A mille lieues sous les nuages, couché rêveur dans l'herbe, Nathaniel pensait. En cette fin de matinée de samedi, le soleil brillait d'un tel éclat qu'il amenait à lui le chant des oiseaux et la verdure de la nature ; tout comme il attisait chez certains l'esprit artistique.
Ce n'était pas le cas de Nathaniel, le célèbre dessinateur de la classe d'Adrien et Marinette. L'inspiration ne lui venait pas. Pour attirer sa muse, il s'était isolé au milieu des rayons du soleil et de la verdure de son jardin, mais en vain. Cela faisait une demi-heure qu'il était comme cela, apprenant par cœur le bleu du ciel et comptant sans vraiment retenir les rares nuages qui passaient. Depuis le SMS d'Alix qui lui apprît qu'elle était malade et qu'il ne pourrait pas venir travailler chez elle cette après-midi-là, il s'était retrouvé à devoir faire leur affiche seul, tandis qu'elle restait chez elle pour achever les recherches.
Notre garçon avait les bras croisés derrière sa nuque et rêvait encore. Il regardait le temps défiler, emporter les nuages et sentait le vent souffler. Malgré la quiétude des lieux, un maelström d'inquiétude et de stress s'épaississant dans le bas de son ventre noircissait le tableau. C'était une tâche noire qui grandissait au fur et à mesure qu'il sentait le temps passer. Cet exposé qu'il avait lundi avec Alix était très important ; Mme Bustier l'avait noté "coeff 4", un coefficient anormalement élevé, qu'elle avait mis pour valoriser l'importance de la note qu'ils allaient avoir sur la moyenne des élèves en français. En effet, c'était un exposé très important qui allaient sûrement déterminer leur moyenne de fin de trimestre en français.
Le français et Nathaniel, ce n'était pas vraiment ça. Il se perdait au milieu des mots trop compliqués des auteurs classiques, n'arrivait jamais à mettre des mots sur les sentiments des personnages lors des écrits d'inventions et avait du mal avec la grammaire de cette langue trop compliquée. Malgré la patience et la gentillesse de Mme Bustier, il n'arrivait toujours pas à s'attacher à cette matière qui était devenue pour lui une sorte d'ennemi contre lequel il savait d'avance qu'il n'était pas de taille. Alors il préférait se cacher derrière Ivan, tout au fond de la classe, et se consoler en dessinant, au son de la voix de la belle professeure qui transportait des mots et des analyses complexes qu'il ne comprenait pas.
- Nathaniel ?
Il se redressa maladroitement, la veste froissée et des feuilles dans les cheveux. Il se tourna vers sa mère qui apparaissait dans l'encadrement de la porte :
- Rentre maintenant, on va bientôt manger. Tu as fini tes devoirs ?
Nathaniel s'apprêta à répliquer qu'avoir fini ses devoirs un samedi matin était une idée bien présomptueuse de mère ; mais il se tut.
- Presque.
- Tâche d'avoir fini avant ce soir surtout. J'ai vu, tu as eu 12 en mathématiques ? C'est bien, mais tâche de faire mieux la prochaine fois, hein ?
- Oui, maman.
La mère Krutzberg sourit tendrement à son fils et vint jusqu'à lui pour déposer un baiser sur son front. Nathaniel sentit les effluves de son parfum.
- Désolée de t'embêter avec tes notes. Tu sais que ton père et moi t'aimons, mon chéri. Nous voudrions que tu aies un bel avenir devant toi.
Un peu gêné, le jeune homme hocha la tête et remercia sa mère. Elle lui rappela encore de rentrer manger, le sourire aux lèvres, et disparut du jardin. Nathaniel soupira et leva à nouveau les yeux vers le ciel. Bien sûr, il était touché que ses parents se soucient autant de lui. Il avait toujours reçu beaucoup d'amour et malgré la pression scolaire, son père et sa mère étaient toujours restés indulgents avec ses difficultés en français ; ils continuaient de l'encourager du mieux qu'ils pouvaient. Et Nathaniel était assez mature pour ne pas s'énerver contre l'autorité parentale.
Et pourtant, parfois, il en avait assez... Il voulait juste tout lâcher, se contenter de dessiner, de faire sa BD avec Marc, de simplement "vivre" comme il l'entendait. L'avenir, les études, les bonnes notes, tout cela lui était égal au fond, et il ne travaillait que pour satisfaire ses parents. En permanence sous pression, il lui arrivait même de s'énerver avec ses proches, comme s'il perdait patience et se laissait envahir par le poids qu'il avait sur les épaules, rejetant injustement la faute sur ceux qui l'aimaient. C'était parfois difficile, et il n'en parlait pas à ses parents.
Il jeta un œil à côté de lui. Gisant dans l'herbe, sa pochette de dessin, son crayon et sa feuille de consignes brillaient au milieu des rayons du soleil, comme un appel. Nathaniel prit la feuille de consignes et la relut une énième fois. L'exposé portait sur le célèbre ouvrage de Stendhal, Le Rouge et le Noir. Alix et lui s'étaient mis d'accord sur le fait qu'elle s'occupait des recherches et les enverraient à son coéquipier en fin de journée, afin qu'il les recopie sur l'affiche ornée d'un magnifique dessin fait de sa plume. C'était ce qui est convenu.
Mais Nathaniel n'y arrivait pas.
VOUS LISEZ
Le Rouge & le Noir - Marcaniel (MLB)
FanficLe Rouge et le Noir est le nom du célèbre ouvrage d'Henri Beyle, dit Stendhal, paru en 1830. Il est aussi le livre de chevet de Marc Anciel et l'ennemi juré de Nathaniel Krutzberg. Malicieux, l'ouvrage regarde du coin de l'œil se mêler ensemble deux...