II : Sur le canapé

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Un jour, en fin d'après-midi, les quatre amis décidèrent d'aller marcher un peu avant le dîner. Ils descendirent de la chambre de Ron, leur dortoir pour quatre depuis qu'ils y avaient ramené les matelas de Hermione et celui de Ginny qu'elle partageait avec Harry. En descendant, le regard d'Hermione, pensive depuis quelques jours, se posa sur Georges, allongé sur le canapé du salon. Il regardait dans le vide et n'avait pas fait attention aux trois autres amis qui venaient de descendre les escaliers en courant, à l'évocation d'une ballade en balai.


Georges. Hermione se dit qu'elle n'avait pas dû beaucoup l'entendre parler depuis un mois, depuis la mort de son frère. Il faisait peine à voir, avec son teint pâle, son plaid qu'il portait en permanence avec lui et la part de gâteau qui attendait patiemment d'être mangée, déposée par sa mère sur la table basse devant lui. Devant un visage si fermé, la famille Weasley s'était un peu éloignée de Georges, ne sachant s'il fallait continuer, malgré toutes les tentatives ratées, à essayer de le remuer un peu, ou le laisser tranquille. Il allait et venait dans la maison comme si personne ne le remarquait, se servait parfois une petite assiette des restes de la veille et retournait à ses pensées.
Cela attristait Hermione, très empathique, qui se sentait impuissante. Elle avait toujours apprécié les jumeaux, mais elle n'avait jamais été proche d'eux. Leurs échanges se résumaient à quelques boutades et des potions Wingenweld préparées en vitesse après les retenues d'Umbridge, en cinquième année.
Cette époque avait marqué l'engagement des jumeaux dans la lutte contre Voldemort lorsqu'ils s'étaient engagés dans l'armée de Dumbledore, chose qui avait surpris Hermione, qui les croyait détachés de tout ça. Elle avait vu l'inquiétude dans leur regard, dans la salle d'attente de Ste Mangouste, lorsque leur père Arthur avait été blessé au Ministère de la magie. Là, elle avait croisé le regard de Georges, confus, qui lui avait alors confié un « J'ai peur ». Le regard d'Hermione sur les jumeaux farceurs avait alors changé, elle avait compris. Elle avait compris que derrière les petits garçons blagueurs se cachaient aussi deux adultes en quête de réponses et de justice, effrayés et concernés.
Ils étaient tous les deux sur les premiers fronts lors de la Grande Bataille Finale, et l'un y avait perdu la vie. Les jumeaux n'étaient plus qu'un, et celui-ci n'était plus que l'ombre de lui-même.

Hermione regardait tristement le jeune homme toujours perdu dans ses pensées, et vit Molly et Charlie discuter dans la cuisine. Elle fit signe à Harry de ne pas l'attendre, et qu'ils pouvaient partir sans elle. Elle n'aimait pas vraiment voler en balai de toute façon. Harry lui fit un sourire et sortit sans dire un mot.
Elle se dirigea alors dans la cuisine, espérant ne pas interrompre une conversation importante. Molly lui sourit et l'accueillit avec une tasse de thé. Après un bref Silencio, Hermione se tourna vers Charlie et sa mère.

-Il me rend triste, dit-elle. Ça me fait de la peine de le voir se morfondre comme ça et je me sens impuissante.

Molly baissa les yeux et son visage s'assombrit. La mère de famille cachait tant bien que mal sa peine face à la perte de son fils, et à la vue de l'état de son jumeau endeuillé. Depuis la fin de la guerre, elle faisait tout pour ramener au terrier l'ambiance chaleureuse qui y régnait autrefois et avait caché du mieux qu'elle pouvait son deuil et sa fatigue. Sa famille était la seule chose qui la faisait tenir et son dévouement ne cessait de croitre en même temps que son amour pour les êtres qui lui étaient chers et qu'elle pouvait encore avoir près d'elle.

- Tu sais Hermione, répondit doucement Charlie, je pense que Georges a juste besoin de temps. Fred et lui sont inséparables depuis leur naissance, c'est une déchirure atroce qu'il vit en ce moment. Personne ne peut comprendre ça, alors nous avons décidé de le laisser faire son deuil en paix. Nous serons là quand il en aura le besoin et l'envie, mais en attendant je pense qu'il n'y a rien que l'on puisse faire de plus.
Molly versa une larme et son fils lui caressa doucement les cheveux.
-Est-ce que quelqu'un a essayé d'aller lui parler ? Demanda naïvement la brune
- Je lui ai dit que l'on était là pour lui. Il m'a juste serrée dans ses bras, m'a remercié et est retourné dans sa chambre, répondit Molly. Après ça, on l'a laissé tranquille.

Hermione enlaça Molly et son fils, les remercia et sortit de la cuisine. Elle vit que Georges s'était relevé et assis sur le canapé. La brune, sans vraiment réfléchir, s'assit à ses côtés et posa devant lui sa tasse de thé qu'elle n'avait pas touchée.
Après un court silence, elle prit la parole dans un murmure :
-Je sais que je ne peux pas comprendre ce que tu vis. Mais je sais qu'un jour ça ira mieux. Je sais que tu as une famille qui t'aime et qui ne t'as pas abandonnée. Je sais que c'est difficile.
Elle caressa doucement sa main, rapprocha la part de gâteau délaissée vers lui, se leva doucement et sortit.
George fut surpris par l'intervention d'Hermione, si inattendue. Sorti de sa torpeur par la voix de la jeune fille, il ne sut quoi lui répondre et, au contact de sa main froide contre la sienne, il n'en fut que troublé davantage. Pourquoi, de toutes les personnes qui occupaient en ce moment le Terrier, était-ce Hermione, qu'il ne connaissait pas tant, qui était venue lui parler ?
Bien sûr, il comprenait et remerciait sa famille de le laisser en paix en ce moment, mais Hermione ? Elle était venue le voir, sans raison, mais ses mots avaient quelque peu rassuré le jeune homme. Il ne se sentait pas délaissé comme il en avait parfois l'impression.
Il ne put la remercier directement, mais il lui était reconnaissant.

Le soir, quand Molly appela les « enfants » à table, Georges n'était plus dans le salon. Hermione sourit. La tasse de thé et l'assiette de gâteau étaient vides.

Le calme après la tempêteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant