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Élise rangeait ses devoirs dans son sac à dos lorsque son père entra dans sa chambre.

-Qu'est ce que tu fais? lui demanda-t-il.

-Je vais passer l'après-midi avec mes amis au parc, lui répondit-elle sans même lever les yeux vers lui. Ça pose un problème?

-Non ce n'est pas un problème. Mais je préfèrerais que tu m'en parles d'abord. On ne te vois plus à la maison, tu ne manges plus avec nous et ta sœur a besoin de toi...

Elle ferma son sac d'un geste sec et le jeta sur son épaule avant de planter ses yeux dans ceux de son père.

-Arrête d'utiliser Léa contre moi. Je suis la seule à m'intéresser vraiment à elle depuis longtemps. Si elle est triste ce n'est pas parce que je ne suis plus là mais parce que maman n'est plus là. Alors arrête de rejeter ta culpabilité sur moi car, après tout, ce n'est pas moi qui conduisait cette voiture.

Ne lui laissant pas le temps de répondre, elle sortit de la chambre, le bousculant d'un coup d'épaule au passage. Elle avait été injuste et elle le savait mais ça lui importait peu.

Elle se dirigea dans la cuisine, prépara un sandwich qu'elle enfouit dans son sac tout en faisant attention de ne pas les écraser.

Elle ne s'attarda pas plus longtemps dans cette maison qui la mettait mal à l'aise et sortit.

En descendant les trois marches de sa porte d'entrée, elle se sentit épiée. Un frisson parcourut son échine et elle s'arrêta quelques instants pour observer les environs. La rue était déserte et la seule personne présente était le nouveau jardinier de son père qui ratissait les feuilles un peu plus loin. Un second frisson la secoua quand elle repensa à leur rencontre de la veille.

Elle sauta finalement la dernière marche et s'élança vers la rue avant qu'il ne la vit.

Elle allait traverser la route pour attendre devant la grande bâtisse d'Emmy mais avant qu'elle n'ait posé un pied sur le bitume, la porte d'en face s'ouvrit violemment. Son amie sortit en tapant des pieds à chaque pas, suivie de sa mère qui s'élançait juste derrière elle.

-J'aimerais que cette insubordination cesse, jeune fille! criait-elle. Tu n'en fais qu'à ta tête depuis beaucoup trop longtemps et je peux t'assurer que la pension te pend au nez!

Emmy se retourna violemment vers sa mère.

-Enfin une bonne nouvelle! Je finirais loin de cette famille de tarés!

Piquée au vif, la femme eut un mouvement de recul mais ne répondit pas, se contentant de regarder sa fille descendre les dernières marches du perron et se diriger vers sa voiture. Son regard se dirigea alors de l'autre côté de la rue et se posa sur Élise. Une expression de dégout déforma son visage et elle referma sa porte dans un geste brusque.

-Alors tu viens? lui lança Emmy depuis la fenêtre de sa voiture, un grand sourire plaqué sur le visage.

Elle traversa finalement la route et embarqua dans la petite coccinelle jaune.

-Désolée pour le spectacle, lui dit son amie en démarrant. C'est juste que ma mère est une vrai sorcière. Elle veut faire de moi une petite princesse pourrie gâtée qui se dandine dans des robes de bal du moyen âge à longueur de journée et qui utilise des expressions issues d'une langue depuis longtemps disparue tel que "très chère"... Bientôt j'apprendrais que je suis promise à un homme depuis notre naissance, je ferais des courbettes à tout va et je glousserais comme une dinde quand quelqu'un ferra une blague sur "les gens du peuple". "Et qui sont ces jeunes délinquants que tu fréquentes, ça ne va pas du tout, notre réputation risque d'être entachée par ta faute. Il faut que tu te ressaisisses ma fille. Et mets des vêtements décents avant de sortir et non pas cette salopette de fermière... gniagniagnia", termina-t-elle d'une voix nasillarde.

De l'autre côté du voileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant