Chapitre 2 : Le Rouge

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A nouveau il créa une barrière qui l'isola de la réalité. Il s'assit sur son lit et prit le roman posé sur sa table de chevet, Le Rouge et le Noir de Stendhal. Il contempla la couverture avec profondeur. Me voilà comme Julien Sorel, se dit-il. Objet du mépris de tous, rejeté de son père et de ses frères, avec pour seule compagnie ses livres et ses pensées.

Il sourit tristement en caressant le roman. Il s'était toujours identifié au héros romantique du roman signature de Stendhal. En premier pour sa physionomie ; comme lui, Marc était un "petit jeune homme faible en apparence" et très mince, avec des traits si délicats qu'on le prenait souvent pour une jeune fille déguisée. "Il avait les joues pourpres et les yeux baissés", tout comme "ses grands yeux" verts "annonçaient dans les moments tranquilles de la réflexion et du feu".

Marc aimait également se croire concerné par la phrase "Une taille svelte et bien prise annonçait plus de légèreté que de vigueur."

Il se reconnaissait aussi avec tristesse dans celle-ci ; "Dès sa première jeunesse, son air extrêmement pensif et sa grande pâleur avaient donné l'idée à son père qu'il ne vivrait pas, ou qu'il vivrait pour être une charge à sa famille."

C'était bien vrai ; en plus d'avoir la peau extrêmement pâle, il était le dernier de la maison et le moins costaud. Son père était un de ces hommes grands et bardés de muscles, vieux et très exigeant, attaché aux métiers physiques. Il n'y croyait pas lorsqu'il eût appris, à la naissance, que ce frêle et si petit nourrisson était un garçon, tandis qu'à l'accouchement des autres il avait vu ses fils aînés déjà bien costauds et solides.

Au niveau de la personnalité, Marc était sensible et timide. Malgré ses pensées bien marquées et ses réflexions intenses et intellectuelles, il devenait tout honteux lorsqu'on lui adressât la parole et baissait les yeux. Il était malgré tout très intelligent et avait, au collège, quinze de moyenne générale sans faire d'efforts -en réalité, si elle était si basse, c'était à cause des mathématiques. Contrairement à ses frères, sa force résidait dans ses connaissances et sa sensibilité.

Marc reposa l'ouvrage de Stendhal et reprit le sien, inscrit dans son carnet noir dans lequel il écrivait aussi l'histoire qu'il faisait avec Nathaniel. Il ouvrit la première page et lut "Le Journal de Ladybug, Marc Anciel". Quand il y repensait, c'était en voyant les dessins du rouquin qu'il avait eu cette idée-là. Et également suite à l'écriture de ce "journal" qu'il s'était fait akumatisé en Inverso suite à un malentendu crée avec Nathaniel et Marinette.

Il ouvrit ensuite son carnet à la page du premier chapitre de l'histoire des jumeaux. Il caressa ses paragraphes au stylo. C'était Nathaniel qui lui avait donné le courage de se lancer dans une nouvelle histoire. Cela remontait à une confidence que le jeune écrivain lui avait faite autrefois, le fait qu'il avait toujours rêvé d'avoir une sœur jumelle. Parmi tous ces hommes, il aurait aimé qu'une fille lui tienne compagnie, le soutienne dans chaque moment de sa vie et invente des jeux avec lui lorsqu'il se sentait seul. Si Marc avait eu une sœur, il l'aurait aimée de tout son cœur.

Voilà de quel sentiment était partie cette histoire.

Marc ramena à lui son esprit vagabond et se rappela qu'il était, à cet instant, seul chez lui. Les autres étaient dans la grange et sûrement occupés pour un moment. Midi approchait et son père allait sûrement proposer à ses fils d'aller manger au bar, chose que Marc ne pouvait pas faire en raison de son jeune âge. Il allait donc être tout seul pour une bonne partie de la journée. Il se leva et se dépêcha d'écrire un petit mot. "Je vais chez un ami, je reviens vers 18h.", écrit-il de sa belle écriture un peu penchée. Ce n'était pas vrai car il ne voyait pas Nathaniel aujourd'hui, il était parti chez Alix pour un devoir de classe. Mais, bien que son père ne s'inquiétait jamais de lui, il faisait cela pour sa mère qu'il n'avait pas connu et qu'il espérait plus chaleureuse, plus protectrice. Il se disait avec naïveté que si elle revenait un jour, peut-être celui-là, elle serait heureuse de savoir où il se trouve.

Il prit donc une sacoche dans laquelle il y glissa son carnet noir, qu'il emmenait absolument partout, son portefeuille avec un peu d'argent, son portable et, après un peu d'hésitation dû au poids de l'ouvrage, Le Rouge et le Noir. Il mit ensuite la capuche de son fidèle sweat rouge pour bloquer la chaleur des rayons contre son cuir chevelu. Il avait pour projet d'aller manger dans un petit café de Paris fort agréable, qu'il connaissait grâce à Marinette et à ses savantes connaissances en bons petits coins de restauration. Marc allait profiter de ce déjeuner pour être en tête-à-tête avec Julien Sorel, seul invité à sa table. 

Il irait ensuite au parc, celui-là même qui lui chuchotait un doux nom lorsqu'il venait s'y détendre : le nom de Nathaniel.

Le Rouge & le Noir - Marcaniel (MLB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant