Chapitre 3

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Hestia se sentait à l'étroit au milieu de ces amas de nourriture. Hier soir elle avait finalement réussi à s'endormir, malgré la peur d'être découverte. Soudain elle entendit rire au loin. Rires qui se transformèrent en conversation. D'après ce qu'elle entendait c'était deux jeunes hommes. L'une lui rappelait la voix avec qui elle avait passé son enfance et avec laquelle elle s'était disputée la veille. La voix chaleureuse de son tendre et meilleur ami. Jules. Elle souffla de soulagement en réalisant qu'elle n'était pas seule sur ce gros bateau.

Mais il avait l'air de s'être fait un nouvel ami réalisa-t-elle amèrement. Et dire qu'ils s'étaient promis de ne pas s'oublier quoi qu'il arrive et de ne pas se remplacer même après cette affreuse altercation. Oui, la jeune femme était jalouse pour peu mais il restait son seul et unique ami. Elle essaya malgré tout d'écouter la conversation mais en vain. Tout ce qu'elle entendait était des bruits indistincts que les caisses étouffaient. Les bruits cessèrent et Hestia en conclu que Jules et son nouveau partenaire venait de rejoindre le pont principal. Elle tenta de se dégager pour pouvoir sortir à l'air libre. Mais ses plans échouèrent lamentablement suite à l'énorme secousse qui vint ébranler l'ensemble du navire. Elle se crispa en réalisant ce qui venait de se passer. Le bateau était parti.

La stupeur fut remplacée rapidement par de la joie : elle avait réussi ! Il fallait qu'elle sorte même si elle savait qu'il y aurait des conséquences. Elle tenta de bouger, mais suite à son immense accès d'euphorie, Hestia ne s'était pas rendu compte que son pied était coincé sous la caisse.

Elle paniqua légèrement quand elle commença à ressentir une petite douleur au niveau de la cheville. Elle commença à essayer de soulever la caisse avec ses mains. Mais Hestia n'avait pas la force requise pour y arriver. Elle sentit sa panique redoubler. Non, il ne fallait pas qu'elle abandonne maintenant !

Alors, elle inspira pour se calmer puis elle se mit à chercher un objet pour faire office de levier. La cale était plutôt sombre, ce qui augmentait hautement l'angoisse de la jeune femme. Elle plissa les yeux pour tenter d'y voir plus clair. Et c'est avec soulagement, qu'elle repéra un bout de bois en forme de brique ; qui lui permettait de maintenir la boîte en hauteur, le temps de retirer sa cheville. Hestia s'affaira à la tâche. La brune se mordit la lèvre, pour ne pas émettre un petit cri de douleur quand sa cheville sortit de dessous la caisse. Elle avait mal ; elle ne pouvait pas le nier. Hestia observa sa cheville et constata avec frustration qu'elle ne pouvait plus marcher pendant au moins quelques jours.

Pour dormir, la jeune clandestine dut se traîner jusqu'à un tas de draps sales ; qui semblait pourtant être confortable, bien qu'il paraissait tout aussi irrespirable. Elle finit par se résigner, et sombrer dans les bras de Morphée au milieu de ce tas d'immondices.

Ce soir là, tout l'équipage s'était réuni sur le pont pour, en quelque sorte, faire les présentations. Le capitaine du navire, un homme à la carrure massive avec un immense visage barbu, s'élança dans un discours sur la fierté des marins et de leurs valeurs. Il agitait les mains avec expertise, racontant ses aventures sur la mer Méditerranée.

Andrea semblait captivé par les explications du plus vieux. Jules, lui, ne savait comment réagir ; cette traversée était sa première. Il était à la fois impressionné par le bateau, les habitudes des marins et les histoires du vieux capitaine. Mais il aimait bien l'atmosphère qui s'en dégageait : une camaraderie indissociable entre marins et un chef presque paternel. Après de brèves explications des règles à respecter sur le navire, l'équipage décida de clôturer cette « soirée de bienvenue » par un tonneau d'une boisson dont Jules n'arrivait pas à retenir le nom. La boisson n'avait d'ailleurs pas bon goût constata le châtain avec une grimace. Il jeta un œil à son nouveau compagnon qui était en train d'avaler son breuvage d'une traite. Jules le dévisagea, les yeux écarquillés.

         -      Quoi ? dit-il en surprenant le regard du plus jeune sur sa personne.

         -      Rien.

Jules se concentra de nouveau sur la conversation générale, sans départir d'un sourire. Andrea sourit face à l'innocence du châtain envers la boisson. Les deux jeunes gens finirent par se joindre à la discussion qui avait pris une tournure aventureuse. Qu'est-ce qu'il se passerait demain, ou dans trois jours ? Qui croiseront-ils sur leur chemin ? Personne ne savait, et c'est ce qui rendait le voyage vraiment excitant.

Quelques heures plus tard, seul Andrea et Jules étaient encore sobres et debout ; en effet tout le reste de l'équipage avait succombé à l'excès d'alcool.

Les deux jeunes gens décidèrent d'aller au devant du bateau, sur la proue, pour admirer la lueur des étoiles accompagnée de celle du clair de lune qui se reflétaient sur la surface presque noire de la mer. Andrea se mordit la lèvre, pesant le pour et le contre, puis se tourna vers le châtain pour lui poser une question qui le taraudait depuis ce matin.

        -     Pourquoi t'es tu engagé pour ce voyage ?

Jules resta un moment sans rien dire, les yeux perdus dans le vide.





                    -     Pour aider ma mère. Elle est gravement malade et ma famille n'a pas les moyens de lui payer ne serait-ce qu'un remède.Et toi ?

        -      Moi ? il esquissa un sourire avant de poursuivre ; Je suis coincé sur ce rafiot depuis ma naissance. Sous le regard étonné de l'autre garçon il ajouta comme si s'était évident : Et j'en suis le digne successeur !

Andrea eu un rire sans joie. Jules analysa les informations dans sa tête en fronçant les sourcils, jusqu'à que la réponse s'impose d'elle même. Il tourna un visage surpris vers son interlocuteur.

        -      Tu es le fils du capitaine. Andrea sourit, déridé par les enfantillages du plus jeune. En réalité le petit nouveau l'amusait et semblait diffèrent des autres marins qui ne pensaient qu'à se soûler jusqu'à que mort s'en suive, que le jeune avait pu rencontrer dans sa courte vie.

    -      Tu es plutôt intelligent. Enfin presque...

Le blond s'éloigna, un sourire mystérieux sur les lèvres, laissant le brun seul à réfléchir à cette phrase pour rejoindre sa couchette et y finir la nuit. Le deuxième garçon réfléchit longtemps pour tenter de comprendre le vrai sens de cette phrase mais en vain. Puis le jeune châtain pensa à sa meilleure amie qu'il avait laissée sur la terre ferme. Il regrettait de s'être disputé avec la jeune femme avant son départ. Comme il refusait de s'enfoncer dans la culpabilité maintenant il décida d'aller se coucher à son tour. Le lendemain risquait d'être difficile, pour tous.

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