18.

73 10 0
                                    

Torres rejoignit le rez-de-chaussée. Le commissariat de Tian ressemblait à n'importe quel commissariat. Les bureaux des officiers plastifiés avec des appareils. L'endroit qu'il considérait comme son sanctuaire était pour la plupart du temps imprégné d'odeur de cigarettes avec des poubelles qui trainaient partout. Tous les policiers n'étaient pas organisés mais il aimait ces lieux. Parce qu'ils renvoyaient à la vraie nature du métier de policier, celles des rues, du dehors. Ces locaux ne constituaient que l'antichambre de la vocation policière, sa grotte.

C'est alors qu'il l'aperçu, assise derrière le bureau d'un officier et vêtue d'un pull de gendarme marine. En un frisson, il se revoyait de nouveau enfermer dans la chambre de la première victime avec elle.

-Je pensais que vous serez rentrée chez vous après les prélèvements sur le terrain avec la police scientifique.

Noëlle Reigns dressa ses yeux bleus.

-Je dois signer ma déposition pour cette nuit. C'est la première fois. Ne comptez pas sur moi pour trouver le troisième corps.

-Le troisième corps ? Vous pensez qu'il y aura d'autres meurtres ?

-Pas vous ?

La jeune femme du apercevoir l'expression triste du commissaire. Elle souffla :

-Excusez-moi. Je m'exprime mal quand je suis fatiguée.

En disant cela, elle pointa du doigt la chaise devant lui, incitant Torres à s'assoir. Torres s'exécuta, épaules tendus et mains jointes.

-Je voulais vous remercier, murmura t'il entre ses dents. Vous m'aviez été d'une grande aide.

-J'ai joué mon rôle de légiste.

-C'est vrai. Mais vous m'aviez aidé à trouver un nouveau corps.

L'expression de Noëlle changea d'un coup. La bande de la police scientifique revenait déjà de la scène de crime et sillonnaient les couloirs. Elle demanda :

-Où en êtes-vous ? Je veux dire dans l'enquête ? Les actes sont trop tordus.

Torres essaya de sourire mais son visage était crispé.

-Nous n'avançons pas. Tout ce que je sais, c'est ce que je sens.

-C'est-à-dire ?

-Je sens que ce deuxième meurtre veut tout simplement masquer le mobile du premier meurtre. Ce n'est pas un tueur qui frappe au hasard. Il est précis, rationnel et veut faire passer ses deux meurtres pour une série.

-Quel genre de mobile ?

Le commissaire observa Noëlle et semblait réfléchir à la question.

-Je ne sais pas. Pas encore.

Le silence s'imposa entre eux et Torres se souvient qu'il devait aller rendre une visite à sa suspecte préférée. Il n'avait pas eu une seconde à lui depuis qu'il avait quitté la doctoresse hier. Noëlle demanda tout à coup :

- Depuis combien de temps êtes-vous dans la police ?

-Une quinzaine d'années.

-Qu'est-ce qui vous a motivé dans ce choix ? L'arrestation des méchants ?

Torres sourit, cette fois avec franchise.

-Ce type d'objectif, vous savez, ça se perd très vite. D'ailleurs la justice et tout le bla-bla autour ne m'a jamais branché.

-Alors quoi ? La sécurité de l'emploi ?

-Vous avez de drôles d'idées. Non, je crois que j'ai fait ce choix pour les sensations.

-Par exemple.

-Je vois, acquiesça-t-elle avec ironie. L'homme des sensations extrêmes. Qui joue avec sa vie en la risquant chaque jour...

-Et pourquoi pas ?

Noëlle ne souriait plus. Elle semblait deviner que Torres derrière ces généralités, livrait une part de lui-même à cet instant.

Torres scruta la jeune femme devant lui. Ses yeux repéraient les mains de Noëlle. Elle ne portait pas d'alliance. Seulement des pansements qui protégeaient ses mains. Surement à cause de son travail.

-Personne ne peut comprendre un policier. Reprit-il. Encore moins le juger. Nous évoluons dans un monde brutal, dangereux sans aucune forme de règles. Vous êtes en dehors et vous ne pouvez plus le comprendre. Vous êtes en dedans et vous perdez toute objectivité. Le monde des policiers, c'est ça. Incompréhensible. Mais une chose est sure : nous n'avons pas de leçons à recevoir de bureaucrates qui ne risqueraient même pas leur doigt pour sauver quelqu'un.

Noëlle observa le commissaire. Il avait des cernes. On aurait dire qu'il ne dormait plus bien. La jeune femme demanda à voix basse :

-Qu'allez-vous faire ? Quelle est votre prochaine étape ?

-Chercher encore.

Torres se leva, ne voulant pas approfondir sa réponse.

-Où habitez-vous ? demanda t'il soudainement.

-Non loin de Mickael Firmin.

-Où précisément ?

-Près du parc de Tian.

-Là où habite Kira Woods ?

-Exactement.

-Que pensez-vous d'elle ?

Noëlle prit une expression admirative.

-C'est une femme étrange. Mystérieuse. Et sacrément belle.

Torres acquiesça.

-Je pense comme vous. Le mobile du meurtre est peut-être dans son mystère. Si ça ne vous dérange pas, je passerai vous voir plus tard dans la soirée.

-Vous me draguez toujours ?

Le commissaire approuva :

-Plus que jamais. Vous restez aussi un mystère pour moi.

Noëlle se leva aussi en répondant.

-Si vous le dites.

-A ce soir, jeta-t-il à travers son épaule en tournant les talons pour se rendre chez Kira.

Instinct Dominant Où les histoires vivent. Découvrez maintenant