Chapitre Un: Contextualisation

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Ce matin-là, le réveil sonnait pour la rentrée des classes. J'étais encore sous le coup du jet lag, cette fatigue extraordinaire qui vous tombe dessus lorsque vous passez une semaine à Vancouver, puis une aux Bahamas, puis une à Paris, puis une autre en Andalousie. Ouaip. Vous venez d'avoir un résumé de mon mois d'août.

Ma non-envie de quitter mon lit vient de ma flemme de retourner en cours ou de mon besoin de repos après trois jours seulement depuis mon retour en Corée du Sud?, me demandai-je en extirpant mon mètre soixante-dix-huit de mon lit anthracite.

En frottant mes yeux, puis en laissant ma main glisser le long de mon torse nu pour rejoindre mon boxer dissimulé par mon jogging, je me traînai devant la porte de mon dressing entièrement recouverte d'un miroir. Mon reflet aux cheveux de jais se grattait les parties intimes en baillant, puis sa main rejoignit la mienne contre le miroir pour faire coulisser la porte vers la droite, dévoilant une large pièce où était rangée une armada de tenues dont le tissu portait souvent la griffe d'un créateur.

Mon choix se porta sur un jean délavé que je pris soin d'ourler aux chevilles, un t-shirt noir et un sweat à capuche rose. J'emmenai le tout à la salle de bain qui se trouvait face à ma chambre, et le froid du carrelage joliment orné me fit parvenir un frisson au niveau de l'échine. Je m'empressai donc de prendre ma douche et de me sécher les cheveux façon brushing face au grand miroir entouré de LED qui surplombait la vasque du lavabo. Étant quelqu'un d'assez soigné, je m'assurai qu'aucune de mes mèches ébène ne soit placée au mauvais endroit sur mon cuir chevelu. Comme beaucoup de sud-coréens, j'accordais une certaine importance à mon apparence. C'est pour cela qu'après avoir soigné ma peau à l'aide de diverses lotions et crèmes, j'agrandis mon regard à l'aide d'un peu d'ombre à paupière couleur sable au coin de mes yeux en amande.

Je descendis ensuite avec mon sac de cours les 20 marches qui me séparaient du rez-de-chaussée, et me rendis compte en souriant ironiquement qu'un papier griffonné à la va-vite m'attendait sur le marbre du plan de travail de la cuisine aménagée.

"Parti en Australie pour qq jrs. Sais pas qd je reviendrai, grosse négos en cours pour le laboratoire. Comme d'hab', sois top 3 de l'académie cette année au niveau notes. Serai intransigeant là-dessus."

La signature de mon père décorait le coin inférieur droit du Post-It, comme s'il avait simplement signé un chèque de plus. D'ailleurs, en parlant d'argent, une enveloppe épaisse était jetée en vrac sur la table basse du salon, avec une nouvelle note jaune décorée de l'écriture de mon père: "Prends en soin. Prends ça en gage d'excuses pour mon départ précipité."

Comme d'habitude de toute manière, pensai-je en rangeant la liasse de billets dans mon portefeuille de cuir, lui-même fourré dans mon sac à dos. La seule pensée qui me réjouissait en ce jour de rentrée était mon envie de retrouver ma bande de potes de l'équipe de basket du lycée. Nous nous étions bien rapprochés lors de mon année de seconde et nos charmes nous avaient vite propulsés au sommet de la pyramide hiérarchique cruelle du lycée. Notre cote de popularité vertigineuse nous avait encore soudée, et mes camarades de classe et moi avions formé la « Bangtan Team », « l'équipe pare-balle » en traduction littérale. En effet, notre équipe sportive lycéenne s'était faite remarquer lors des championnats inter-lycée et notre cohésion nous avait permis de faire partie des meilleures équipes junior de basket du pays.

Ce fut avec un demi sourire camouflé par un masque en tissu noir que je sortis de chez moi, capuche rose vissée sur la tête et écouteurs dans les oreilles. Le lycée était à une trentaine de minutes à pied de chez moi, et je n'avais pas la tête à converser avec mon chauffeur ce matin.

Mon anonymat étant quasi garanti le temps du trajet, j'ai donc le temps de vous raconter un petit peu ma vie avant d'arriver au bahut !

Donc... Vous ne connaissez pas encore mon identité. Vous la saurez bien assez tôt. Mon père co-dirige un laboratoire pharmaceutique, que mon grand-père a fondé. La dynastie classique digne d'un drama. Ma famille fait donc partie des 10 plus grandes fortunes de Corée du Sud, j'ai accès aux plus somptueuses des réceptions depuis que je sais marcher, et j'ai une famille désespérément absente ou toujours en vadrouille aux quatre coins du monde, en témoigne le post-it décrit plus haut.

En plus de la bonne famille, de l'éducation typique du parfait bourgeois, et de la célébrité qui va avec, il a fallu que je sois né avec un joli physique, qui correspond en tout cas aux standards exigeants que la société de mon pays s'est fixée. Ce qui me donne donc le titre de « prince de la Bangtan Team » et de mon lot de - Attendez, je les entends déjà.

Je levai les yeux au ciel en soupirant intérieurement. A à peine 100m du lycée, mon lot de groupies m'attendait avec une myriade de sourires mielleux et de voix criardes espérant attirer mon attention, comme je voulais le dire avant que le court de mon récit ne soit interrompu par un égosillement d'une seconde qui rencontre son "idole".

Soudainement, je me retrouvai poussé en avant par une blonde décolorée qui courait comme une dératée et qui s'était ensuite rattrapée à la manche de mon sweatshirt.

La fille ne m'adressa ni un regard, ni une excuse et se précipita vers le bahut, skate sous le bras, t-shirt noir long, chemise à carreaux rouge et noire nouée autour de la taille, et short en denim mettant en valeur des formes que je ne m'empêchai pas de reluquer tant que je le pouvais.

Je la reverrai bien assez tôt pour lui faire comprendre qu'on ne me pousse pas impunément.

Je devais répondre aux filles qui scandaient mon nom devant le lycée et qui me demandaient comment s'étaient passées mes vacances, si j'allais bien, si j'avais vu tel ou tel article paru sur ma personne, si je voulais qu'elles aillent "défoncer la pouffe qui a osé me pousser sans MÊME dire pardon non mais c'est un scandale attends d'où elle t'approche celle-là"...

Je vous abandonne le temps de répondre et de retrouver mes meilleurs amis dans ce dédale.

Sous le masque. (BTS Fiction) [Acte I Terminé - En Réécriture.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant