20:13
Nous y voilà, je suis dans l'internat. Je monte les escaliers, tout en me posant mille et une questions. Ils me paraissent tellement longs.
J'ai peur, s'il lui était arrivé quelque chose, je ne me pardonnerais pas d'avoir attendu si longtemps avant de me déplacer. Je presse le pas, mon cœur bat de plus en plus vite.
J'approche de sa chambre, sous la porte, de la lumière s'enfuit. Elle est là.
Je toque furtivement, par politesse, et entre.
20:15
Je n'avais jamais connu ce sentiment, jamais. Mon corps tout entier s'est paralysé. Impossible de bouger, de parler, ou de penser. Impossible de pleurer. Mon téléphone tombe au sol et la vitre explose, comme tout mon être, en milliards de petits morceaux. Mes cheveux, comme ma robe, laissent tomber le fruit de l'averse sous laquelle je me trouvais depuis une bonne dizaine de minutes.
Elle était nue, et lui aussi. Ça n'a duré que quelques secondes, ou peut-être des années. Je n'avais devant moi que deux êtres misérables, étonnés de ma venue. Surpris que je puisse bien venir les chercher, m'inquiétant pour leur pauvre vie. Arron avait l'air satisfait de se trouver entre ses jambes, heureux de la faire jouir depuis deux semaines.
- Sors Meï, sors! Me cri Lyse.
Je me suis empressée de le faire. Je suis partie.
J'ai dévalé les escaliers, aussi vite que ces larmes sur mes joues, sans ne plus m'arrêter.
Je suis sortie du bâtiment, et me suis mise à courir. Je ne sais où, pendant longtemps. Sous la pluie, je suis tombée de fatigue. Une fatigue physique poussée par une fatigue morale. Cette journée commençait pourtant si bien.
Je ne suis qu'un corps, ravagé par les sentiments, qui s'assoupie sous la pluie, sans plus un seul espoir.
Les absences de Lyse traduisaient ces moments qu'elle passait dans le lit du garçon dont je parlais tous les jours, et lui, c'est comme ça qu'il pensait s'amuser un peu avant de se poser avec quelqu'un. Qu'il s'envoie en l'air, c'est une chose, avec ma seule amie, c'en est une autre.
Tout se brise. Confiance, amour, amitié, je me sens misérable, misérable de les avoir crus, et de les avoir aimés.
Je me suis relevée, sous l'averse, et j'ai commencé à marcher. Je suis rentrée chez moi, sans dire un mot.
Quand m'a mère m'a trouvée dans un pareil état, elle s'est inquiétée, et m'a demandé si j'étais rentrée à pied.
- Quelqu'un m'a ramené, répondis-je, fixant le sol en marchant jusqu'à ma chambre.
Elle n'a pas bougé. Je crois qu'elle a compris qu'il ne fallait pas, et m'a laissée m'en aller.
Alors je suis rentrée dans ma chambre, et me suis déshabillée. Nue, je me suis allongée sur mon lit, et me suis mise sous ma couette. Je hais le monde.
Pour me changer un peu les idées, je décide de faire un tour sur mon téléphone. Mon téléphone que j'ai laissé dans la chambre de Lyse. Idée suivante.
J'attrape mon ordinateur, le déverrouille, et toutes les notifications surgissent d'un coup.
Lyse :
Mon dieu Meï, si tu savais comme je suis désolée.. - 20:23
S'il te plaît, réponds-moi (2) - 20:31
Où est-ce que tu es? (3) : 20:44
Meïla, réponds-moi! (4) : 21:06
Bandes d'enfoirés.
Agacée, je referme mon ordinateur et le pose aux côtés de mon lit.
Et Nils? Si j'appelais Nils? J'enfile quelque chose, sors de ma chambre et demande à mon père son téléphone, en lui racontant que le mien n'a plus de batterie. Il me confie alors le sien. Je retourne donc dans ma chambre, m'assoie sur mon lit, et commence à taper son numéro. Je l'ai appelé quelques fois ces derniers jours, j'ai donc ses coordonnées dans ma tête, elles ne m'échappent plus.
07 .. 78 .. 52 ..
Puis je m'arrête. Je vois mon nom s'afficher sur l'écran.
Une mauvaise blague? Je dors peut-être ?
C'est alors que tout se met en place dans ma tête.
Nils a les mêmes passions que moi, les même réponses à mes questions. Nils est gentil. Nils est bienveillant. Nils est étrange. Parce que Nils, c'est mon subconscient. Nils, c'est moi.
Il est là, devant la fenêtre. Je m'approche de lui. Il me sourit, je suis contente qu'il soit là.
- Tu n'es donc pas si réelle que ça, n'est-ce pas ?
- C'est ça.
- Je croyais beaucoup en toi, je ne me doutais pas que tu n'étais que dans ma tête. Tu es comme un ami imaginaire, dis-je hésitante. Mais comment se fait-il que je puisse te voir ? T'entendre et te toucher ? Suis-je devenue folle?
- Tu poses trop de questions, réplique-t-il. Je suis seulement ce que tu as besoin d'avoir.
Il est seulement ce que j'ai besoin d'avoir. Mais qu'est-ce que j'ai besoin d'avoir ?
Il prend ma tête entre ses mains, et dépose doucement ses lèvres sur les miennes. Mon corps tout entier se réchauffe. Il avance, je recule. Il me bascule sur le lit, et embrasse mon cou.
Qu'es-tu donc, étrange chose, pour me faire sentir autant vivante ?
Il me déshabille. Ses lèvres glissent sur mes seins, puis sur mon ventre. Il revient à mes lèvres. Il vient déposer les siennes au creux de mon oreille, je ne fais qu'entendre sa respiration. Sa main droite vient se glisser sur mes hanches, et il se place doucement entre mes cuisses. Je me mords les lèvres de désir, et lui demande de ne jamais cesser de me faire sourire.
Cette nuit-là, j'ai perdue une amie, ainsi que le garçon que j'aimais déjà tant. Cette nuit-là, j'ai eu 19 ans. Cette nuit-là, Nils m'a fait l'amour comme pour penser mes plaies, et calmer mes pensées les plus sombres.
Les gens que nous aimons peuvent parfois nous détruire, nous anéantir, sans raison vraiment valable. Pour certains, les priorités sont telles qu'elles peuvent devenir destructrices pour d'autres, mais il faut de tout pour faire un monde. Je suis la seule à pouvoir m'offrir ce confident tant attendu, et à pouvoir me rendre heureuse. Les autres sont ceux qui m'apprendront ce qu'est la vie, et ses différentes épreuves.
Nils avait raison, il est ce dont j'ai besoin, un ami, et un amant à la fois.
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Seule.
Short Story« S'aimer soi-même est le début d'une histoire d'amour qui durera toute une vie. » - Oscar Wilde.