Nous sommes capable de devenir ce que nous fuyons depuis des années, et moi, je le suis devenue.
Il était tard, tellement tard. Je suis sortie de la maison quand tout le monde dormait.
Me voilà dans la rue, à airer seule sous la lumière des lampadaires. Ma tête ressasse son visage, je suis incapable de supprimer sa moindre trace. J'allume une cigarette, regarde les étoiles, et souffle un bon coup. Doucement, je m'éloigne des habitations, je marche sans savoir où tout mon corps se déplace.
Au milieu de nul part, je m'arrête. En regardant ce si grand ciel noir, je me rappelle à quel point nous sommes minuscules. Nous sommes de minuscules choses capables de ressentir une immensité d'autres choses.
Une larme coule, puis tombe sur le sol. Je suis en colère contre le monde, contre lui. Sans réfléchir, j'hurle et attrape ma tête, voulant disparaître du décor.
Il ne comprend pas, il ne comprend rien. Tout ce que je peux bien lui dire résonne dans le vide. Il évite mes paroles, et fait comme si tout n'existait pas. Il est insupportable, et je le suis aussi. Je n'accepte pas ses réponses, ni même ses gestes. Ce soir, je ne lui ai pas donné de réponse, encore. Je ne sais pas s'il s'inquiète, mais au fond de moi, je l'espère déjà tant. J'ai besoin d'y croire, à penser que sans lui je ne suis plus rien.
En voilà des paroles amoureuses, des jolis mots qui font si mal. J'ai attendu sous ce ciel noir que mes larmes sèchent, et que ma gorge cesse de me faire souffrir.
Il est 05:00, le soleil ne va pas tarder à se lever, alors je décide de rentrer. J'entrouvre la porte, tout le monde dort encore. Je n'ai pas le temps de me faufiler dans mes draps que mon téléphone sonne. Mon téléphone que je n'ai pas quitté du regard, attendant qu'il me rappelle.
Je m'habille, me prépare. Mes yeux sont rouges, gonflés, et me font mal. Ma mère cri mon nom, espérant que je sois levée, on part dans un quart d'heure. Tout est prêt.
J'évite les regards, en même temps que les questions. Ma mère s'en pose pourtant, je le sens. Une fois dans la voiture, mon regard se pose dehors, ayant la tête posée dans le creux de ma main. Le paysage défile, pour seulement une quinzaine de minutes. Habituellement, je dois prendre le bus scolaire, matin et soir, mais ma mère ayant perdu son travail, s'est trouvée bien généreuse d'accepter de nous amener tous les matins, moi et mon petit frère, dans notre établissements respectif.
Ce dernier s'appelle Sam, dans un mois, il fêtera ses 13 ans.
Arrivés devant la fac de lettre, ma mère m'embrasse et me dépose. En repartant, elle me fait signe de la main, et je lui rends.
Mes deux parents m'ont adoptée dès mes 4 ans, je n'ai que quelques souvenirs brefs de mes parents biologiques. Malgré cela, je n'ai jamais été malheureuse. Ils ont toujours su prendre soin de moi, et me considérer comme leur propre fille. J'ai été couverte d'amour, de tendresse et de cadeaux pendant des années. En réalité, je n'ai passé qu'une petite semaine à l'orphelinat, avant de les voir passer la porte et de se diriger vers moi.
A cette époque, ils désiraient un bébé plus que tout au monde, et essayant en vain depuis 3 ans, ils ont décidé de passer par l'adoption. Le prochain bébé qui viendrait se mettre sur leur route, serait conçu par miracle, c'est ainsi qu'est né Sam.
Mais me voilà sortie de mes pensées, rattrapée dans le temps présent par la sonnerie qui retentit. Je passe les portes, avance en regardant le sol, je ne veux pas croiser cet autre idiot. Je bouscule quelqu'un, le regarde agacée et m'excuse. Je continue mon chemin et patiente devant la salle où mon prochain cours aura lieu. Les autres arrivent, et je vois parmi cette foule, un visage des plus familiers qui soient. Lyse, qui est une amie sur qui je compte depuis mes 8 ans, voilà bientôt 11 années que je lui confie mes secrets, et elle les siens. Elle me sourit.
Le professeur la suit, il ouvre la porte et nous fait entrer. Une fois installées, Lyse et moi bavardons pendant plusieurs minutes.
- Il serait peut-être temps de vous taire mesdemoiselles, vous dérangez, nous dit monsieur Guibert.
On lève la tête, le regarde, puis se tait. Il continue de faire son cours. Discrètement, je me rapproche de Lyse et lui chuchote :
- Hier, je me suis encore emportée, je crois y être allé un peu fort..
- Tu sais, tu devrais peut-être te rendre à l'évidence Meïla. Il est têtu, et n'est pas amoureux.
Je ne dis rien. Mon cœur se serre, encore, mais je ne laisse rien paraître. Je lui en veux, seulement de m'avoir rappelée quelque chose que je sais déjà, et qui m'hante sans arrêt, sachant que ce qu'elle dit là, est vrai.
L'heure ne passe pas, j'ai mal. Je regarde ma montre toutes les deux minutes, j'ai besoin de sortir de cette pièce, j'étouffe. Je lève la main, et demande à sortir. Je cours aux toilettes et m'enferme dans un. J'ai envie de pleurer, de me vider de toutes les larmes qui lui étaient destinées, pour me débarrasser de lui en même temps, pour le virer de ma tête une bonne fois pour toute, mais je n'y arrive pas.
Je sors de ma cachette et pars me regarder dans le miroir. Je ne cesse de me répéter "reprends-toi, merde". J'inspire une grande bouffée d'air et ouvre la porte pour m'en aller, au même moment, je bouscule à nouveau quelqu'un.
- Encore-toi ?
C'était cette même personne de ce matin. Je me mets alors à rire sans réellement le vouloir, et lui présente mes excuses.
- Décidément, tu ne dois pas avoir beaucoup de chance aujourd'hui, j'espère ne pas t'avoir fait trop mal.
- Qu'as-tu à dire pour ta défense ?
- Je m'appelle Meïla, et fuir est un des mes plus grands défauts, rigolais-je.
- Nils. Fais attention la prochaine fois, me dit-il en souriant, avant de s'en aller.
Je reprends ma route.
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Seule.
Short Story« S'aimer soi-même est le début d'une histoire d'amour qui durera toute une vie. » - Oscar Wilde.