17• Crève-cœur

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Musique; Otis Redding - Stand by me

Je reprends le travail demain. C'est étrange de me dire que je retourne à la caserne, comme ça, après cette longue semaine en compagnie d'Antony. Le sable, le soleil, son odeur, aussi, beaucoup. Je soupire en me balançant lentement dans le fauteuil suspendu de mon compagnon de route. On a délaissé nos affaires à côté de la table basse, il a lancé un vinyle sur la platine avant de m'abandonner tout seul dans le salon pour disparaître à l'étage. « Ne monte surtout pas, je vais développer les photos, si tu mets un pied dans mon labo je te tue !Ça prends trop de temps à installer pour que tu viennes tout gâcher. » m'a-t-il lâché. Il y a une heure et demie.

Alors j'ai passé le temps en me faisant du café, répondant aux mails laissés par mon lieutenant durant mes vacances. A vrai dire je ne sais pas vraiment pourquoi je suis venu ici, j'aurais très bien pu rentrer directement à mon appartement. Mais une sorte de sentiment m'a poussé à passer quelques instants de plus avec lui...

Finalement le son d'une porte qui claque me sors de mes pensées et j'observe Antony descendre les escaliers une pile de feuilles A3 dans les bras.

-Vires les trucs de la table s'il te plaît.

Je m'exécutes, et retire les quelques objets de la dite table. Il pose avec toutes les précautions du monde les grandes photos sur le bois. Chacun des clichés est séparé des autres par une fine feuille de satin. Le photographe se mets à me les présenter une à une, les accompagnants d'un petit commentaires, souvent en se plaignant du résultat. Seulement voilà ;je ne trouvait pas les défauts qu'il donnait à ses photos, la plupart étaient tirés en noir et blanc mais certaines avaient des couleurs comme si elles sortaient tout droit des années 70. Bon, je suis le sujet de la majorité de ces clichés mais je m'y attendais, Antony m'a plus vu à travers son objectif que les yeux dans les yeux. Il fini sa présentation avec une moue hésitante entre la satisfaction et l'inquiétude.

-Tu en pense quoi ?

Je regarde encore un instant les photos éparpillées sur la table avant de l'attirer à moi et de l'embrasser sur la tête.

-Elles sont magnifiques. Mais qu'est ce que tu vas faire de tout ça ?

-Je vais les garder bien sûr !Attends, j'ai le plus beau cul du monde sous une multitude d'angles, je vais pas cracher dessus !

Je sourit à sa remarque et l'embrasse de nouveau, occupant cette fois ses lèvres. Ah, je pense que ce goût vas me manquer... Mais bon, je sais déjà que l'on ne vas pas tarder à se programmer de nouveaux road-trip. Il met fin à notre baiser et part se faire un café. Il revient sa tasse à la main et me demande de lui faire une place dans le siège suspendu. Ce que je fais, bien que je me demande si la poutre vas tenir le coup et je me retrouve avec un Antony entre les jambes, adossé en face de moi dans cet espace confiné. Je pose ma tête contre la paroi et tends le bras pour tirer sa brettelle du doigt. Il me sourit mais son expression s'efface rapidement. Comme s'il était travaillé par je ne sais quelle pensée encombrante.

-C'est vrai que j'en ai quand même fait beaucoup... Mais il faut bien avouer que tu es un excellent modèle ! J'allais pas louper l'occasion de t'avoir en grand format chez moi. Tu voudrais peut-être en avoir certaines d'ailleurs.

Je secoue la tête, il a prit un étrange ton en me disant ça, évitant mon regard. J'ai bien compris que ce qui lui trotte dans la tête n'est clairement pas une simple proposition de m'offrir des photos de voyage. Non, il essaye plus ou moins d'éviter un sujet ou alors il ne sait pas comment le formuler. Mais bon, je ne peux pas croire que ce soit juste le fait qu'il ait fait une quelconque connerie, il me l'aurais dit sans aucun problème. En tout cas, le regard fuyant ne lui va pas du tout.

-Antony. Dis-moi ce qui te tourne en boucle dans le cerveau par ce que là ça commence à m'agacer.

Il prend un air surpris avant de reprendre son habituel sourire et de passer une main sur sa barbe.

-Oui, forcément il faut que tu remarque tout au premier coup d'œil. Bon, ok. Je pars.

-Tu pars ?

-Je déménage. Pour le travail. Ça fait un bout de temps que j'y réfléchissais et puis un gros investisseur a repéré notre boîte et nous a proposer d'intégrer sa firme, enfin bref, c'est une délocalisation. Et je pars avec. Tu comprends, je ne peux pas louper une occasion pareille. Mais entre temps je t'ai rencontré et c'était sympa, je me suis attaché à toi et...

-C'est bon Antony, t'inquiète.

Je tente de le rassurer par se qu'il commençait vraiment à se faire un gros stress. Mais comment veux-t-il que je réagisse ? Je ne vais pas m'énerver, après tout c'est moi qui lui ai fait le coup en premier avec mon voyage...bon, pour le coup il m'a retrouvé après, mais ça compte pas. Alors ouais, je comprends qu'il s'en aille, qu'il s'engage à fond dans sa carrière. En fin de compte, le seul truc qui me laisse un peu perplexe c'est qu'il s'inquiète de ma réaction.

-Ah ouais ? Cool... Je pensais que ça allait te surprendre un peu plus que ça. Mais si ça ne te fait rien au final... Tant mieux.

-Bah, de toute façon aucun de nous deux n'avait prévu que ça dure très longtemps au départ, non ?On a juste un peu profité de l'instant présent, il faut bien le reconnaître, on a vraiment pris du bon temps. Mais bon, c'était des vacances, il fallait que ça s'arrête à un moment ou à un autre.

-C'est vrai, mais j'ai juste eu un peur que tu le prenne mal. Mais on dirait que je me suis inquiété pour rien, t'es pas ce genre de personne qui s'indigne lorsqu'on leur annonce que c'est fini... J'imagine que tu ne vas pas tarder à rentrer, tu reprend le taf demain ?

-Et ouais... T'as raison, je vais y aller.

Je m'extirpe du siège, ce dernier semet à se balancer doucement. Je récupère mes affaires et enfile ma veste, attrapant au passage mon casque. Puis je me penche au-dessus d'Antony, m'appuyant sur le cadre du siège.

-Bon. Et bah salut, je suppose. Dit-il, une pointe d'amertume dans la voix.

Je ne peux réprimander un sourire, sensible à son expression attristé.

-On savait tout les deux très bien comment ça allait finir... Mais j'ai été heureux de te rencontrer, ah non, pardon, enchanté de t'avoir rencontré.

C'est à lui de sourire mais son visage garde une moue penaude. Je dépose un ultime baiser sur ses lèvres avant de déguerpir de sa maison. Je n'ai plus aucune raison de rester dans les parages.

C'était la fin de tout ce que j'avais vécu avec Antony. La véritable conclusion cette fois.

Mon nom est SinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant