Chapitre 6 : Ce sentiment qui me ronge

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Bientôt on vit le soleil décliner un peu, et les environs s'assombrir. Nathaniel était toujours endormi. Marc, pendant ce temps, avait réussi à attraper son carnet noir pour écrire ses pensées. Il ne voulait pas que ce moment tombe dans le flot infini du passé, qu'il se noie dans des souvenirs lointains devenus incertains de ses années collège : non, il voulait s'en rappeler pour toujours, cet instant où un personnage fictif avait touché l'être qu'il aimait le plus sur Terre, Nathaniel, son meilleur ami. Il voulait, par l'écriture, lutter contre le temps.

Quelques minutes passèrent. Le parc semblait, de loin, abandonné car on avait vu personne de toute l'après-midi. Peut-être est-ce une force supérieure qui a éloigné tous ces gens, se dit Marc, peut-être qu'elle m'a permis de vivre un aussi beau moment pour me donner le courage de continuer. Peut-être qu'on veille sur moi.

- Mm...

Marc sursauta ; cela faisait longtemps qu'il n'avait pas entendu une voix extérieure. Il sentit le poids sur son épaule bouger. Le bras de Nathaniel, qu'il avait laissé contre celui du noiraud, le quitta pour que les doigts du jeune homme se frottent à son œil.

- Où est-ce que je suis...? murmura Nath d'une voix faible.

- Sur mon épaule, dit bêtement Marc.

Nathaniel se redressa subitement :

- Oh non ! L'exposé ! Il est quelle heure ?!

Il était 17h11. Le dessinateur frémit et se releva en toute hâte.

- Ça craint, ça... Il faut vite que je rentre !

Marc, déçu de devoir se séparer de lui, montra un visage inquiet.

- Qui y a-t-il ?

- Je dois...

A ce même moment, une grande cage de verre sortit de nulle part et encadra l'intégralité du parc. Marc eut le réflexe de se lever et de se cacher derrière son ami. Des hélicoptères remplirent le ciel bleu comme des nuages sombres et une voix pré-enregistrée tonna :

- Alerte akuma. Alerte akuma. Restez où vous êtes le temps que Ladybug et Chat noir règlent le problème. Je répète : alerte akuma, alerte akuma...

Dans le ciel, on vit un éclat rouge et un autre noir passer ; c'était nos deux super-héros, à la poursuite du super-vilain. Cette grande cage de verre était de son fait et il en avait disposé partout autour des espaces verts, criant protéger la nature. L'akumatisé était un manifestant, contre la destruction d'espaces naturels pour construire des immeubles. Nathaniel crut se décomposer. Il se tourna vers Marc et prit un visage triste. Ils étaient bloqués ici jusqu'à une heure non définie.

- J'étais de corvée de vaisselle...

Grand silence entre les deux garçons. Devant l'air trop dramatisant de Nathaniel, Marc ne put s'empêcher d'éclater de rire :

- Hahaha ! C'est pour ça que tu voulais rentrer ?

- Ne te moque pas, dit Nath en rougissant. Maman déteste qu'on manque à ses corvées.

- Je suis sûr qu'elle comprendra ce léger contretemps.

Retrouvant son calme, Marc ramassa Le Rouge et le Noir qui était tombé dans la surprise. Nathaniel le regarda faire.

- Puisqu'on est coincés là tous les deux, dit le garçon en rouge en se retournant d'un sourire complice, autant finir ton maudit exposé.

Le rouquin fut surpris de la maîtrise de soi de son ami et l'admira. Après avoir entendu ses paroles, il lui rendit un sourire et hocha la tête :

- Tu as raison. Merci, Marc.

Ils s'installèrent alors par terre, vidant leurs sacoches pour avoir le matériel requis. Marc commença à expliquer plus en détail ce qui faisait de Julien Sorel un héros à deux facettes ; l'une romantique, sensible et fragile, et une autre plus sombre, plus froide et montrant un jeune homme prêt à tout pour arriver à ses fins. Le noiraud expliqua aussi que le titre de l'ouvrage n'était pas là par hasard.

- Le titre choisi est symbolique. Il montre à lui-même les diverses oppositions que présente ce roman. Regarde bien : Stendhal n'a pas choisi d'intituler son oeuvre Le Rouge ou le Noir, mais bien Le Rouge et le Noir. Il souligne par là toutes les dualités qu'on peut trouver : celle des deux caractères de Julien que je t'ai expliquée, mais aussi au niveau du mouvement littéraire du roman. En effet, beaucoup s'affairent à dire que Le Rouge et le Noir est un roman romantique, tandis que d'autres défendent l'idée qu'il est réaliste. En réalité, il est un parfait mélange des deux, et c'est ce qui fait aussi que cet ouvrage est si célèbre.

Nathaniel écoutait Marc parler, concentré. Son ami n'était pas aussi craintif et réservé que d'habitude. Il montrait une autre facette de lui ; une qui brûlait, s'imposait avec passion. Les seules fois où il l'avait vu comme ça, c'était lorsqu'il exposait une idée dans leur BD de super-héros. Il était toujours impressionné lorsqu'il voyait son ami comme ça. On peut même dire qu'il l'admirait.

Les explications de Marc n'étaient pas aussi décousues que celles qu'il avait l'habitude d'entendre en cours ; là, il comprenait tout. Peut-être était-ce la passion dans la voix de l'écrivain qui simplifiait les mots, peut-être était-ce le fait que c'était quelqu'un de familier qui lui expliquait. Dès qu'il bloquait sur une analyse ou un mot, Nathaniel se sentait, pour une fois, l'audace d'interrompre le flot de paroles pour de plus amples éclaircissements. Marc y répondait à chaque fois et le duo avançait bien. Le rouquin se sentait à l'aise, inspiré et ce, malgré l'agitation dans laquelle se trouvait Paris.

Tandis que Marc prenait un crayon pour écrire une petite note dans un coin de la feuille, Nathaniel regarda les cheveux noirs qui encadraient son visage concentré et se sentit rougir. Il sourit en le voyant aussi motivé, déterminé d'achever avec lui ce projet qui concernait son ouvrage préféré. Marc était vraiment beau.

Soudain, se sentant transporté par un sentiment d'audace puissant, il lui enleva Le Rouge et le Noir des mains. Il ne lui laissa pas le temps de comprendre. Il toucha le visage de son ami et le tourna vers lui.

- Nath ?

Le Rouge & le Noir - Marcaniel (MLB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant