19• Mauvaise augure

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J'ai enfin réussi à passer le cap, à me libérer de mon propre carcan mental. Résultat, je suis d'une humeur merveilleuse lors des entraînements, au grand désespoir de mes soldats. Ils savent très bien que les exercices n'en seront que plus durs. Ainsi, lorsque je met fin à une séance particulièrement exigeante, j'observe mes camarades à l'agonie sur le sol. Leurs vêtements sont aussi trempés que s'ils avaient plongés dans l'eau tout habillés. À vrai dire je ne suis pas dans un meilleur état, mais moi, au moins, j'ai la force de tenir debout.

-Aller, bonne fin de journée tout le monde, vous avez presque bien travaillés ! Je leur lance en m'éloignant.

En réalité, je suis fier d'eux, leurs résultats sont bien plus que juste "satisfaisant" et leur entraînement serait intenable même pour le meilleur soldat d'une section lambda. Je file sous la douche sans perdre plus de temps. Le moindre muscle de mon corps est au supplice et j'adore cette sensation, celle d'avoir vraiment bien bossé. Mais tandis que l'eau ruisselle sur mes épaules mon sourire s'évapore en même temps que ma sueur.

Je ne vais pas si bien que ça au final. C'est un mensonge. J'ai déjà mentionné ma force d'auto persuasion, non? Bien sûr j'ai débloqué plusieurs verrous dans mon esprit et grâce à ça je peux je peux de nouveau respirer sans cette gêne absurde. Mais c'était pour mieux laisser la place à un autre sentiment tout aussi dérangeant. Antony me manque. Je frissonne rien qu'à l'idée de penser cette phrase. Encore un truc qui ne m'était jamais arrivé. Décidément cette année est placé sous le signe du changement. Je coupe l'eau et secoue la tête. Ça va pas aller bien loin si je regrette mes actes.

Je me sèche en vitesse avant d'enfiler mon uniforme. J'ai un conseil de guerre. Et je sais d'avance que les nouvelles ne sont pas bonnes. Je me retrouve donc assis autour d'une longue table oblongue en compagnie d'autres généraux de divisions. Un collègue nous fait un topo rapide de la situation avant d'en venir au véritable sujet de cette réunion.

-Ils ont demandé notre soutient sur des zones de combat plus dangereuse. La situation se corse, l'ennemi s'est fait plus dangereux et on recense des centaines de pertes civiles. Son regard dur se pose sur moi.

-Sin, je sais que vous avez déjà essuyé plusieurs pertes lors de votre dernière mission mais nous allons avoir besoin de l'intervention des forces S. Alors j'espère que vous êtes préparé à toute éventualité.

Son ton est intransigeant. Pourtant il sait ce que ça fait de perdre des camarades. Je hoche la tête et il met rapidement fin au conseil,précisant quelques informations au sujet de l'intervention à venir.Je salue les autres généraux avec froideur avant de sortir de la pièce. En premier, prévenir mes soldats, puis aller vérifier le matériel avant de passer par les bureaux administratifs et enfin pouvoir rentrer au studio. Quand je pose de nouveau les pieds dans ce dernier, la faim me tiraille et la fatigue me tombe dessus sans prévenir, prenant la suite de la tension. Je me délaisse ma tenue officielle et allume ma gazinière en enclenchant la radio. Une mélodie de jazz s'élève, pourquoi pas. Je me prépare donc un repas frugal que je me presse de consommer, impatient de me jeter dans mon lit. Seulement, il me reste une chose à faire, et pas des plus joyeuse.

Me voilà donc, assis à mon bureau,regardant fixement la feuille devant moi. Intitulé de cette dernière ; Testament officiel de l'armée. Une chanteuse soupire lascivement dans le poste, rajoutez -moi une pluie dégoulinante sur la vitre et un filtre en noir et blanc et la scène sera encore plus affligeante. Tandis que je subit docilement mon syndrome de la page blanche, une annonce attire mon attention....alors pressez-vous de réserver vos place sur notre site car il n'en reste plus beaucoup, on vous donne rendez-vous au Deep in Town du 9 au 13 !

Mais... c'est mon festival ça !Ça fait déjà un an ? Je jette un coup d'œil à mon téléphone pour vérifier la date et me rendre compte que nous sommes le 8. Mon cerveau se met soudainement en alerte, il me faut une place ! J'appelle en vitesse Roméo, priant un instant pour qu'il réponde.

« Tiens ? C'est toi tête de lézard ? Pourquoi tu m'appelle ? »

« C'est demain le Deep in Town ? »

« Ben ouais, t'as pas ta place c'est ça ? »

« Oui. »

Il lâche un soupire exaspéré.

« Bon, ok, on se voit demain avant que j'y aille et je te file un pass. Par contre tu me paye un coup. Deal ? »

« Deal. Merci Roméo. »

Il coupe notre discussion. C'est plus qu'une chance que j'ai de connaître l'un des organisateurs. N'ayant plus la force de faire quoi que ce soit, je pars me glisser dans mon lit, laissant vierge le testament et son funèbre sous-entendu.

Le lendemain, je m'occupe de régler tout un tas de dossiers concertants la mission à venir avant de filer dans le centre pour rejoindre Roméo. Je repère sa moto en premier, je me gare donc à côté de la Harley bobber, customisée dans les règles de l'art par son propriétaire. Je met un peu plus de temps pour trouver le patron de l'Engine Saloon. C'est lui qui m'aperçoit le premier et me siffle pour attirer mon attention. Je le rejoins sans plus tarder et il me tend une enveloppe.

-Qu'est ce que tu ferais sans moi,vraiment... souffla-t-il.

Je le remercie de nouveau alors que nous installons à la terrasse d'un point relais motard.

-Ça te met dans un état de stress la préparation d'un festival, tu ne t'image même pas, c'est gargantuesque ! Et puis je deviens vieux aussi, je suis une vieille tortue de trois mille ans. Nan mais sérieux, comment veux-tu que je drague de la midinette avec un corps tout flascounet ?

-Non mais vraiment ? Qu'est ce que dirait ta fille en t'entendant ?

-Oh, elle m'entends débiter plus de conneries que tu ne crois, et puis je ne pense pas que tu sois le mieux placé pour parler de morale. Je suis sûr que tu es un véritable tombeur, elles doivent toutes rêver de toi, non ?

S'il savait... Je hausse les épaules pour toute réponse, précaution avant tout, je ne sais pas vraiment comment il pourrait réagir en apprenant mon orientation sexuelle.

-Ah bon... bah, on écoulé toutes nos préventes, douze milles personnes attendues ! Sans compter les ventes à la journée, ça va être peuplé, tu trouveras forcément quelqu'un dans tout ça.

-Peut-être. Je répond en portant mon verre à mes lèvres, une bière pour se rafraîchir les idées.

-Tiens, au fait, j'y pense, t'a pas fait copain-copain avec Antony la dernière fois que t'ai passé au repère toi ? Il est marrant ce gars, je l'aime bien.

Oh oui, j'ai fait copain-copain avec lui, même un peu plus si tu veux savoir, mais bon, je vais garder ça pour moi.

-Oui, on a un peu discuté ensemble et on a même fait un bout de route tout les deux, c'est vrai qu'il est sympathique.

Roméo hoche la tête en vidant son verre commandé un peu plus tôt avant de jeter un coup d'œil à sa montre.

-Bon, il faut que j'y aille, on m'attends au festival. Je suppose que je te croiserais ce soir ?

J'acquiesce et le regarde s'éloigner. Les souvenirs des anciennes éditions du Deep in Town me reviennes en mémoire, c'est un incontournable pour moi, j'y vais depuis sa création, ou presque. Mon instinct salace s'amuse à rajouter que ce n'est pas un terrain de chasse facile. Mais cela ne réussit qu'à me faire sourire ; le défi n'en est que plus grand.

Mon nom est SinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant