Chapitre Treize: Retour à la réalité

57 8 0
                                    

PDV Jungkook :

Les rayons du soleil me tirèrent difficilement d'un sommeil qui avait été plutôt perturbé. J'ouvris un œil en grognant. J'étais entièrement nu, sous un drap qui ne portait pas mon odeur. Je humai l'oreiller sur lequel reposait ma tête, reconnaissant un parfum féminin et des effluves d'un je ne sais quoi que j'avais pu sentir tout au long de la nuit, sans parvenir immédiatement à le reconnaître.

Si, ça me revient, doucement... Ouch, ma tête... Je ne suis pas chez moi...

Je tâtonnai à mes côtés. Mes doigts n'agrippèrent que le vide du tissu blanc. Je grognai de nouveau en me redressant, les deux yeux mi-ouverts cette fois. La chambre de taille modeste dans laquelle je me trouvais était meublée d'un bureau, d'une armoire et du grand lit double, blancs, et assortis subtilement aux murs bleu pastel. Des posters et des photos décoraient les murs et apportaient des couleurs vives dans cette pièce à l'ambiance feutrée. Dans un coin, une pile de vêtements était en boule. Une chemise bleue. Un pantalon noir. Une robe rouge...

Une voix de femme m'interpella pour me tirer de ma quête d'indices quant à ce que j'avais bien pu faire cette nuit.

« Jungkook ? Tu es réveillé, enfin~. Je t'apporte le petit déjeuner au lit, servi comme un prince.

-Merci...

J'allai droit au but, j'étais frustré de ne pas me souvenir du contenu du trou noir qu'avait été ma nuit d'anniversaire.

-Dis-moi... Cette nuit, on a-

Robe Rouge, qui ne la portait d'ailleurs plus, pas plus qu'un autre vêtement, lut dans mes pensées puisqu'elle finit ma phrase.

-On a fait l'amour, oui. Et pas qu'une fois... Ah la la, j'en suis encore engourdie... Heureusement que j'avais de quoi nous protéger, parce que tu en redemandais, Jungkook... »

La fille entièrement dévêtue, l'air songeur, posa le plateau qu'elle avait soigneusement préparé sur mes genoux. Visiblement, elle avait bien profité de sa nuit, à en juger par son expression, les traces violacées sur sa peau d'albâtre, et ses cheveux en bataille. De mon côté, ma conquête n'avait pas été suffisamment marquante pour que je vous en détaille les souvenirs ici. De toute manière je ne me souvenais pas de grand-chose... Pas même de son prénom.

Bon... Au moins je l'ai rendue heureuse ?

Je déjeunai dans la chambre de Robe Rouge pendant qu'elle prenait sa douche. Je me rhabillai avec ma tenue de la veille.

Tant pis, j'irai au lycée avec.

Elle n'était pas sortie de la salle de bain quand je posai sur la table de sa cuisine un petit mot accompagné de billets, tout droit sortis de la cagnotte offerte par mon paternel la veille.

Robe Rouge ne verrait ma note que lorsqu'elle sortirait de sa douche, une demi-heure après mon départ. J'avais pris soin de ne pas la signer, pour ne pas laisser de trace écrite de mon identité à Robe Rouge.

[Merci pour cette nuit, et pour ce matin. Je dois retourner chez moi. Au plaisir, miss. 😉 L'argent est pour que tu te taises si des journalistes te posent des questions. Je saurai te coller des avocats au derrière si tu balances avec qui tu as passé la nuit...]

Avant que le lycée n'ouvre ses portes, j'eus finalement le temps de repasser par chez moi pour prendre une bonne douche et avoir une tenue un peu plus conventionnelle pour les cours. Pour mon plus grand bonheur : j'aurais été bien contrarié si j'avais dû passer la journée avec des vêtements qui n'avaient leur place que dans une boîte de nuit.

J'avais mis une de mes tenues favorites : jean troué au niveau des genoux, t-shirt blanc uni et veste de cuir noir, tous de marque.

J'aurais bien remis mon sweat rose, mais bon... Je ne sais pas ce que j'en ai fait. Rhah, et réfléchir me fait mal à la tête. Je hais les gueules de bois.

La tête dans les nuages, je passai les grilles du bahut et retrouvai dans la cour le chêne bicentenaire, qui était un peu mon QG. Je mis mes écouteurs avec ma playlist favorite, fermai les yeux, et plongeai dans un sommeil léger. Celui dans lequel les masques tombent, et où l'on retrouve sa vraie personne. Celle que l'on ne montre pas aux autres.

||Sous mon masque.||

Et voilà. Maintenant que je dors, mes barrières mentales tombent, et vous avez maintenant accès à ma personnalité réelle... Ou pas ?

Dans mon subconscient, c'est un peu comme dans mon dressing. Sauf qu'à la place des innombrables tenues qui feraient pâlir de jalousie n'importe quelle fashion victim, on trouve dans mon cerveau une multitude de masques. Ils ont tous mon visage. Mais lorsque j'en revêts un, ma personnalité change d'un extrême à l'autre. Détrompez-vous, je ne suis pas comme Hoseok, je ne suis atteint d'aucun trouble mental. Mais je dois adapter ma persona en fonction de qui se trouve en face de moi.

J'ai des dizaines de masques à porter, c'est pour cela que je suis le protagoniste de cette histoire. Vous l'avez compris, peut-être, mais le masque que je porte au lycée est celui du stéréotype de héros de série américaine pour adolescentes. L'équation est simple : je suis beau, je suis sportif, j'ai une bande d'amis populaires pour leur apparence également, et pour couronner le tout, je suis célèbre. Mélangez tout ça et vous obtenez le garçon parfait. Aux yeux des autres lycéens.

Je fais tout pour correspondre aux attentes implicites de mes camarades. Je m'entraîne dur au basket, je me permets d'être légèrement insolent envers l'autorité et dédaigne parfois les cours, je prends soin de mon apparence, j'écoute les dernières musiques tendances bien fort dans la cour de récréation, et je souris le plus souvent possible. Je suis amical, je fais rêver les filles et certains garçons, j'accorde du temps à chacun. J'écoute patiemment, sans m'étendre en retour sur ma vie.

On me questionne souvent sur mes goûts en matière de musique. Mes pairs cherchent ainsi à se rapprocher de moi, à se trouver des artistes communs à écouter, comme si la musique était le seul lien qui me permettait de sélectionner mes amis proches. Alors je mens. Je me renseigne sur les tops musicaux des gens de ma tranche d'âge et je balance, au hasard, deux ou trois noms de chansons que «j'écoute en boucle en ce moment, parce que j'adore le rythme ou les paroles».

Sauf que... La vérité, c'est que dans mes écouteurs, ce n'est pas le dernier hit de pop américaine qui envoie ses notes dans mes tympans. C'est de la musique classique. Ma préférée. Mais ça... Personne ne le sait.

Peu de compositeurs ont de secret pour moi. Debussy, Chopin, Schubert, Grieg, Tchaikovsky, Liszt, Bizet, Verdi, Vivaldi, Haydn... Et les plus connus, Mozart, Bach et Beethoven... Le morceau qui passe d'ailleurs actuellement dans mes oreilles est une pure merveille, léguée par le dernier compositeur que j'ai mentionné : «Symphony No 7 in A major, Op.92 : II. Allegretto». C'est comme ceci que j'aime commencer mes journées, avec des accords de piano, de violon et autres instruments que Yoongi connaît bien mieux que moi.

De par mon éducation, plus jeune, j'ai pu entendre résonner dans la villa les morceaux de ces compositeurs de génie. Et je m'en suis fait ma passion secrète. Je ne suis pas que le basketteur bourrin et dragueur qui passe son temps à sécher les cours pour rien. Enfin... Pas toujours. Le noyau dur de ma personnalité, que je n'expose à personne d'autre que moi, est fait d'une grande sensibilité à la virtuosité des musiciens d'orchestre. Je suis parfois ému jusqu'aux larmes en écoutant « Rêverie » de Debussy. La chanson de Solveig, de Grieg, me plonge dans un état de béatitude lorsque je laisse ses notes s'envoler dans ma chambre.

Cependant, au lycée, je dois porter le masque du lycéen à la vie parfaite et aux goûts standards, communs à la majorité de mes camarades. Mon quotidien est de faire croire que je ne connais rien à ces morceaux poussiéreux et oubliés des jeunes, alors que les plus belles des musiques sont, à mon sens, celles qui n'ont pas besoin de mots pour transmettre leurs émotions et leurs messages. Je ne peux donc pas laisser quiconque découvrir que je préfère délaisser les morceaux de rap anglophone au profit de l'harmonie subtile d'un orchestre symphonique. Ca ne collerait pas au personnage que j'interprète au quotidien au lycée.

Donc, le quotidien de Jeon Jungkook, au lycée, c'est de porter le masque de sportif venant d'une famille aisée, un peu dragueur, et aux goûts musicaux conventionnels pour un adolescent de dix-sept ans.

Mais tout ça... Personne ne le sait. A part vous, maintenant.

||Fin de mon masque... D'un de mes masques.||

Sous le masque. (BTS Fiction) [Acte I Terminé - En Réécriture.]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant