Son nom s'affiche sur l'écran, j'en perds mille et un moyens, pour seulement quelques mots.
De Arron, à Meïla :
Comment tu vas?
Je ne sais plus quoi répondre, je repense à ce que Nils me disait tout à l'heure. A quoi bon lui mentir et lui dire que tout va bien ? Mais, à quoi bon lui dire que tout va mal aussi ? C'est à croire qu'il se fiche pas mal de ce qu'il peut bien se passer dans ma vie, et dans ma tête. Je ne crois pas qu'il puisse mériter d'entendre mes paroles les plus intimes.
De Meïla, à Arron :
Ça va, et toi?
Il ne m'a pas fallu attendre bien longtemps avant de recevoir une réponse.
De Arron, à Meïla :
Demain, tu peux me rejoindre à midi? On ira manger quelque chose, j'ai besoin de te parler
J'ai du mal à réagir. En quelques secondes, le stresse monte. Je ne sais pas ce qu'il va me dire. J'accepte, et cette peur devient alors constante. C'est comme si je venais d'accepter l'angoisse du temps qu'il me reste à attendre dans l'inconnu.
Il m'est impossible de travailler correctement, de chasser toutes ces questions de ma tête, mais je m'y force quand même.
Je passe quatre heures entières sur ce commentaire. Une fois fini, je décide de descendre manger un des gâteaux de ma mère, préparés avec amour. Il faut savoir que le chocolat est un de mes péchés mignons, et que mes parents le savent bien.
Je remonte dans ma chambre. Une fois le seuil de la porte passé, je me dirige vers mon lit puis m'allonge. J'aime cette sensation.
Les yeux rivés vers le plafond, je ne cesse de penser. Dans mon esprit, un tourbillon de mots se forme. Ma tête est pleine de choses, mais je me sens pourtant si vide. Les jours se ressemblent, je fais toujours les mêmes choses. Je me lève, travaille, mange, puis m'endors pour me réveiller à nouveau, et recommencer de plus belle. C'est une vieille routine qui ne m'a jamais vraiment quittée. Elle m'ennuie, mais sans elle je ne saurais peut-être même plus quoi faire du tout, ayant peut-être trop peur de me perdre moi-même dans quelque chose que je ne connais pas. Elle me stabilise.
Malgré tout, j'aimerai savoir ce que ça fait de se lever, et de ne pas savoir à quoi va ressembler sa journée, sans aucune base, juste des envies, et des désirs soudains.
La porte d'entrée claque, Sam est rentré.
Je descends pour l'embrasser, puis mon père passe la porte quelques minutes plus tard. Nous sommes tous là, dans la cuisine, à se raconter notre journée. J'aime ces moments-là, quand l'amour d'une famille règne dans le royaume qu'elle s'est toujours promis de bâtir.
Mon téléphone sonne, c'est Lyse. Je regarde tout le monde, leur montre le téléphone en souriant, un peu confuse et légèrement désolée, puis m'en vais dans le salon. Je m'assoie rapidement sur le velours du canapé, puis décroche.
Je n'ai pas le temps de laisser un seul mot sortir de ma bouche, qu'elle hurle toute hystérique au bout du fil.
- Ehhh, devine un peu ce qu'il vient de m'arriver ! Ethan, il m'a ajouté sur les réseaux ! Ce soir, tu peux être sûre qu'il m'envoie un message !
- Il a donc réellement été charmé par tes si jolis sourires ? Lui dis-je en me moquant.
Elle rigole et change de sujet.
- Où est-ce que tu en es dans tes devoirs ?
Un peu embêtée d'aborder un sujet que je laissais derrière moi, je soupire et lui dis que j'en ai terminé avec ce satané commentaire, et qu'il était bien trop long pour en parler encore aujourd'hui. Or, quand je lui ai retourné la question, elle m'a dit ne pas avoir terminé.
En soit, il n'y a rien de mystérieux pour un étudiant lambda de ne pas finir le travail demandé, mais de la part de Lyse, je trouve ça étrange. Elle est du genre à finir ce qu'elle commence bien plus vite que les autres, puisque l'on se dit souvent : " plus vite commencé, plus vite terminé ". Curieuse, je lui demande alors s'il y a quelque chose qui a bien pu l'empêcher d'aller jusqu'au bout. La première chose qu'elle n'hésite pas à faire, c'est rire, pour ensuite me dire :
- Fais attention, on pourrait le tourner autrement.
Je rigole à mon tour, gênée.
- Je suis seulement allée faire les magasins, je viens de rentrer dans ma chambre, continue-t-elle.
- Tu avais besoin de quelque chose ? Répliquais-je.
Puis, elle est devenue hésitante, et un léger silence s'est installé entre nous.
- Je n'avais qu'un frigo vide pour manger ce soir, il me fallait seulement quelques courses, rien de bien important.
- Et pendant toute une après-midi tu n'as fait que ça ?
- Bon, Meïla, tu poses beaucoup de questions là, je me suis promenée en ville, rien de plus, dit-elle sur un ton froid.
Elle s'énerve et je ne sais plus quoi répondre, elle me ment, mais je n'ai rien de bien concret pour le prouver, je la connais seulement comme si je l'avais faite.
- Excuse-moi, je suis juste un peu curieuse. C'est juste que ça ne te ressemble pas de ne pas finir un travail comme celui-ci, et d'y couper court pour aller faire quelques courses.
- Ne t'en fais pas, je comprends, mais parfois ça me fait du bien de me changer les idées en faisant autre chose que travailler, encore et encore. Je vais devoir te laisser, il faut que j'aille prendre une douche, à demain Meï.
Je n'ai pas le temps de lui répondre qu'elle raccroche.
Je pose mon téléphone à mes côtés, un peu confuse de cette discussion. Je n'aurais sans doute pas dû poser toutes ces questions, elle a raison.
Après quelques minutes de réflexion, tout s'éclaire. Lyse ne sait pas mentir, et quand elle sent que je le devine, elle s'énerve. Dans exactement deux semaines, un lundi, je fêterai mes 19 ans. Elle est sortie en ville, donc près des magasins, le lien se fait plutôt rapidement. J'aurais dû y penser avant.
Je n'ose pas la rappeler, je crois qu'elle veut garder cette surprise, et je ne veux pas tout gâcher.
Lundi soir - 23:12
La soirée est vite passée, et me revoilà encore dans mon lit, fixant le plafond la tête pleine de pensées.
Mon téléphone vibre.
De Lyse, à Meïla :
Il m'a envoyé un message!
Je souris, elle ne m'en veut plus.
Demain, Arron sera en face de moi, je sens déjà mon cœur s'emballer.
Tout est calme, la lune veille sur nous.
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Seule.
Short Story« S'aimer soi-même est le début d'une histoire d'amour qui durera toute une vie. » - Oscar Wilde.