18• Retour au point de départ

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Musique; ZZ top (ça faisait longtemps)- La Grange

Le fond de whisky tourne lentement dans mon verre. Je le regarde sans vraiment le voir, les yeux dans le vague. Il fait déjà nuit et mon appartement n'est éclairé que par la lueur d'un lampadaire à travers la fenêtre. Ça fait deux semaines. Deux semaine que j'ai repris mon job à la caserne. Et je suis déjà en train de me morfondre. Moi qui pensais que le quitter me laisserais de marbre... Eh mais, attend, je l'ai déjà vécu cette situation. Avec exactement le même laps de temps écoulé et moi dans le même état... Je me redresse d'un coup. Pas question de revivre ça. Je ne vois qu'un seul remède. Combattre mes démons qui ont déjà pris un sacré coup de vieux. Je descend mon verre d'une traite. L'alcool file dans ma gorge comme un trait brûlant.J'attrape ma veste au vol et claque la porte derrière moi.

Une fois à califourchon sur ma moto,je marque un arrêt dans ma course précipité, assaillit d'un léger doute. Suis-je vraiment prêt à ça ? Cette petite question ce fait cependant rapidement écraser par ma motivation et je fait rugir mon moteur. Tant pis pour le voisinage.

Je savoure cette suave sensation de défiler sur l'asphalte. Et pourtant j'en ai passé du temps sur cette bécane ces dernières semaines, mais il faut croire que je ne m'en lasserais jamais... La route que je prends, je la connais bien, pour l'avoir prise très souvent. Le fleuve à ma gauche a pris la couleur de l'encre et ondule lascivement. Cette vision familière m'arrache un sourire. Et dire que j'y retourne... Retour au point de départ comme on dit. Les habitudes ont la peau dure il faut croire.

Lorsque je descend de ma moto, une lueur de néons rouges vient serpenter sur ses courbes. J'entendrais presque une musique épique dans ma tête, comme si je m'apprêtait à affronter Sauron après avoir traversé la Terre du Milieu. Sauf que je ne suis pas un hobbit. Et que, à ma connaissance, personne n'a donné à Ian le surnom de Sauron.

J'entre donc dans le Daemonik comme on entrerait dans un sanctuaire. Et soudain, l'atmosphère qui y règne me prend de cours. La musique bat son plein, la piste de danse est quasi-bondé et le bar est pris d'assaut par une dizaine de personnes. Face à cette vision, une allégresse que je ne contrôle absolument pas se diffuse dans mon corps. Mon visage se fend d'un sourire franc et je suis à deux doigts d'éclater de rire. Je suis content de retrouver cet endroit. Vraiment content. Et donc,transit par cette étrange jubilation, je me dirige d'un pas léger vers le bar, remarquant que la lueur qui émane de ce dernier est désormais verte. Je repère mon sujet d'intérêt au premier coup d'œil, occupé à servir les clients, Ian me tourne le dos. Je m'accoude donc au comptoir avec une nonchalance feinte, il me reste tout de même une certaine gêne... Lorsque le patron croise enfin mon regard, que j'ai aiguisé spécialement pour lui, une expression de surprise frôlant la stupéfaction se peint sur son visage.

-Une vodka, s'il te plaît ? Je lance sans laisser de place à l'hésitation.

Son étonnement se mue en un large sourire et il me prépare ma commande dans les secondes qui suivent.

-C'est drôle, j'ai l'impression que ça fait longtemps qu'on t'as pas vu par ici...commence-t-il en posant mon verre sur le bar.

J'hésite un instant entre lui répondre que c'est de sa faute ou de la jouer indifférente. Je hausse finalement les épaules en attrapant la vodka.

-J'ai pris des vacances.

-Ça t'arrive rarement, et puis aussi longtemps... J'ai fini par te manquer mon sucre d'orge?

Ses derniers mots me font comme une décharge électrique... de plusieurs milliers de volts. Je grimpe à moitié sur le comptoir et lui saisi le col.

-Plus jamais tu ne m'appelle comme ça. Je grogne, ma voix s'est faite terriblement grave, pour le coup c'est l'effet de la colère. Et alors que je m'attendais à ce qu'il répondre sur le ton de la plaisanterie, il hoche vivement la tête,les yeux écarquillés. Oh. On dirait que mon regard noir a marché.Pour une fois. Je le relâche donc.

Mon nom est SinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant