Il s'appelle Erwan. Il a quinze ans. Il est dépressif. Putain, qu'c'est con d'avoir peur pour lui....
"Tu dors ?"
Je sursaute à l'entente de sa voix.
"Non."
"Pourquoi tu es comme ça ?"
"Comme ça ?"
"Je veux dire, allongé au sol, les mains derrières la tête."
"J'ai pas le droit d'être dans cette position ?"
"Si, mais tu étais toujours assis, les jambes dans le vide, quand je venais."
"J'ai pas le droit de changer ?"
"Si, mais à croire que tu t'éloigne du bord."
Moment de silence.
"C'était une torture morale, que j'ai jamais su contrôler."
"De quoi ? Tu..."
Il hésite.
"Tu as peur du vide ?"
"Exactement. C'était une torture morale de m'mettre les pieds dans l'vide. En un an, j'ai jamais appris à contrôler ce mal d'estomac qui m'bousille d'l'intérieur."
"Moi ça fait deux ans."
Je lève mon buste, sous l'choc.
"Que, quoi ? Ça fait deux ans qu't'es dépressif ?!!"
"Ma mère s'est suicidé après la mort de ma petite soeur dans un accident de bus. Le conducteur a foncé dans un train. Mon père est devenu alcoolique. J'ai peur de lui donc je viens ici maintenant qu'ils ont détruit ma planque."
"Ta planque ?"
"Tu vois le port ?"
Hôchement de tête.
"Il y a la petit jetée, où les couples se roulent des pelles à longueur de journée et il y a la grande jetée, condamnée. J'allais là-bas jusqu'à ce qu'un jour, plus rien. La mairie avait décidé de la détruire."
"J'suis désolé."
"C'est rien. Mais toi, pourquoi tu es comme ça ?"
Moment de silence.
"C'est compliqué et long à expliquer."
"Je veux savoir, dis-moi."
Assis face à face, pupilles encrées dans celles de l'autre, partage de pensées. Il s'approche, encore, plus près chaques secondes et nouveau contact. Vrai contact, plus qu'visuel. Nos lèvres, écrasées entres elles, commencent, lentement, à se mouver l'une contre l'autre. J'chauffe, bouillonne et brûle. Mon ventre prend feu et j'sais. J'sais que j'vivrais pour lui.
Mais putain, c'que ça m'fait peur.
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