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Il est minuit dix lorsque je regagne le sentier qui mène à ma maison. Les lumières n'ont pas été allumées dans le salon, pour ne pas alerter les habitants au cas où certains ne dormiraient pas, mais une légère lueur orangée vibre dans la chambre. Je me hâte vers le palier et entre dans la pièce principale. Mon cœur saute de joie en apercevant Iris et Sery allongés sur le canapé éventré, plongés dans leur royaume de rêves. Landers est installé sur une chaise à leurs côtés, la tête ballante posée sur le dossier, ses ronflements emplissant la pièce. La seule personne éveillée de la maison est Atton, en train de s'affairer autour de trois sacs marins positionnés sur la table de la cuisine. Je n'ai jamais vu de besace si large, puisque les seuls sacs à dos que ma famille mettaient étaient les sortes de gibecières réglementaires à petit contenant.

Je m'approche de lui, et il paraît soulagé de me voir. De légers cernes violacés s'étalent sous ses yeux bruns aux longs cils.

- J'ai eu peur que tu ne reviennes pas à temps, ou que quelqu'un t'ai découverte en train de vadrouiller de nuit, me dit-il en fourrant les vêtements des jumeaux dans un sac bleu.

- Rien à signaler, répliqué-je.

Je marche à pas de souris jusqu'au placard de la chambre ouvert, et sélectionne des habits pratiques pour Iris et Sery.

- Tout s'est bien passé ? demandé-je, inquiète.

- Comme sur des roulettes, valide Atton. Les jumeaux étaient dans une chambre au rez-de-chaussée, parmi les premières, et les employés étaient affairés dans la pouponnière donc personne n'a rien vu. Ils ne remarqueront même pas leur disparition.

- Tant mieux.

Je le rejoins, deux pulls chauds entre les mains. Je ne sais pas vraiment quel temps il fait, au gouvernement.

- Il pleut beaucoup à la capitale, n'oublie pas les K-Way, me signale Atton. Ils sont dans le troisième rangement sur la droite, je crois.

Je le sais pertinemment, puisque je ne peux m'empêcher chaque matin depuis deux semaines de regarder ces vêtements d'enfants pour me donner la motivation de vivre. Mais je me tais, et regroupe les affaires essentielles des petits. Bientôt, le sac marin est plein et complet.

- Je crois que c'est tout pour les jumeaux. Tu devrais faire ton sac, je m'occupe du mien.

- Vous avez ramené vos vêtements, avec Landers ? m'enquis-je.

- On est passé les chercher sur le chemin de l'orphelinat, m'apprend-il.

J'acquiesce et sélectionne un sous-pull blanc, une tenue de sport brune sertie du fameux neuf de la caste, ainsi que deux pantalons noirs simples. J'ajoute un polo anti-pluie, puis referme le tout avec un soupir de satisfaction. Mon estomac choisit ce moment de silence pour gronder avec vivacité.

- Tu n'as pas mangé, en prison ?

- Non, avoué-je.

- Tu as bien fait. Ils mettent des calmants dans la bouillie de poulet, soupire Atton.

Mes yeux s'écarquillent. Belle stratégie du gouvernement pour conserver son honneur intact et faire progresser les affaires.

Atton prend une pomme dans une de ses poches, l'essuie contre son pull de juge, et me la lance. Je l'attrape au vol et mord dedans comme une affamée.

- Même les jumeaux ont été mieux nourris que toi, souligne Atton avec un sourire.

- Je n'ai pas eu sous la dent quelque chose de tangible depuis une semaine, dis-je, contrite.

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⏰ Last updated: Mar 04, 2019 ⏰

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