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Quelques minutes plus tard, le précepteur revient accompagné d'un homme en toge brune à l'aspect riche et soyeux, ce qui me donne envie de le frapper, lui et son regard méprisant. On me passe les menottes autour des poignets, on me jette vers l'avant en direction de la salle de tribunal. Tout s'enchaîne si vite, j'ai l'impression d'être prise dans un tourbillon infernal. Dire que quelques heures plus tôt, j'étais encore en train de m'entraîner à la salle de sport avec Caleb, avec pour seul problème de récupérer la garde des jumeaux. Maintenant, je suis résignée à mon sort : nous savons tous ce que le Gouvernement réserve aux traîtres supposés dans mon genre.

Au fond, je préfère mourir en étant vue comme une traîtresse héroïque, même si je ne le suis pas, que de dépérir dans la maison familiale, les poumons pleins de cendres et de vapeurs radioactives. C'est la tête haute et le visage clos que je pénètre dans la salle d'audience, encadrée du précepteur et du magistrat en toge marron.

Face à moi, la salle est remplie, et tout le monde se tait en me voyant arriver au sommet des escaliers. La richesse du marbre sous mes pieds me révulse, mais je conserve un air digne, m'empêchant de penser à Iris et Sery qui se réveillent chaque matin dans des lits aussi miteux que le mien. Les chuchotis reprennent lorsque je suis assise derrière la barre. Le juge n'est autre que le soldat gouvernemental. Karie se tiens debout près de son père, la main posée sur son coude, le visage sérieux. Tout dans sa posture respire la trahison, et mes mains me démangent d'aller lui enserrer la gorge. Si seulement ces bracelets de plastique ne m'arrachaient pas la peau à chaque mouvement.

Le précepteur me pousse brutalement dans un carré de verre, et ferme soigneusement la porte en détachant mes menottes. Je me retrouve coincée dans ce cube transparent, à la vue de tous, encore en jogging de sport, le visage blême et les cheveux défaits. Je sais que mes iris brûlent d'une rage à peine contenue, et j'imagine que je dois vraiment avoir un visage de trafiquante à l'instant même.

- Mademoiselle Céles Danaé Blum. Vous êtes ici devant le tribunal chargé de décider de votre sentence. Vous êtes accusée d'avoir été surprise dans un lieu interdit au public par le Gouvernement, armée d'un lance-pierre et dans une attitude agressive. Vous êtes accusée d'appartenir au réseau de trafiquants qui sévit dans la caste depuis maintenant plusieurs mois.

Il s'interrompt, prenant visiblement son rôle très à cœur.

- Réfutez-vous ces accusations ?

Je hoche la tête pour signifier une affirmation. Un murmure de stupeur balaye l'assemblée présente.

- Vous réfutez avoir été trouvée ce matin dans la carrière de Downtown par le soldat gouverneur de cette caste ? me menace le père de Karie.

Son ton gronde. La tension est à son paroxysme, et je décide d'abattre mes maigres cartes.

- Aucunement, monsieur. Cependant, je n'appartiens pas aux S... au réseau parallèle, me rattrapé-je au dernier moment.

Karie plisse les yeux, et je devine qu'elle a perçu l'hésitation de ma voix. Je peste intérieurement contre mon franc parler irréfléchi.

- Je ne suis pas une rebelle conspirationniste anti gouvernementale.

Ces mots font frissonner une bonne moitié du public, et je sens leurs regards scrutateurs peser sur mes épaules.

- Possédez-vous des preuves de ce que vous avancez ? demande Karie.

- Et vous ? en possédez-vous ? répliqué-je, acerbe.

Ma remarque fait mouche, et elle pique un fard. Le rouge tranche avec sa peau pâle et fait ressortir le vert de son regard reptilien.

CAPSULEWhere stories live. Discover now