent tourne un jour en sa faveur. En attendant, elle s'efforçait de se comporter comme « la bonne pote », mais n'hésitait pas à glisser des sous-entendus ambigües. Le pire, c'était qu'il rentrait souvent dans son jeu, mais jamais complètement. Voilà comment résumer ma relation catastrophique avec Léo.

« Hello ! lança Farah d'un air enjoué en posant sa tête contre l'épaule de Léo. »

Le blond était occupé à parler à deux filles et ne lui répondit même pas. Farah retint un soupir de frustration et tenta de s'immiscer dans la conversation. En vain. Agacée, elle intervint :

« Bon, alors ça donne quoi votre rentrée ?
- La rentrée quoi, on peut parler d'autre chose ? s'agaça Léo.
- Parle pas comme ça ! s'énerva Farah, un peu blessée. »

Léo l'ignora et continua sa discussion avec Lili et Adèle. Furieuse, Farah retourna voir Anna et ses amis. Elle attendait l'alcool avec impatience, histoire de relâcher ses mauvaises pensées. Elle détestait être sous pression et c'était toujours le cas quand Léo entrait dans l'équation. Elle ne saurait dire si cela faisait de leur relation une relation toxique. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle l'aimait, désespérément. Inutile de se voiler la face, Farah l'assumait pleinement.

Farah décida donc d'aller se chercher un verre de rosé, histoire de commencer doucement. Après en avoir enchaîné quelques uns, elle se sentit déjà plus légère. Elle se remit à rire pour un oui ou pour un non, comme elle en avait l'habitude. Farah était une fille joyeuse qui aimait la vie, et elle se jura de ne jamais laisser un garçon comme Léo lui enlever cette joie de vivre.

Farah dansa pendant un bon moment sur toutes les musiques possibles et imaginables. Elle avait enchaîné les verres et ne se préoccupait plus de ce qui l'entourait. Existait-il vraiment une sensation plus enivrante ?

Les gens commencèrent à se baigner et Farah les rejoignit avec enthousiasme. La soirée commençait à réellement battre son plein, et Farah était littéralement en train de vivre sa meilleure vie. Elle riait à gorge déployée avec ses amis, ses soucis oubliés. Sa tête lui tournait un peu mais c'était une sensation délicieuse.

Et puis elle sentit des mains remonter sur ses hanches. Dans un premier temps, elle se figea. C'était peut-être ridicule, mais elle sut à ce seul contact qu'il s'agissait de Léo. Soudain, son cœur se mit à battre la chamade et elle s'arrêta de rire. Et le monde s'arrêta autour d'elle, alors que Léo ne semblait pas le moins du monde troublé par ce contact physique.

Elle se retourna et se retrouva face à Léo. Il la prit par les hanches et Farah passa instinctivement ses bras autour de son cou. L'atmosphère était électrique et la musique n'était plus qu'un bruit de fond. Farah sentit son cœur battre la chamade. Sa tête tournait de plus en plus.

Et Farah le sentit. C'était le moment. Le moment de l'embrasser. Autour d'eux, tout le monde riait, personne ne prêtait attention à la bulle qui s'était créée entre eux. Elle observa les lèvres de Léo. Elle frissonna. Les yeux de Léo descendirent sur ses lèvres. Elle s'avança. Leurs lèvres se rapprochèrent dangereusement.

Et puis Léo éclata de rire en rejetant la tête en arrière, brisant cet instant unique. Même si Farah avait encore la tête qui tournait à cause de l'alcool, elle sentit un vide se creuser en elle alors que Léo lui riait au nez.

« J'ai cru que t'allais m'embrasser ! éclata t-il encore de rire. Ça va pas de faire des trucs comme ça ?! »

Farah eut l'impression de sentir son cœur se briser. Elle s'efforça de sourire mais elle rougissait. Elle se sentait gênée et nulle. Pourquoi avait-elle pensé que Léo aurait pu s'intéresser à elle ? L'espace d'un instant, elle avait vraiment pensé... Que quelque chose aurait pu se passer ? C'était peut-être bête, mais elle sentit son estime d'elle-même se dégrader brutalement à cause de ce râteau phénoménal.

Peut-être que ce fut le premier avertissement. Peut-être que c'est là qu'elle aurait dû réaliser que Léo était dangereux pour elle et qu'elle devait s'en éloigner, avant qu'il ne soit trop tard. Et pourtant, en l'observant encore, elle comprit qu'elle pourrait faire n'importe quoi pour qu'il la regarde comme elle le regardait.

Le ciel était bleuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant